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Rupture ou stabilité créative ? L'impact financier des changements de direction artistique

By Diane Vanderschelden

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Business|ANALYSE
Alessandro Michele, Sabato de Sarno, deux directeurs artistiques de Gucci. Credits: ©Launchmetrics/spotlight

Quelles sont les motivations derrière les changements de directeurs artistiques ? S'agit-il d'une baisse des ventes, d'un changement de vision du conseil d'administration, ou de la pression des investisseurs ? Et plus important encore, quelles sont les conséquences financières lorsqu'une marque change de directeur artistique ?

Massimiliano Giornetti, Directeur de Polimoda et ancien designer pour des marques de luxe comme Salvatore Ferragamo et Shanghai Tang, était sans aucun doute l’un des mieux placé pour aborder le sujet. Il a répondu sans ambages : « Plutôt que de continuer à se demander qui prendra les rênes de telle ou telle marque, nous devrions nous interroger sur ce que les maisons de mode recherchent aujourd'hui chez un directeur artistique. Ce rôle a-t-il encore du sens dans le paysage actuel ? »

Sous la pression incessante des forces du marché, de l'évolution des tendances de consommation et des changements réglementaires – comme la poussée croissante vers la durabilité – les marques se sentent souvent contraintes de prendre des décisions qu'elles n'auraient pas envisagées autrement. Certaines ont même été tentées d'entreprendre un virage agressif vers des initiatives « vertes », alors même que cela n'est pas en phase avec l'identité fondamentale de la marque. Face aux pressions du marché, les entreprises perçoivent souvent le remplacement d'un directeur artistique comme une solution pour s'adapter aux évolutions, les accélérer, ou remédier à des résultats financiers décevants. Bien que cette approche puisse sembler justifiée, elle risque parfois de détourner les marques de l'un des éléments essentiels du succès à long terme : la constance.

La véritable boussole d’une marque

Les consommateurs recherchent des marques qui les rassurent par leur cohérence. Des changements de direction artistique fréquents sont autant de virages brusques qui peuvent les désorienter et nuire à la cohérence de l'image de marque. Le danger étant d’avancer à toute vitesse sans indication claire de la destination finale. Car comme le dit l’adage : « Quand on ne sait pas où l’on va, tous les chemins mènent nulle part. »

Avant de se tourner vers le changement ou d'essayer de relancer leur croissance via un nouveau directeur artistique, les marques doivent clairement définir leurs valeurs et leur vision, et s’y tenir sans vaciller. Si les transitions dans la direction créative peuvent avoir un impact significatif, provoquant des fluctuations financières à court ou moyen terme, elles peuvent aussi mener à une identité de marque incohérente et, en fin de compte, à la confusion des clients.

Les départs successifs de directeurs artistiques, observés cette année chez Chanel, Moschino, Lanvin et d'autres, marquent une période de transition intense dans le monde de la mode. Si ces changements peuvent sembler déstabiliser, ils peuvent également ouvrir la voie à de nouvelles dynamiques créatives. Des intermèdes, des périodes de pause, parfois nécessaires après des années de changements rapides sous une pression constante, permettent aux marques de se réinventer, de surprendre et de se préparer à de nouvelles perspectives pour l'avenir.

Alors, pourquoi les directeurs artistiques partent-ils ?

Cette course effrénée à l'innovation et au changement incite de plus en plus souvent les directeurs artistiques à quitter les maisons de mode, en raison de la demande incessante de réinvention et de la réduction de la durée de leurs mandats. Comme l’a justement souligné Amy Odell, auteure de Anna : The Biography et rédactrice de la newsletter « Back Row », dans une interview avec le détaillant canadien Ssense : « La durée des mandats des directeurs artistiques a diminué à mesure que les marques cherchent à se réinventer. Dans un marché saturé, il existe une pression constante pour des changements plus fréquents. »

Massimiliano Giornetti, le directeur de Polimoda va encore plus loin en déclarant que « cette valse frénétique des directeurs artistiques illustre une cécité totale de la part des maisons de mode, dont l'unique objectif semble être un changement soudain de direction artistique, sans véritable réflexion sur les besoins profonds de la maison ». Ce besoin constant de réinvention accélérée conduit souvent au remplacement des créateurs avant qu'ils n'aient eu le temps de pleinement déployer leur vision.

