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Pourquoi Conde Nast veut-il défier Net-a-porter avec Style.com?

By Herve Dewintre

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A priori ils ne jouent pas sur les mêmes terres. L’un, Conde Nast, est un groupe d’édition puissant et centenaire, propriétaire de magazines majeurs, tous déclinés dans de nombreux pays (Vogue, GQ, Vanity Fair, Glamour pour ne citer que quelques titres).

L’autre, Net-a-porter est une société basée sur le e commerce, beaucoup plus récente, (puisqu’elle a été fondée en 2000 par Nathalie Massenet à Londres) mais pas moins modeste avec ses 700 employés perchés en haut du centre commercial londonien de Westfield, et d’autant plus prometteuse que la société, rachetée tout d’abord en totalité par le groupe suisse Richemont en 2010, vient de signer un accord avec le géant italien Yoox pour fusionner en une nouvelle entité qui s’appellera « Yoox Net-à-Porter Group ». Pour donner un ordre de grandeur, Net à Porter réalise 700 millions d’euros de chiffre d’affaire par an et Yoox 455,6 millions d'euros.

Donc d’un coté un éditeur centenaire et de l’autre coté un récent « pure player » du net a priori égaux en puissance. Sauf que l’un est sur la pente descendante - non par manque de talents mais parce que l’édition traverse une crise historique et structurelle - tandis que l’autre arpente vaillamment la pente montante du succès en misant avec une vision aiguisée sur les nouvelles technologies.

Le géant Conde Nast est donc de facto obligé pour survivre, non pas d’abandonner son cœur historique de métier, mais de se concentrer sur les diversifications en rapport direct avec ses marques existantes sans pour autant les galvauder.

Conde Nast a mis du temps pour prendre le virage du net (Style est apparu en 2010 et Vogue a crée son site la même année) mais le groupe compte bien rattraper aujourd’hui son retard. Non seulement le rattraper mais aussi inventer d’autres méthodes pour faire fructifier ses marques existantes sans pour autant en créer de nouvelles ni en rachetant d’autres titres, même si le groupe a acquis, pour environ 15 millions d'euros, une partie du site français de revente d'articles de marques entre particuliers, Vestiaire Collective, qui compte 1,5 million d'abonnés, 60.000 transactions par mois et, selon la presse, un chiffre d'affaires de 17 millions.

Ramener le chiffre d’affaire de la publicité de 85 à 50 pour cent

Les diversifications donc. Tout azimuts. Cela peut être la Vogue Fashion Night, un partenariat avec le musée Galliera, des salons, des conférences (le magazine Architectural Design a lancé, cette année, des cycles de conférences) et même pourquoi pas, des sessions de formation de style aux entreprises : cette activité existe d’ailleurs et consiste à proposer aux managers et aux dirigeants de maîtriser les codes de l’élégance et du style en entreprise. Condé Nast, avec les services de consultants spécialisés, compte par exemple réaliser 100 000 euros de chiffre d’affaires en 2015 sur l’Académie GQ. Une goutte d’eau certes, mais une illustration frappante de cette nouvelle stratégie du groupe américain.

D’ici 2020, la diversification devrait représenter 20 pour cent du chiffre d’affaires global du groupe. Le digital pèsera quant à lui, 15 pour cent. La publicité dans les magazines, qui représentait 85 pour cent du chiffre d’affaires il y a peu encore, sera ramenée à 50 pour cent dans quelques années si cette stratégie fonctionne.

Transformer Style.com en site de e-commerce.

Dernière illustration de cette volonté de diversifié les sources de revenus : l’annonce par Condé Nast fin avril de transformer son site Style.com en plateforme de e-commerce. Le site présentera un contenu éditorial spécifique, 70 personnes supplementaires seraient embauchées d'ici la fin de l'année pour le e-commerce, et le groupe réfléchit à un système de « flash and buy » qui permet en photographiant une page du magazine, d’accéder à une page d’achat via son smartphone. Au lancement cet automne, le site référencera 100 à 200 marques. Le groupe table autour de 350 à la fin de l'année et 600 à 700 un an plus tard.

La démarche est la même que pour les autres diversifications. Elle est illustrée par cette déclaration de Jonathan Newhouse à Business of Fashion « Si ces entreprises payent beaucoup d'argent pour atteindre les gens qui lisent nos magazines et utilisent nos sites, pourquoi n'offririons nous pas le même type de service, nous qui connaissons nos clients mieux que quiconque, qui avons plus d'informations sur eux et les comprenons mieux et avons déjà une relation avec eux ? Ne pourrions-nous pas faire mieux ?". Mais cette fois ci, Conde Nast aborde néanmoins un métier qui non seulement n’est pas le sien, et qui abrite de surcroit des acteurs puissants.

Le magazine La Tribune cite un expert des médias chez Xerfi que cette nouvelle diversification laisse pensif : « "Ces médias sont tout à fait capables d'identifier quels seront par exemple les 10 produits de l'été, de là à les distribuer, c'est un tout autre métier. L'e-commerce, ce n'est pas le cœur de leur modèle au départ. Entre le complément de revenu généré par le modèle de l'apporteur d'affaires et la vraie plateforme d'e-commerce, il y a un énorme fossé. Tous les médias vont devoir chercher de nouveaux modèles. » A la différence près que le portefeuille de Condé Nast lui permet de tester des modèles, et éventuellement de se tromper.

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