Réduire les émissions, un défi pour l'industrie de la mode
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Charm el-Cheikh (Egypte) - L'industrie de la mode s'est engagée à réduire de moitié ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Mais à la conférence de l'ONU sur le climat en Egypte, les représentants du secteur ont dû admettre que cet objectif serait très difficile à atteindre.
Une trentaine de marques ont signé en 2018 la Charte de l'industrie de la mode pour l'action climatique à la COP24 de Katowice, en Pologne, s'engageant à réduire de 30 pour cent leurs émissions d'ici à 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2050.
En novembre 2021, elle ont fixé un nouvel objectif, plus ambitieux, de réduire de moitié leurs émissions d'ici la fin de la décennie. Plus de cent entreprises ont à présent adhéré à cette charte, parmi lesquelles des géants de la mode comme le Suédois H&M et l'Espagnol Inditex, propriétaire de Zara, ou des marques de sport comme Adidas et Nike. L'objectif de zéro émission nette en 2050 constitue un défi majeur pour ces entreprises à la longue chaîne d'approvisionnement, comprenant des fournisseurs et des fabricants éparpillés à travers le monde.
"Y sommes-nous parvenus? Bien sûr que non. Nous sommes sur la bonne voie? Je dirais 'peut-être'", a reconnu Stefan Seidel, responsable du développement durable de la marque Puma, lors d'une table ronde à la COP27 à Charm el-Cheikh. Le secteur était responsable de 4 pour cent des émissions de gaz à effet de serre dans le monde en 2018, soit l'équivalent des émissions totales du Royaume-Uni, de la France et de l'Allemagne, selon le cabinet de consultants McKinsey. Environ 90 pour cent des émissions de l'industrie de la mode sont produites par les fournisseurs, selon le Global Fashion Agenda, une organisation à but non lucratif.
Un "acte de foi"
Reconvertir toutes les chaînes de production et imposer des normes climatiques aux fournisseurs de matières premières et aux ateliers de confection constitue une tâche immense. "Nous avons plus de 800 fournisseurs", souligne Leyla Ertur, responsable du développement durable chez H&M.
"Même nous, nous ne sommes pas assez grands pour changer toutes les chaînes d'approvisionnement, la collaboration est essentielle", explique Marie-Claire Daveu, responsable du développement durable du groupe Kering, qui comprend des marques de luxe comme Gucci et Yves Saint-Laurent. Ali Nouira, un fabricant égyptien, a exposé à la COP27 les difficultés des fournisseurs, par exemple dans une région comme la sienne où les organismes de certification n'existent pas.
"Quand nous fabriquons, nous devons avoir toutes les certifications, l'empreinte carbone notamment, et pour une petite marque venant d'Egypte c'est extrêmement difficile et coûteux", a-t-il expliqué. "Nous produisons pour d'autres marques, en Europe et ailleurs. Nous sommes sous pression pour avoir les certifications et aussi pour baisser nos prix, pour qu'ils puissent continuer à faire des profits", a-t-il ajouté. Le vice-président du groupe textile Tal Apparel, Delman Lee, assure que son entreprise, qui a son siège à Hong Kong, est engagée depuis une dizaine d'années dans le processus de décarbonation.
Mais le groupe possède des filiales au Vietnam et en Ethiopie, et les réglementations différentes selon les pays sont autant d'obstacles. Se lancer sur la voie du "zéro carbone" est "un acte de foi", a-t-il estimé: "On s'engage à quelque chose sans savoir comment on va pouvoir y parvenir."
Faibles taux d'intérêt
Les mentalités ont déjà évolué dans les pays développés, souligne Nicholas Mazzei, chef du service de développement durable de Zalando, une des grandes marques de vente en ligne. Ainsi, dit-il, "certaines grandes banques proposent un taux d'intérêt plus bas à ceux qui s'engagent vers un objectif de zéro émission nette". "Au final, si vous faites cette transformation, les taux d'intérêt sont tellement bas que les coûts sont pratiquement nuls", assure-t-il.
Mais pour les fournisseurs, le chemin de la transition est encore long. "Nous avons besoin de plus d'énergies renouvelables que les grandes entreprises", explique Catherine Chiu, vice-présidente du développement durable d'une autre entreprise de Hong Kong, Crystal International Group. "Même si nous installions des panneaux solaires sur la totalité de nos 20 usines, cela ne représenterait que 17 pour cent de la consommation de l'ensemble du groupe", souligne-t-elle. "Le secteur privé remplit son rôle. Mais les régulateurs avancent à leur propre rythme", remarque Delman Lee. (AFP)