Le secteur du luxe face au dilemme des « Maisons d'exception » et des groupes en reconquête

Le secteur du luxe entre dans une nouvelle ère de polarisation, selon plusieurs chroniques et études de marché publiées récemment. Cette dynamique oppose désormais deux familles d’acteurs : les « Maisons d’exception », capables de préserver une rareté et une intégration verticale, et les groupes multi-maisons, qui doivent redéfinir leur stratégie pour regagner leur lustre.

Une fracture croissante entre les maisons ultra-intégrées et les groupes en difficulté

Selon la chronique d’Antoine Fraysse-Soulier de Luxus Plus, l’écart entre les Maisons comme Hermès — maîtrisant leur chaîne de production — et les groupes comme Kering se creuse. Luxus Plus note que certaines maisons « à l’identité claire et au contrôle industriel total » affichent une croissance solide, tandis que les groupes en reconquête peinent à stabiliser leurs marques phares, comme Gucci.

De son côté, l’étude de KPMG, « Le luxe en mutation(s) », confirme cette polarisation. Selon KPMG, les « Very Important Clients » (VIC) — ultra-riches et ultra-fidèles — représentent moins de 2 % de la clientèle, mais génèrent près de 40 % du chiffre d’affaires des Maisons de luxe. KPMG ajoute que « la fatigue du luxe » se traduit par un ralentissement de la demande. Certains professionnels du secteur relèvent que la forte hausse des prix a fragilisé le contrat de confiance avec une partie de leur clientèle.

L’intégration comme rempart : l’exemple de la chaîne de valeur

Hermès incarne cette posture de « Maison d’exception ». Selon la chronique de Luxus Plus, elle continue de privilégier une croissance organique, un contrôle strict de ses ateliers, et évite de dépendre du tourisme de masse ou du wholesale.

Cette stratégie lui permet de maintenir des marges très élevées — selon la même source, ses « marges opérationnelles devraient dépasser à nouveau les 40 % » au T3 2025. KPMG ajoute que l’importance d’un « service émotionnel » est capitale pour ces clients VIC : « chaque point de contact est soigneusement conçu pour dépasser les attentes », explique leur rapport.

Les groupes en « reconquête » : Kering en exemple

Le cas de Kering illustre parfaitement les défis. Au troisième trimestre 2025, le chiffre d’affaires consolidé du groupe a reculé, avec Gucci comme principal point de fragilité (−14 % à données comparables).

La reconquête passe par un plan de redressement : réductions d’actifs, montée en gamme, plus grande sélectivité de la distribution. Cette démarche est rendue nécessaire par la loi d'airain du luxe : dans un contexte de volatilité économique, seuls les acteurs capables de conjuguer rareté, savoir-faire et cohérence stratégique resteront des valeurs refuges.

Une prime de valorisation pour les « maisons refuge »

L’étude McKinsey / Global Fashion Index 2025 (dans « The State of Fashion 2025 ») confirme que les « Super Winners » du luxe — LVMH, Hermès, Richemont, Kering — continuent de capter une part disproportionnée du profit économique du secteur.

Malgré un ralentissement en 2024, ces groupes ont réussi jusqu’ici à préserver « des prix élevés tout en maintenant une forte demande ». KPMG insiste sur cette nécessité de renforcer les fondamentaux — « savoir-faire, qualité, promesse tenue » — pour rétablir la confiance avec les clients et justifier des prix élevés.

Stratégie de long terme et authenticité

Dans un marché polarisé, seules l’authenticité, la maîtrise de l’image et la rareté permettent aux Maisons d’exception de conserver leur prime de valorisation et de rester des valeurs refuges pour les investisseurs, même dans un environnement macroéconomique incertain.

L’analyse est largement validée par des données publiques : les chroniques (Luxus Plus), les rapports stratégiques (KPMG) et les études de marché (McKinsey) convergent vers la même polarisation. Ce n’est pas simplement une tendance narrée, mais un changement structurel du luxe, où l’intelligence de la production et l’authenticité deviennent des atouts de résilience, obligeant les groupes multi-maisons à adapter leur modèle pour durer.