Main-d'oeuvre exploitée: la société Loro Piana (LVMH) sous "administration judiciaire"
14 juil. 2025
Dans un communiqué, les carabiniers du service de défense des conditions de travail disent avoir "exécuté un décret d'administration judiciaire du tribunal de Milan" contre cette maison, réputée pour ses vêtements en cachemire, jugée "incapable d'empêcher et d'endiguer des phénomènes d'exploitation de main-d'oeuvre dans le cadre de la production" de ses collections.
Loro Piana est accusée de "ne pas avoir mis en place les mesures adéquates pour vérifier les conditions réelles de travail (...) des sociétés sous-traitantes".
Les juges du tribunal de Milan estiment que la direction de Loro Piana a "facilité par négligence" l'exploitation de main-d'oeuvre, à cause d'une "carence généralisée de modèles d'organisations et d'un système d'audit interne défaillant". Selon les enquêteurs, la maison confiait la confection de vêtements à une société dépourvue de toute capacité productive, laquelle recourait elle-même à une autre société, qui à son tour faisait appel à des ateliers employant des ouvriers chinois en Italie pour faire baisser ses coûts. Dans ces ateliers étaient exploités des ouvriers en situation irrégulière sans respecter le législation sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail, notamment pour "les salaires, les horaires de travail, les pauses et les vacances".
L'enquête a débuté en mai dernier après la plainte d'un ouvrier chinois passé à tabac par son patron parce qu'il réclamait le paiement de ses arriérés de salaires. Les carabiniers ont constaté que des ouvriers étaient logés dans des "dortoirs construits abusivement et dans des conditions hygiéniques et sanitaires en dessous du minimum éthique". Deux ressortissants chinois propriétaires d'ateliers ont été déférés devant la justice pour exploitation de main-d'oeuvre, ainsi que deux Italiens pour violations des normes sur la santé et la sécurité sur le lieu de travail. Sept ouvriers dépourvus de titres de séjours ont aussi été renvoyés devant la justice.
Le tribunal a aussi infligé des amendes d'un montant de plus de 181.000 euros et des sanctions administratives d'environ 60.000 euros. Les activités de deux ateliers chinois ont en outre été suspendues "pour violations graves en matière de sécurité et recours au travail au noir". Loro Piana avait été acheté par LVMH en 2013. L'actuel président de la société est Antoine Arnault, fils aîné de Bernard Arnault, patron de LVMH, dont un autre fils, Frédéric, est directeur général de cette filiale italienne. Plusieurs prestigieuses maisons de mode, dont Armani, ont déjà été épinglées par la justice italienne dans des affaires similaires.
L'autorité italienne de la concurrence a ainsi contraint en mai la marque de luxe Dior, appartenant également à LVMH, à verser deux millions d'euros d'aide aux "victimes d'exploitation" dans le cadre d'une enquête sur les conditions de travail de ses sous-traitants. L'autorité avait toutefois exclu toute "infraction".
Mise à jour : 15 juillet 2025, 11h50, la réponse de Loro Piana
Contactée par FashionUnited, la maison Loro Piana a réagi dans un communiqué daté du 14 juillet 2025. La marque a indiqué avoir « pris connaissance de la notification reçue du Tribunal de Milan concernant les pratiques de travail d'un sous-traitant non déclaré et non autorisé de l'un de ses fournisseurs ».
Loro Piana précise que le fournisseur en question n'a pas respecté ses « obligations légales et contractuelles » en ne l'informant pas de l'existence de ces sous-traitants. Dès qu'elle a eu connaissance de la situation, le 20 mai dernier, la Maison « a mis fin à toutes ses relations avec le fournisseur concerné en moins de 24 heures ».
La marque « condamne fermement toute pratique illégale » et réaffirme son « engagement inébranlable à respecter les droits humains et la conformité à toutes les réglementations applicables tout au long de sa chaîne d'approvisionnement ». Loro Piana s'engage à s'assurer que tous ses fournisseurs respectent « les normes éthiques et de qualité les plus élevées de la Maison, conformément à son Code de Conduite ». Dans cette optique, l'entreprise souligne avoir « constamment revu et continuera à renforcer ses activités de contrôle et d'audit ».
Enfin, Loro Piana conteste les chiffres de coûts rapportés, affirmant qu'ils « ne sont pas représentatifs des montants payés par Loro Piana à son fournisseur, ni ne prennent en compte la valeur totale de tous les éléments, y compris, entre autres, les matières premières et les tissus ». La maison exprime sa « pleine volonté de coopérer avec les autorités compétentes sur cette question » et entend « apporter le soutien le plus total à toute investigation future ».