Linen Day Paris : retour sur une première édition qui crée du li(e)n avec le lin
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La force de la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre est de réunir une filière agro-industrielle. Et c’est précisément ce qu’il s’est passé à l’occasion de la première édition du Linen Day Paris, qui a eu lieu le 9 juin 2022, entre Paris et Versailles.
En ce jeudi 9 juin, au Mazarium de la rue Mazarine, à l’occasion du premier Linen Day Paris, liniculteurs, teilleurs, filateurs, peigneurs, tricoteurs, tisseurs, ennoblisseurs, responsables de marques de mode et design, acteurs de la mode… Au total 312 personnes, dont plus de 40 intervenants, se sont mobilisées pour assister ou participer à 20 différentes tables rondes et keynotes autour du lin, orchestrées par la Confédération Européenne du Lin et du Chanvre (CELC). Pour vous donner une idée de la dimension de cet évènement, imaginez que la filière cuir réunisse animaux, éleveurs, bouchers, tanneurs et tout le corpus de la profession mode pour discuteur circuit court, empreinte écologique et réindustrialisation des savoir faire.
Si la CELC a jusqu’alors beaucoup communiqué sur la dimension écologique du lin, eu égard à l’urgence climatique qui contraint l’industrie de la mode et aux nouvelles réglementations européennes il est ressorti de cet évènement autre chose : c’est le li(e)n. Oui, le lien existant entre 140 000 hectares (en 2022) d’une terre limoneuse, située entre Caen et Amsterdam, où sont plantées les graines de lin et les responsables de marques de mode trop souvent hors sol – c’est le cas de le dire – quand il s’agit de traçabilité matières.
De l’agriculture à l’agro-créativité : une réunion qui fait sens
100 jours. Il faut 100 jours à cette graine pour devenir une plante qui sera ensuite arrachée, rouie, enroulée puis teillée. Le teillage, c’est cette technique mécanique qui consiste à extraire la fibre libérienne. Il en existe des courtes et des longues, mais c’est cette dernière qui est majoritairement utilisée pour devenir textile. La fibre longue est ensuite peignée, filée puis tissée ou tricotée et c’est là qu’intervient la dimension sociale du lin, sans laquelle l’abréviation RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale) n’aurait pas de sens. Jusqu’à peu, il n’y avait plus de filatures en France, mais, réindustrialisation oblige, voici que ce corps de métier refait surface : Safilin, à Béthunes (Pas-de-Calais), Natup à Saint-Martin-du-Tilleul (Normandie), Emanuel Lang à Hirsingue (Alsace) et, en projet, filature Linfini à Pleyber-Christ (Bretagne). Voici de quoi concilier développement économique et respect de l’environnement car, pour mémo, le lin c’est zéro pour cent d’irrigation (sauf cas extrêmes), très peu d’intrants chimiques, un matériau biodégradable, renouvelable…
C’est probablement dans cette dynamique vertueuse d’un bout à l’autre de la chaîne de valeurs que réside la force du lin. Dans un marché où les normes de production évoluent de manière croissante, il s’agit avant tout de convaincre les dirigeants de mode par l’exemplarité. Plusieurs d’entre eux ont été invités à témoigner de leurs pratiques sur le podium du Linen Day Paris. Stefano Brown, responsable développement durable Loro Piana, a parlé du lin comme d’« un cashmere d’été », Simone Sommer pour Marc O’Polo a signalé leur capsule dédiée au lin. Cette marque allemande est détentrice du label Masters of Linen®, qui garantit la traçabilité d’une fibre de lin de qualité premium, cultivée en Europe de l’ouest vers tous ses débouchés, et dont toutes les étapes de transformation, de la fibre au tissu, sont réalisées en Europe ou sur la zone Euromed. L’ambition du CELC ? Passer prochainement de trente-neuf à cent entreprises labellisées Masters of Linen®. Elizabeth Ducottet, P.D.G. du groupe Thuasne, fabricant de matériel orthopédique et bas/chaussettes de contention a, pour sa part, évoqué le caractère thermo-régulateur, respirant du lin.
1 hectare de champs de lin = 4 000 chemises
Enfin, Guillaume Gibault, fondateur du Slip Français, a abordé la question du coût de revient des matières premières qui ont toutes flambé et pose des problèmes de réalisation de collection à un tarif qui puisse correspondre à un marché grand public. Mais, pour l’instant, il s’agit surtout d’éduquer, sensibiliser à travers deux expériences « Touch and Feel ». À la fin de cette journée intense, les participants ont pu découvrir des champs de lin dans le jardin du Hameau de la Reine, cultivés par le groupe de jeunes agriculteurs de la Coopérative Terre de Lin avec la complicité des jardiniers de Versailles. Une ballade accessible à qui le souhaite à partir du 10 juin. Mais le grand public peut également découvrir « Manifeste du lin », un film diffusé sur les réseaux sociaux, qui crée un li(e) n entre les terres cultivées et la danse contemporaine pour illustrer ce, désormais fameux, mouvement agro-créatif.