Quid du marché des sous-vêtements masculins en 2023 ?

Souvent achetés en packs, les sous-vêtements pour hommes ne renvoient pas l’image d’un segment particulièrement disruptif. Pourtant, le marché ne s’endort pas sur ses lauriers. Les chiffres remontent et l'esthétique évolue.

Entre 2021 et 2022, en France, les dépenses de sous-vêtements pour homme (hors chaussant) ont augmenté de 6,1 pour cent, tandis que la quantité de pièces achetées a atteint + 4,3 pour cent et que la fréquence d'achat a grimpé de 6,1 pour cent (chiffres Kantar). Bien que le marché reste en retrait par rapport aux performances de 2018 (-5 pour cent en valeur, -6,3 pour cent en volume), il se reprend donc sur le court terme.

Parmi les distributeurs phares du secteur, des marques en propre mais aussi des supermarchés, des discounters et des enseignes d’ultra-fast-fashion comme Shein chez qui les clients se fournissent à petit prix. Car le tarif est ici un critère phare. En effet, selon une étude Kantar, ce marché ne connaît pas de forte progression de prix moyen d’achat : le prix moyen par article acheté en 2022 était de 5,33 euros.

Interrogé sur le sujet, Régis Pennel, fondateur du concept store L’Exception confirme : « On remarque qu’il y a un effet prix, le client n’est pas prêt à payer plus d’un certain prix et les produits plus accessibles marchent mieux. » Il remarque tout de même qu’un autre critère rentre en compte, celui de la griffe. Cet effet de marque se manifeste notamment au sein du magasin avec une « bonne performance de marques comme Polo Ralph Lauren ».

« Ce que recherchent nos clients est, sans équivoque, le confort et la qualité. Ce sont les critères essentiels de choix pour leurs sous-vêtements », déclare par mail la marque Le Slip Français. Créée en 2011 par Guillaume Gibault, l'enseigne revendique une fabrication made in France et a fait du boxer Marius son best-seller – pièce classique en coton stretch déclinée dans de multiples coloris et imprimés.

Sous-vêtement pour homme, un marché ennuyeux ?

Mais en termes d’esthétique et d’innovation, le marché est-il figé ? Pour Jason Kress, Strategist of menswear chez l’agence de prospection Fashion Snoop, cela est loin d’être le cas : « Alors que le marché des sous-vêtements masculins est resté relativement statique au cours du siècle dernier, un nombre important de créateurs ont proposé, ces dernières années, des formes et des silhouettes nouvelles et plus progressives pour cette catégorie. »

Dans le contexte d’effacement de la frontière entre les genres, de jeunes marques ont récemment bousculé l’apparence des dessous masculins. Parmi elles, les Français Ludovic de Saint Sernin et LGN Louis Gabriel Nouchi ou le duo suédois derrière le label Lazoschmidl. Jason Kress cite également Rick Owens, « un autre créateur notable qui influence le marché », ainsi que « la ligne Savage x Fenty » proposé par la chanteuse et femme d’affaires Rihanna. Parmi leurs innovations : de la dentelle sexy, du cuir, des œillets, de la maille et des découpes révélatrices.

Loin des catwalks, des marques de niches comme Cantiq (USA), ou Avant Minuit (France) participent, elles aussi, à dépoussiérer le segment à travers une vision sensuelle. Leur offre s’articule autour de pièces non genrées et travaille la sensualité du sous-vêtement quel que soit le sexe du porteur. On parle alors de « lingerie masculine » plutôt que de « sous-vêtements pour homme ».

« La lingerie masculine est devenue une catégorie à part entière du marché des sous-vêtements pour hommes, elle a dépassé le stade d'une simple "tendance" ephémère, constate Jason Kress. La lingerie masculine est certes accessible au plus grand nombre, mais il s'agit encore d'une niche de consommateurs, composée d'adeptes de la première heure et principalement d'hommes homosexuels. »

Outre ce segment de niche, une autre expression de la mode non genrée s'exprime au sein du marché des dessous masculins : le boxer unisexe. Proposé à une clientèle masculine et féminine, on le retrouve chez des marques comme Kön (Suède), ou GFW (Angleterre).

Les dessous masculins du printemps-été 2024

La saison des défilés homme printemps-été 2024 n’est pas encore terminée, mais a déjà dévoilé plusieurs silhouettes masculines où le vêtement de dessous occupe une place forte. Chez Prada, le gimmick du caleçon qui dépasse du jean a été poussé à son extrême dans un jeu de layering percutant avec un dessous au style classique et frais ; chez Dsquared2 plusieurs modèles défile en slip tandis que les jeans taille basse découvrent des boxers avec bordure contrastée (le verso zippé des pantalons permet également de découvrir les sous-vêtements) ; enfin chez Hed Mayner, le caleçon est travaillé dans un froissé croquant et prend l'apparence d'une pièce hybride, entre short et sous-vêtement.

Les t-shirts de dessous et fins débardeurs sont également des pièces fortes du segment des sous-vêtements masculins. Pour le printemps-été 24, plusieurs marques s’efforcent de les retravailler dans des versions sensuelles : JW Anderson joue sur son blanc épuré en le dévoilant par un effet de découpe en layering ; Etro en propose une version délicate à motifs transparents ; tandis que d’autres marques comme Zegna le présentent de manière plus classique sous une chemise.

Le débardeur en coton blanc flammé ou opaque était d’ailleurs partout à Milan, lors de la Fashion Week Homme PE24. Arboré en guise de top ou sous une chemise, sa qualité de bon basique permet de le porter avec tout.

Si les boxers sexys ne seront sans doute pas adoptés dès demain par Monsieur Tout le Monde, il n’en reste pas moins que le segment des sous-vêtements masculins se révèle perméable aux tendances. Un ressort sur lequel il sera pertinent de jouer en magasin pour faire de ces petits articles un bon complément de panier.