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Qui est le nouvel homme fort de Conde Nast?

By Herve Dewintre

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Même s’il était attendu, l’annonce du départ, le 16 mars dernier, de Xavier Romatet a marqué les esprits. La collaboration entre Xavier Romatet et le puissant groupe de presse américain Condé Nast était exemplaire. Xavier Romatet formule ainsi les raisons de son départ sur son compte Linkedin: “Après 12 merveilleuses années à la tête de Conde Nast France et comme Vice Président et membre du Comex de Condé Nast International j’ai décidé de quitter le groupe. Mon départ sera effectif courant Mai. Je suis triste et ému de quitter des talents extraordinaires et des marques sublimes. Je suis fier du travail accompli , des lancements de GQ , Vanity Fair , le nouveau Glamour et de tout ce que nous avons créé en digital et diversification ».

La plupart des commentateurs s’accorde pour dire que ce brillant dirigeant, qui a débuté sa carrière comme directeur conseil chez Phone Marketing puis comme éditeur du magazine Stratégies avant d’accéder au poste de co-Président de DDB Communication France, devrait rejoindre le futur projet de rapprochement des activités presse actuellement en discussions entre les groupes Lagardère Active, Mondadori et Marie Claire. Une nouvelle mission stimulante qui aurait motivé son départ de Conde nast. Pourtant, à la lecture de la fin du message que le dirigeant a personnellement écrit sur son profil Linkedin, il semble que le départ de ce fervent défenseur de la presse papier soit aussi le fruit d’une divergence de visions sur le futur des activités du groupe américain. « Je préfère reprendre ma liberté car le groupe fait évoluer sa culture et son organisation et je suis convaincu que d’autres qualités avec un autre profil seront mieux adaptés à cette nouvelle étape. S’ouvre pour moi une page blanche à réécrire et inventer. Faite de liberté et de passion comme les précédentes. Rendez vous très bientôt. »

C’est donc acté, Conde Nast veut “faire évoluer sa culture”. La culture de Conde Nast est fondé sur la mode, le luxe, et d’une manière générale, pour la plupart de ses titres, sur l’élitisme. Deux possibilités: soit le groupe veut devenir plus élitiste encore, si cela est possible, soit il souhaite se diriger vers plus d’accessibilité. Il semblerait, au vu des récentes nominations, que le groupe se dirige vers la deuxième solution. Une accessibilité toutes en nuances: Conde Nast veut que les annonceurs soient impressionnés par la diversité de son portefeuille et plus encore, par l’adéquation de ce portefeuille avec les préoccupations de millenials et autre Génération Z. C’est à dire ceux et celles qui n’ont jamais ouvert un magazine papier de leur vie et qui ne consomment l’information que par les supports digitaux. Conde Nast souhaite également impressionner par la pertinence de ses outils technologiques développés pour permettre aux marques d’entrer en contact avec de nouveaux consommateurs au moment le plus opportun.

Cette diversité, apte à attirer un public plus large via des centres d’intérets ciblés se manifeste tout d’abord par l’activation de marques digitales - créés ex-nihilo ou déclinés de titres existants - tels que The Hive, AD Clever, Basically, Healthyish, GQ Style, Lenny Letter, Iris et Teen Vogue. Ces supports mettent en scene une nouvelle génération d’éditeurs et d’influenceurs rassemblés au sein d’un dispositif auquel Conde Nast a donné le nom de ‘Next Generation Network’.

Certains de ces jeunes éditeurs sont particulièrement apprécié par Anna Wintour: on pense à Phillip Picardi, 26 ans, étoile montante de Conde Nast, rédacteur en chef de Teen Vogue, qui conjugue passion de la mode, aptitude à créer le buzz avec pertinence (en manifestant par exemple son hostilité envers la politique de Donald Trump) et capacité d’innovation en initiant par exemple un projet de plateforme communautaire appelé Them dédié aux droits des L.G.B.T. L’habilité avec laquelle le jeune directeur éditorial numérique réussit à faire des vagues a permis à Teen Vogue d’augmenter fortement son audience.

Ces nouveaux talents sont nombreux et en adéquation avec le ton et les préoccupations d’un public jeune. Néanmoins, le nouvel homme fort de Conde Nast ne fait pas partie de cette pépinière. Son talent et ses prérogatives sont différents. Et surtout, ce talent va permettre à la nouvelle philosophie de Conde Nast de s’épanouir en mettant en scène de nouvelles pratiques: l’exploitation du data et l’ode à la verticalité.

Son nom est Karthic Bala. Il n’est pas directeur de la publication, il n’est pas rédacteur en chef, titres prestigieux mais connotés. Des titres qui évoquent un monde ancien, un monde ou le magazine papier était roi. Un monde perdu. Monsieur Bala est depuis la semaine dernière le premier directeur de la « data strategy » de Conde Nast. Un intitulé de poste somme toute assez neuf. Sa fonction est centrale, décisive. Il est l’homme qui doit définitivement mettre Conde Nast au premier plan des acteurs du digital.

Connecter les annonceurs aux consommateurs à des moments cruciaux

Karthic Bala est celui par qui les données - les fameuses data, c’est à dire les contenus - produits par Conde Nast vont devenir plus accessibles grâce à la technologie. Monsieur Bala est aussi responsable de la création de nouvelles sources de revenus axés sur ces datas et sur l’expansion de produits financés par la publicité. Pour mener à bien sa mission, ce nouvel homme fort sera aidé par des outils internes - notamment par la plate-forme Spire qui permet à Conde Nast de garantir à ses annonceurs une meilleure rentabilité de leurs campagnes en optimisant les points de contacts avec de nouveaux consommateurs- mais aussi sur les équipes de la société CitizenNet, spécialisée dans le ciblage et l’optimisation des données sur les réseaux sociaux ; ou encore sur les équipes de Lighthouse Datalab, spécialisée dans les data solutions. Il dispose ainsi d’une équipe de 20 personnes. Cette unité devrait doubler de taille au fur et à mesure de l’intégration progressive par l’éditeur de spécialités verticales.

Spécialisation verticale ? Il s’agit concrètement, de permettre aux clients de Conde Nast - marques ou agences - de trouver rapidement la meilleure personne et la meilleure réponse à leurs problématiques. « Tous nos clients construisent des équipes de marketing ou de ‘data science’ : nous voulons donc créer un environnement où les idées sont partagées de manière plus fréquente, en temps réel » explique M.Bala. « Une entreprise spécialisée dans la beauté a vu sa notoriété grandir de 33 pour cent en utilisant ces nouveaux outils » garantit le groupe Condé Nast dans un communiqué vantant les vertus de l’extension de sa plate-forme Spire.

Les nouvelles spécialités verticales annoncées par M. Bala incluent la pharmacie, la santé, l'automobile et les biens de grande consommation (comme par exemple Kellogg). Un spectre étendu, renforcé par des outils d’analyses, des capacités de ciblage et de mesure de l’audience, d’optimisation des campagnes en temps réel à l’aide des données d’achat en boutiques, voire même, dans les cas des clients ‘pharmacie’, de la possibilité d’offrir des solutions utilisant un modèle prédictif qui analyse les données comportementales et les données médicales du lecteur. Une nouvelle donne, de nouvelles pratiques, de nouveaux outils fondés sur l’intelligence artificielle qui attestent à quel point l’ancien modèle de Condé Nast, incarné en quelque sorte par Xavier Romatet, est révolu.

Crédit photo: condenast.com

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