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Les dentelles Desseilles sous pavillon chinois : Sophie Hallette exprime sa tristesse

By Herve Dewintre

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Les sentiments, les conditions et les réflexions qui auront fait pencher la balance du côté du groupe chinois Hangzhou Yongshen Holding ne parviendront pas précisément jusqu’à nous. Elles resteront dans le huis clos du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer où se joua ce jeudi 31 mars, au cours d’une audience de trois heures, le sort de Desseilles, vénérable dentellier fondé en 1847 par Robert Desseilles, et placé en liquidation judiciaire depuis le 2 mars dernier.

La fin d’un long chemin de croix pour l’entreprise calaisienne dont le destin, depuis quelques années, avait largement été émaillé de problèmes de trésorerie, tout en étant traversé d’entrée imprévue - puis de sortie navrante - du capital qui avait conduit inéluctablement à une série de redressements judiciaires.

Hier, mercredi 30 mars, une audience s’était tenue dans le but d’étudier les trois offres de reprise, dont les deux principales étaient d’un côté, celle déposée (en premier d’un point de vue chronologique) par Cloris et Jason Li, dirigeants de Hangzhou Yongshen Holding, groupe industriel familial possédant plusieurs filiales dans le commerce, la gestion de patrimoine, la fabrication de fibre textile ; et de l’autre côté, l’offre déposée par le groupe Holesco, maison-mère du créateur et fabricant de tulle et de dentelle Sophie Hallette.

17 heures ce jeudi, l’affaire était jouée : c’est le groupe chinois qui entrera dans le capital du troisième dentellier calaisien. Selon le journal régional La Voix du Nord, «la vision stratégique avancée par le groupe, le montant des sommes investies dans l’outil de production, l’équipement, la rénovation des métiers (4,5 millions d’euros), le maintien de l’emploi sur le long terme ont convaincu le tribunal ». L’avocat de ce très discret groupe chinois, coté en bourse et basé à 200 km de Shanghai, se réjouissait de cette décision en avançant le fait que la société garantissait la reprise de 60 emplois sur 74 (Sophie Hallette en garantissait 55, soit cinq de moins que le groupe chinois), le maintien de l’activité industrielle sur Calais, et l’ouverture d’un centre de formation. L’avocat affirmait également avec force le sérieux du holding chinois en insistant sur la cohésion de la vision du groupe qui par exemple, possède une société d’impression 3D, leader dans son domaine ; tout en précisant que le groupe avait également proposé de « « racheter le terrain et l’usine du dentellier pour 2017 ».

« Sophie Hallette a donné son maximum. Tristesse sur toute la ligne »

Du coté de Sophie Hallette, c’est la consternation. Dans un communiqué adressé ce jour, Romain Lescroart, le PDG de Sophie Hallette, prend acte de la décision de ne pas attribuer au groupe Holesco la reprise de Desseilles Laces et « déplore qu’une entreprise calaisienne qui détient une part, si précieuse, d’héritage et de savoir-faire de la dentelle française passe sous pavillon chinois ».

Le communiqué précise point par point, l’offre du groupe Holesco. Une offre qui se signalait par des « efforts d’amélioration et une volonté authentique de donner une pérennité à Desseilles Laces ». L’offre s’articulait autour de quatre axes : un investissement de 2 million d'euros dans la société Desseilles Laces, la reprise de 55 emplois (une équipe de 5 personnes à la création, 4 personnes au service commercial, 46 personnes pour la production) , l’appui des pouvoirs publics à l’offre du Groupe Holesco - confirmé à hauteur de 1 Million d'euros par la région et la mairie de Calais, le maintien des activités à Calais.

Le PDG ne comprend pas ce qui a présidé à cet arbitrage. « Nous nous sommes positionnés sur ce dossier depuis déjà octobre 2015 auprès de l’administrateur judiciaire, nous avons rencontré des responsables à la Direction Générale des Entreprises (DGE), nous avons écrit à M. Xavier Bertrand, le président de la région et nous avons également rencontré la commissaire au redressement productif, ainsi que la DIRECCTE. Je m’interroge sur les mobiles de cette structure régionale qui s’est tournée vers les investisseurs chinois avant même d'étudier les possibilités et les solutions stratégiques offertes par les acteurs français de cette filière ».

Le PDG s’interroge sur les motivations réelles de ses concurrents. « Les chinois dans leur projet, évoquent la réalisation d'un centre de coopération international autour du concept dentelle française ». Un concept dont la sincérité est mise en doute par Romain Lescroart qui rappelle que Desseilles réalise principalement du jacquard, et non du Leavers. A ce propos, il n’est pas anodin de signaler que Le président de la fédération française des dentelles et broderies a manifesté le souhait de rencontrer les nouveaux actionnaires au plus vite afin de leur exposer, en tant qu'adhérents, leurs droits et leurs devoirs quant à l'utilisation de la marque "Dentelle de Calais-Caudry" qui labellise précisément la dentelle fabriquée à Calais et/ou Caudry exclusivement sur métier Leavers.

Prochain combat : la reprise de Codentel

Un deuxième round aura bientôt lieu entre le groupe chinois et le groupe français. Il aura pour objet la reprise d’un autre dentellier calaisien : la société Codentel qui fabrique du leavers et qui compte 45 employés. Elle a été placée en redressement judiciaire en décembre dernier. Romain Lescroart, toujours dans le même communiqué, affirme se concentrer fermement sur ce dossier dont l’attribution par le tribunal de commerce de Lille aura lieu le 7 avril prochain. « Sophie Hallette croit en cette filière d’excellence française » annonce le Pdg français. Au même moment, Cloris et Jason Li visitaient pour la première fois les ateliers de Codentel. Le groupe chinois a d’ores et déjà déposé une offre.

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