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Pierre-Arnaud Grenade (Ba&sh) : « On n'est pas né sustainable, mais on fait ça extrêmement sérieusement »

By Julia Garel

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Business|Interview
Pierre-Arnaud Grenade, CEO de ba&sh / Vitrine de la marque ba&sh. Credits: ba&sh.

Marque de mode française, Ba&sh fait partie de ces noms du segment premium qui connaît le succès en dépit du contexte inflationniste. Au-delà de ses produits, sa désirabilité tient à une politique RSE bien rodée et en constante évolution.

En 2022, alors que son chiffre d'affaires augmentait de 22%, l'empreinte carbone de Ba&sh a, elle, diminué de 15 %. Une donnée partagée avec fierté par la marque et qui met en parallèle croissance économique et réduction proportionnelle de l'impact environnemental. Mais concrètement, comment limiter cet impact quand on est une entreprise internationale née en 2003 et que l’on produit plus de 2 millions de pièces par an ? Pour comprendre les enjeux, FashionUnited s’est entretenu avec Pierre-Arnaud Grenade, CEO de Ba&sh.

Ba&sh en quelques chiffres
  • Ba&sh lance 17 drops par an. Depuis 1 an, la marque a réduit le nombre de modèles mis sur le marché.
  • En 2023, Ba&sh a ouvert 11 points de vente en Asie, 10 en Europe, une première boutique en Italie et plusieurs en Amérique du Nord.
  • La marque compte 320 magasins dans le monde.
  • 300 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022.
  • Cinq personnes travaillent en interne chez Ba&sh sur le sujet RSE (avec, en plus, des personnes spécifiques en charge de ce sujet dans certains départements, notamment à la production).
  • Fondée en 2003, la marque a vu l'arrivée d'un nouvel actionnaire majoritaire en 2022 : le fonds HLD.

Ba&sh a annoncé cet été la relocalisation de 70 % de sa production en proche import (Europe, Maghreb, Turquie). À partir de quand ce projet sera-t-il appliqué et pour quel horizon ?

Pierre-Arnaud Grenade : En fait, on a déjà commencé. Aujourd’hui on est sur 50/50 entre l’Asie et la zone Euromed. On se donne encore 2 ans pour atteindre 70 % / 30 %. D’une façon générale, on produit là où on achète la matière : accessoire en Italie, chaussure au Portugal, produit en coton au Portugal, jean au Maroc ou Turquie, manteau en Europe centrale, soie et viscose en Chine.

L’impact environnemental est double parce qu’il y a un mix énergétique qui est meilleur en Europe qu’en Chine et on a moins de transport. Autre effet induit, le time-to-market est plus court, donc on peut mieux s’adapter à la demande parce que l’on a moins de temps de latence et d’acheminement dans nos entrepôts. Pour autant, on a aussi un flux de produits qui va de Chine en Chine [Ba&sh dispose de 58 boutiques en Chine]. Toutefois, le flux est plus fort de l'entrepôt vers l’Europe et les États-Unis. La Chine représente aujourd’hui environ 15 % de notre chiffre d’affaires. Nous sommes une entreprise mondiale et globale, 320 magasins dans le monde, 40 aux États-Unis, 120 en Europe (hors France). Il faut que l’on pose le raisonnement à un niveau global.

Quel est le coût d’un tel projet RSE ?

Il faut qu’on se fasse accompagner par des experts et des cabinets spécialisés [ndlr. la marque s'est récemment associée à Fret21, programme d’accompagnement visant à réduire l'impact de l’activité logistique des entreprises et lié à l'agence de la transition écologique Ademe]. Le passage de matières conventionnelles à des matières certifiées a eu un coût. Je pense que dans le futur ça l’aura moins. Là, on est encore dans une situation où une minorité de matières certifiées sont disponibles. Demain, il y a aura une majorité de matières certifiées, une production plus forte et donc un rééquilibrage de l’offre et de la demande. Mais, temporairement en tout cas, c’est un coût additionnel.

Par exemple, on a passé nos polybags en 100 % plastique recyclé, c’est un coût de l’ordre d’une vingtaine de milliers d’euros supplémentaires. On prend ces coûts mais, par ailleurs, on essaie d’être malin sur d’autres aspects de dépenses pour compenser. Ce qui est certain, c’est que le consommateur n’est pas vraiment prêt à payer plus pour un produit qui soit vertueux, surtout en ce moment. C’est donc à nous de faire l’effort et de trouver des solutions intelligentes pour que l’on compense les dépenses et qu’au final ça ne déséquilibre pas l’entreprise. Il faut que tout ça soit économiquement vertueux, si c'est pas vertueux, ça n'est jamais durable.

Comment Ba&sh mesure l'impact de ses actions en termes de réduction des émissions de CO2 ?

On calcule notre bilan carbone depuis 2020. La méthodologie que l’on a retenue est celle du GHG Protocol, c’est un cadre international d’évaluation, un mode de calcul qui couvre les trois scopes : les émissions directes et indirectes de l’entreprise. D’autre part, on quantifie notre plan de réduction. Quand on fait plus de maritime, on est capable de calculer l’impact positif que ça a en impact carbone. Du coup, on priorise les actions qui ont le plus d’impact dans notre roadmap RSE. Mais on n'a pas que ça. Parce que finalement le carbone est une simplification de la mesure d'impacts qui sont en fait beaucoup plus complexes. Mais ça aide parce que cela permet à tout le monde d'avoir une roadmap. On suit aussi la part de matières certifiées. Aujourd’hui, 70 % de nos matières sont certifiées, labellisées ou recyclées. Ensuite, on mesure la répartition du transport et la part d'énergie renouvelable dans nos boutiques, etc. On a un ensemble d’indicateurs qui s’applique à chacune des mesures de réductions que l’on a identifiées comme étant des mesures qui vont avoir un vrai impact.

