Marcel Nakam (Jonak) : « En termes de moyens, on teste le plein potentiel »
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Née en 1964, l’enseigne de chaussures Jonak est aujourd’hui en pleine croissance et poursuit un développement retail dynamique en Europe. FashionUnited a rencontré Marcel Nakam pour comprendre les rouages de ce succès.
En 2023, le paysage des enseignes de mode françaises est plutôt morose. Fin mars, la marque Kaporal a demandé son placement en redressement judiciaire et ajouté son nom à une longue liste de sociétés de prêt-à-porter et de chaussures en difficulté : André, Pause Café, Go Sport, Kookaï, Clergerie, etc. Pourtant, Jonak résiste. Mieux, elle prospère.
Cette société parisienne spécialisée dans la chaussure féminine n’a pas attendu le covid pour opérer des transformations. Mutualisation des stocks, parcours client unifié, investissements sur les médias sociaux… Marcel Nakam et sa sœur Lisa Nakam ont fait évoluer leur entreprise familiale vers la digitalisation avant 2019. Cela a permis à l’entreprise d’afficher une croissance de 20 pour cent en 2022 versus 2021, après déjà deux années positives en 2020 et 2021. Mais la société française n'entend pas se reposer sur ses lauriers et veut poursuivre sur sa lancée.
Agilité et prix juste
« La clé dans nos métiers à nous, par définition, c'est le produit », répond Marcel Nakam lorsque nous l’interrogeons sur les raisons du succès de Jonak. Autour de son produit, la marque a construit une approche agile et un business model au prix juste. Ces dernières années, le nombre de références coloris a augmenté (500 SKU par saison contre 350 SKU il y a 5 ans), mais pour tester le marché, les pièces sont, elles, produites en plus petites quantités (parfois 100 ou 200 pièces). La marque colle ainsi au plus près des tendances. Lors de notre interview, début avril, les équipes de Jonak travaillaient encore sur la création de modèles pour l’été 2023.
Marcel Nakam explique : « À partir du moment où on produit en Europe, on a une capacité de réactivité en termes de création et de réassort qui est très importante. On est dans un modèle où on a accès à de la donnée très tôt, on perçoit très vite les envies des consommateurs en entrée de saison mais on est capable fortement de réassortir, ou de créer de nouveaux produits en fonction des envies des consommateurs. Donc on colle au mieux à leurs demandes. »
Quand à la notion de prix, il ajoute : « On n'a pas une marque qui a fait des allers-retours en termes de stratégie, en allant vers du “ça va pas bien, on va faire de la promo, nos modèles, on va les mettre à moins 50 pour cent, moins 60 pour cent, moins 70 pour cent”. On est au juste prix toute l'année et on fait deux fois par an des soldes comme tout le monde avec, au sein de nos soldes, peut-être 40 pour cent de la collection qui n'est pas soldée. On est au juste prix toute l'année. Ça, c'est une force de business model. »
Les codes du luxe
Pour améliorer encore les choses, l’entreprise reprend avec les codes du luxe. Elle va notamment mettre en place d'ici quelques mois des tablettes vendeurs afin d'optimiser l'expérience client en magasin. Marcel Nakam précise : « le service de “rupture/extension” de gamme existe déjà chez nous, mais ça peut se faire de façon encore plus esthétique, en accompagnant vraiment la cliente. » Il indique également que l'amélioration client passera à travers des communications via des applications comme WhatsApp.
D'ailleurs, il y a un an, l'entreprise a créé au siège un poste de responsable de l’expérience client. La personne recrutée est chargée de mener divers types de projets : du chiffre off store au passant par le développement du type Whastapp ou encore le SAV. Elle est par ailleurs à la disposition des équipes magasin en permanence.
Pour la scénographie retail aussi, les codes du très haut de gamme sont là. « On a élaboré notre concept magasin il y a à peu près cinq ans, rappelle Marcel Nakam. On l'a pensé, toujours en reprenant un peu les codes du luxe, de façon pérenne. » En parallèle, les équipes Jonak ont mis en place depuis 2 ou 3 ans des animations retail afin de faire vivre le concept en ajoutant, par exemple, un ou deux nouveaux revêtements muraux.
Depuis environ 1 an, l’enseigne a organisé un partenariat avec le magasin de meubles de seconde main Selency pour créer dans chaque boutique, un coin cocooning, semblable à un appartement. Pour le dirigeant « c'est juste une mise au goût du jour avec ce dont la cliente a envie aujourd'hui, en s'inspirant un peu de ce qui se fait dans le luxe avec vraiment un côté événementiel permanent. Ce sont des choses qui donnent de la vie dans le magasin. »
Prochain projet de retail de la marque : la réparation. Jonak ouvrira en septembre un atelier de cordonnerie pour prolonger la durée de vie des produits dans ses boutiques de la région parisienne.
Les futures ouvertures de Jonak
Côté retail, Jonak a ouvert, il y a trois semaines, avenue des Ternes, à Paris, et ouvrira en mai une deuxième boutique à Bordeaux, rue Porte Dijeaux, puis, courant juin, dans le quartier de La Défense. La marque indique ainsi être « en phase de fin de maillage sur quelques villes de France ». Elle qualifie son réseau de 45 magasins dans l'hexagone de « quasiment mature » et estime qu’il le sera totalement une fois atteint le chiffre 50. Au-delà de ses boutiques en France, la marque est également présente dans les grands magasins avec 30 corners aux Galeries Lafayette et Printemps.
Récemment, le développement de l'enseigne en Europe est passé par la Belgique et les Pays-Bas. « On a ouvert à Bruxelles l'année dernière. Ça marche très bien, assure Marcel Nakam. (...) L’année où j’ai ouvert en Belgique, j’ai doublé mes ventes online sur le pays, alors qu’en plus de ça, les magasins fonctionnent très bien. » Il y a trois semaines, la marque a ouvert un magasin à Anvers : « Ce sont des chiffres d’affaires encourageants mais il n’y pas encore assez de recul ».
Aux Pays-Bas, Jonak a ouvert au sein des grands magasins Bijenkorf, après avoir été présents sur le site internet de la société néerlandaise durant environ 1 an. Elle compte aujourd’hui trois corners à Amsterdam, Rotterdam et Maastricht et s’affiche dans le top 3 des ventes du segment contemporain de Bijenkorf.
Actuellement, les ventes de l’e-shop Jonak représentent environ 35 pour cent de son activité, ses partenaires wholesale 15 pour cent et son parc retail 50 pour cent. Concernant la stratégie online, Marcel Nakam déclare : « Pour l'instant, on a été en croissance ces dernières années sur le online, y compris l'année dernière, y compris depuis le début de l'année. On ne met pas de limites. Du coup, en termes de stratégie, peut-être que demain le online dépassera les 50 pour cent ou les 60 pour cent, on n'a pas de limites là-dessus. En tout cas, ce qui est sûr c'est qu'en termes de moyens, on teste le plein potentiel. »