Luca Solca, analyste chez Bernstein, expliquait dans une interview accordée aux Echos que « les directeurs artistiques quittent leurs fonctions lorsqu’ils n’ont plus d’impact positif sur les ventes ». Les maisons de mode tentent ainsi d'insuffler une énergie nouvelle et des perspectives innovantes, même si cela perturbe le processus créatif. Si cette stratégie peut stimuler les ventes à court terme et maintenir les marques à la pointe de l'actualité, elle impose une pression immense sur les directeurs artistiques, les contraignant à des résultats immédiats, souvent au détriment d'une vision artistique à long terme.

Mais cela s’applique-t-il à tous ? Une marque comme Hermès ne prouve-t-elle pas le contraire ? Son succès durable montre que la cohérence, plutôt que le changement fréquent, est ce que les consommateurs apprécient. Hermès reste l'une des marques de luxe les plus performantes, probablement parce que sa direction – moins pressée par les exigences des grands groupes ? – lui permet de rester fidèle à la vision fondamentale de la marque. Hermès prouve qu’une identité durable, plutôt qu’un changement constant, peut être une formule gagnante.

Toutes les marques ne réussissent pas aussi bien avec des changements de direction drastiques. Gucci, par exemple, a connu un changement radical de valeurs qui ne lui a pas toujours été favorable. Innover ne doit pas signer l’abandon de l’identité d’une marque.

Olivier rousteing, Balmain SS21. Credits: Image via jhsf

La maison Balmain est un bon exemple : sous la direction d’Olivier Rousteing, la marque a connu une transformation remarquable, modernisant tout en restant fidèle à son ADN. Chaque année, Rousteing propose des collections et des collaborations inédites, mais l’essence de Balmain reste cohérente. Comme il l’a récemment affirmé : « Vous pouvez faire entrer le passé dans le futur et le rendre pertinent aujourd’hui. » Et ce qui fonctionne au gré des années chez Balmain, c’est que les clients savent exactement à quoi s’attendre de la part de la maison.

Cet ADN Balmain revisité par Rousteing permet à la marque de réaliser des performances stables année après année, évitant ainsi les fluctuations financières dramatiques observées dans certaines autres maisons de mode. En revanche, chez Gucci, le public qui appréciait les indétrônables mocassins Jordaan n’est pas nécessairement celui qui a adopté la version fourrée proposée par Alessandro Michele. En cherchant à toucher une nouvelle génération, Gucci a risqué de brouiller les lignes de sa propre histoire, de diluer son image et de perdre de vue les attentes de ses clients les plus fidèles.

Alors, qu’attendent réellement les maisons de mode de leurs DA ? « Pour moi, un directeur artistique doit être capable de façonner l’identité d’une marque. Être visionnaire et créer une belle collection ne suffit pas. Un directeur artistique moderne doit savoir comprendre les tendances du marché, les comportements des consommateurs et l’analyse financière », affirme Massimiliano Giornetti.

Qui façonne vraiment le succès d'une marque ?

La pression pour maintenir l'identité d'une marque repose souvent sur le directeur artistique, mais en réalité, ce sont le conseil d'administration, les investisseurs et la direction qui orientent la trajectoire. Comme le souligne Massimiliano Giornetti, l'euphorie post-pandémique des consommateurs a induit en erreur les analystes et les merchandisers, leur faisant croire qu'une croissance à deux chiffres pourrait justifier des hausses de prix importantes. « Ce n'est pas le cas. Les consommateurs sont maintenant confrontés à des produits dont les prix ont doublé en quatre saisons, sans réelle amélioration de la qualité », a commenté Giornetti.

Les inquiétudes concernant le ralentissement des ventes aboutissent souvent à ce que le directeur artistique soit tenu responsable d'une mauvaise vision stratégique, bien que les décisions soient influencées par des stratégies plus larges de marketing, de communication et de merchandising élaborées en collaboration avec le PDG et la direction. Cette responsabilité partagée est souvent négligée.

« La peur d’un blocage soudain des ventes a conduit à pointer du doigt la mauvaise vision stratégique des directeurs artistiques, sans toutefois prendre en compte qu'ils travaillent avec des marketeurs, des communicants, des merchandisers, et des stratégies partagées avec le PDG et la direction. Nous en sommes arrivés à des marques dépersonnalisées, profondément privées d'âme et d'identité. Un vain effort mondial pour atteindre une communauté de consommateurs de plus en plus jeune et, par définition, totalement infidèle, sans comprendre que la mode est passée d'un symbole de statut à un symbole d'expression individuelle », déplore le Directeur de Polimoda.

Certains de ces points de vue sont repris par Mary Gallagher, associée basée à Paris de la société de recrutement Find Consulting, qui a souligné que les changements de directeurs artistiques suivent souvent la nomination d'un nouveau PDG. Ces PDG subissent une pression énorme pour augmenter exponentiellement les revenus dans un délai irréaliste, une tendance qui a été exacerbée par le ralentissement du marché du luxe en 2024.

