"On peut être éthique en produisant en Asie" : Primark dédaigne l'étiquette "fast fashion"
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Dublin - "On peut être éthique en produisant en Asie": le patron de Primark défend auprès de l'AFP son modèle commercial, alors que la fast fashion est critiquée pour son impact environnemental et social, affirmant que Primark "n'inonde pas le marché de produits non désirés". Dans le paysage de la mode aux petits prix, Primark fait figure d'ovni.
La marque irlandaise produit en Asie et vend peu cher, mais elle achemine ses produits par bateau plutôt que par avion, ne vend pas en ligne, prépare ses collections plus d'un an en avance et ne constitue pas de stocks. Une recette payante puisqu'elle a franchi "pour la première fois (...) la barre du milliard de livres de bénéfices" lors du dernier exercice financier, s'est enorgueilli son patron Paul Marchant, devant la presse fin novembre à Dublin.
Sous le feu de critiques d'associations défendant l'environnement et les droits humains, comme d'autres enseignes textiles, Primark explique qu'elle forme les agriculteurs indiens à l'agriculture régénérative et les ouvrières à la gestion. La société pratique des audits réguliers de ses fournisseurs, cherchant à s'affranchir de l'image d'exploitation des terres et des travailleurs qui colle à la peau de la fast fashion.
Mais ne possédant aucune usine, elle demeure tributaire des réglementations de l'Inde, du Pakistan et du Bangladesh où elle produit principalement. "Je ne suis pas d'accord avec l'idée qu'on ne peut pas être éthique en achetant depuis l'Asie", affirme M. Marchant.
"Si vous avez les bons partenaires" et "les bonnes protections, mesures et contrôles, (...) je ne vois pas pourquoi votre chaîne d'approvisionnement ne serait pas fiable", lance celui qui assure se conformer au "code de conduite" de l'Organisation internationale du travail.
Chaîne d'approvisionnement
En 2018, la marque a publié un rapport sur sa chaîne d'approvisionnement mais qui ne remonte qu'à ses usines de confection, sans visibilité sur leurs partenaires. Elle assure faire des efforts sur la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre mais reconnaît que 97,5% provient des activités de ses fournisseurs. Interrogé sur les volumes de vêtements mis sur le marché, Paul Marchant n'a pas souhaité les révéler à l'AFP mais s'est défendu d'"inonder le marché de produits non désirés".
Il argue que Primark "vend chaque produit qu'il achète", moins sensible que d'autres marques aux effets de mode, la moitié de ses collections étant composée de vêtements du quotidien. Lancée en 1969 en Irlande sous le nom Penneys, Primark n'a connu depuis que deux dirigeants: son fondateur Arthur Ryan, et Paul Marchant. Mais le géant du prêt-à-porter low-cost, et champion des ventes en Irlande et au Royaume-Uni, n'a plus rien d'une petite entreprise familiale. C'est désormais une prospère filiale du colosse de l'agro-alimentaire Associated British Foods, qui vend aujourd'hui ses vêtements dans 17 pays et emploie 80.000 personnes.
"Troisième continent"
Forte de ce succès, Primark entend s'accroître aux Etats-Unis et en Europe (France, Espagne, Portugal, Italie, voire s'implanter en Grèce), détaille Paul Marchant à l'AFP. L'enseigne a aussi signé avec "un partenaire franchisé" pour ouvrir d'ici "12 à 18 mois" des boutiques aux Emirats arabes unis, au Koweït, "potentiellement" au Bahreïn et au Qatar. "Ce serait notre troisième continent", s'enthousiasme le dirigeant. Mais comment Primark résiste-t-elle à ses concurrents directs (H&M, Zara) et aux asiatiques Shein et Temu ? "Le modèle repose sur des marges très, très faibles", affirme M. Marchant. L'entreprise réalise également des économies d'échelle en achetant des volumes plus importants que ses concurrents.
Elle ne vend pas en ligne mais "les rues commerçantes sont pleines de gens qui viennent dans nos magasins", souligne Paul Marchant. Pour les attirer, Primark multiplie notamment les partenariats avec des licences populaires telles que Netflix, Disney, Hello Kitty. Dans ses 453 boutiques, on trouve des vêtements et accessoires, mais aussi de la décoration, des cafés, des bars à sourcils, des barbiers...
L'idée est que chacun s'y retrouve: des parents conquis par les prix particulièrement "compétitifs" sur l'habillement enfant, mais aussi des femmes avec des besoins particuliers comme celles enceintes et celles qui ont subi un cancer du sein, ou encore des personnes en situation de handicap, à qui des collections sont dédiées. (AFP)