Magasin Ba&sh. Credits: Ba&sh.

Lors de la délocalisation de la production en proche import, comment avez-vous sélectionné les usines ?

On a fait un audit social sur la totalité de nos fournisseurs de rang 1 [ndlr. :le façonnage ou la confection]. Pour vérifier que les conditions de travail des équipes étaient conformes à nos standards et nos critères. En 2024, on auditera 100 % de nos fournisseurs de rang 2 [ndlr. : la teinture ou la tannerie mais aussi le tissage/tricotage]. Et on ira plus loin dans les éléments environnementaux chez la totalité de nos fournisseurs de rang 1.

En plus de ça, on a des conditions générales d’achat dans lesquelles il est précisé que même avant l’audit le fournisseur doit respecter un certain nombre de règles. La non-utilisation de certaines matières chimiques par exemple, le bannissement de certaines régions pour certaines matières. Par exemple : pas de coton de la région des Ouïghours. On met un certain nombre de red flag dans nos conditions générales d’achats. Elles évoluent tous les ans. On est très humble. On ne dit pas que notre cahier des charges est parfait, mais il est en tout cas au maximum de la connaissance qu’on a des choses à éviter à tout prix. On s’appuie vraiment sur nos fournisseurs. C’est un vrai travail collectif. Le textile est un métier peu automatisé. Il faut arriver à convaincre les équipes au quotidien de changer leur comportement, il y a beaucoup d'humains, que ça soit au niveau du paysan, de l’usine ou du magasin. C’est pour ça qu’on a commencé par des audits sociaux : parce que je pense que l’on peut exiger des équipes de vrais efforts pour l’environnement à la condition qu’elles soient bien traitées.

En termes de transparence vis-à-vis du consommateur final, comment communiquez-vous ces données ?

Au terme de la loi Agec [ndlr. :la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire], on avait déjà anticipé. Pour certaines pièces, on trace jusqu’au rang 1, mais on n'a pas encore une totale traçabilité. L'objectif pour l'année 2024 est 100 % de références tracées à minima jusqu'au rang 3 [ndlr. : la filature]. Aujourd'hui, dans les magasins, les étiquettes des produits ont un QR code à scanner pour voir les étapes de fabrication du produit.

Aujourd’hui, le consommateur est prêt à entendre que l’on n’est pas parfait mais que l’on s’y attelle et que l’on travaille sérieusement.

Pierre-Arnaud Grenade, CEO de Ba&sh.

On publie aussi un rapport RSE où l'on dit clairement où l’on en est et où l’on veut aller, en toute transparence. Je pense qu’il faut être très humble. Aujourd’hui, le consommateur est prêt à entendre que l’on n’est pas parfait mais que l’on s’y attelle et que l’on travaille sérieusement. On est donc transparent là-dessus.

Notre empreinte carbone a baissé de 15 % avec, en même temps, une croissance entre 2022 et 2021 de 22 % (11 000 tonnes de CO2 en moins). À l’échelle des articles, cela signifie qu’un produit Ba&sh émet 29 % de CO2 en moins en 2022 par rapport à 2021.

Vous avez récemment annoncé une diminution de 38 % de vos émissions de CO2 à horizon 2025 via les transports. Quels ont été les défis à relever ?

Sur le sujet des transports, ça a été de repenser notre calendrier. Il a fallu repenser toute notre chaîne de produits, la mise au point, le design, la production, etc. pour pouvoir favoriser au maximum le transport maritime. Ça c’était un premier challenge, la remise à plat de tout le process. On a donc beaucoup impliqué nos fournisseurs dans le respect des délais, la restructuration totale du calendrier.

Autre défi : comment communiquer ça de façon simple, mais sans être simpliste au risque d’être dans le greenwashing. Il faut être didactique pour communiquer de façon sérieuse et en même temps pas ennuyeuse. Il y a un équilibre à trouver.

On n'est pas né sustainable, mais on fait ça extrêmement sérieusement. Je pense que l’on est l’une des marques les plus sérieuses, les plus laborieuses sur le sujet. C’est cinq personnes chez nous en interne sur le RSE. C’est beaucoup d’investissement. On fait ça parce qu’on y croit, parce que nos équipes y croient et aussi parce qu’on pense que c’est le futur. On est fier de nos résultats et en même temps on sait qu’il y a encore beaucoup de travail. Ça n’est pas fini.

Quels sont les prochains projets RSE ?

Fin 2023 : 75 % de matières certifiées. 100 % d’ici fin 2025, zéro emballage en plastique vierge fin 2023. Et concernant les objectifs sur la fin de vie des articles, on s’est fixé 5 % de chiffre d’affaires en e-commerce en seconde main. On ouvre des pop-up stores régulièrement sur la seconde main. L’ensemble des produits défectueux, donc des produits qui ne sont pas re-vendables, et des très faibles stocks qui nous restent – moins de 1 % après 2 ans de mise en achat, on parle donc de quelques milliers de pièces – on les donne à une filière de recyclage. Et l’on va continuer à faire de l’upcycling.

Concernant son parc retail, où en est la marque ?

On a ouvert une vingtaine de boutiques sur 2023. On va continuer sur 2024. Il y a 25 boutiques de prévues. On n’ouvre plus en France parce qu’on estime que l’on a un réseau qui est complet, mais on continue à ouvrir en Europe : en Italie, en Allemagne, dans les pays scandinaves. On ouvre en Chine évidemment, puis en novembre à Singapour et début 2024 à Taïwan. On a aussi ouvert pas mal de choses en Corée. Il y a quelques semaines, on a ouvert à Boston et à Vancouver.

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