Fait intéressant, certaines marques échappent à cette tendance. Des marques comme Hermès, Brunello Cucinelli, Loro Piana et The Row font exception. « Dans beaucoup de ces cas, les dirigeants de l'entreprise sont eux-mêmes les créatifs, ou ils dirigent de très près le processus créatif », a déclaré Gallagher dans une interview pour WWD. « Leur vision unifiée, leur savoir-faire et leur innovation progressive leur permettent de séduire plusieurs générations tout en restant intemporels. Ils ont maîtrisé l'art de rester le secret le mieux gardé de l'industrie. »

Concrètement, quels sont les impacts financiers des changements de directeur artistique ?

Un changement de directeur artistique peut avoir un impact financier profond sur une maison de mode, souvent en corrélation avec des changements d'identité de marque et d'attrait pour les consommateurs. Cette transition présente à la fois un potentiel de croissance et des risques d'aliénation de la clientèle fidèle, ce qui en fait une décision stratégique pour les marques de luxe.

Croissance des revenus grâce à une nouvelle vision créative

Le mandat d'Hedi Slimane chez Saint Laurent, de 2012 à 2016, est l'un des exemples les plus marquants de la manière dont un nouveau DA peut stimuler le succès financier. Slimane a modernisé l'esthétique de la marque en mettant l'accent sur des influences rock-and-roll et des designs avant-gardistes, qui ont fortement résonné avec une nouvelle génération de consommateurs. Sa transformation a conduit à une augmentation de 33 % des revenus, passant de 470 millions d'euros à 970 millions d'euros en seulement trois ans, selon les données de la thèse « The Impact of Designers Changed on Luxury Brands-Celine and Yves Saint Laurent » de Kaitong Ou, de l'Université de Lancaster, élevant Saint Laurent à une marque de 1 milliard d'euros à la fin de son mandat.

Chez Celine, Phoebe Philo a de manière similaire revitalisé la marque pendant ses 10 ans de direction, ramenant Celine sous les projecteurs de la mode. L'esthétique minimaliste mais élégante de Philo a valu à la maison une clientèle fidèle, avec des estimations suggérant qu'elle a fait passer les revenus annuels de la marque entre 700 et 800 millions d'euros, selon Vogue Business. Son départ a laissé un vide notable, les fans regrettant la fin de sa vision singulière.

La renaissance financière de Burberry

L'impact de Christopher Bailey sur Burberry a été transformateur, tant sur le plan créatif que financier. Lorsqu'il a pris la direction artistique, l'image de Burberry était quelque peu dépassée. Bailey a introduit une identité moderne et luxueuse, repositionnant la marque comme aspirant plutôt qu'accessible. Pendant les 17 années de Bailey, « les revenus de Burberry sont passés d'environ 716 millions de GBP en 2005 à un chiffre record de 2,77 milliards de GBP en 2017 », rapporte Statista. Lorsqu'il a quitté la maison en 2017, Burberry avait atteint un chiffre d'affaires annuel de 2,8 milliards de livres sterling, note Vogue Business, sécurisant ainsi sa position de marque de luxe britannique numéro un. Son successeur, Riccardo Tisci, a continué à faire évoluer l'esthétique de la marque en attirant un public plus jeune et des célébrités comme Ariana Grande et Rihanna, ce qui a contribué à une nouvelle croissance – les nouvelles créations sous Tisci ont enregistré des augmentations à deux chiffres des revenus en 2020.

La métamorphose de Gucci

Gucci, sous la direction d'Alessandro Michele, est un autre exemple marquant d’un directeur artistique qui a généré un immense succès financier. Lorsque Michele a pris les rênes en 2015, il a immédiatement transformé l'identité de la marque, l’alignant sur une esthétique maximaliste et éclectique qui capturait l’esprit du temps. Ses collections ont revitalisé l’offre de la griffe, résonnant particulièrement avec les millennials et la génération Z. En 2019, Gucci représentait 80 % des ventes du groupe Kering, selon les données de Vogue Business, les ventes du troisième trimestre ayant augmenté de 10,7 % pour atteindre 2,37 milliards d'euros.

Cependant, le départ de Michele en 2022 a marqué un tournant, avec Sabato De Sarno nommé pour diriger un « remaniement audacieux » de la marque. Cela souligne l'équilibre délicat entre le maintien de l'identité de la marque et l'innovation ; bien que la créativité de Michele ait considérablement stimulé les revenus, une nouvelle direction a été jugée nécessaire pour la croissance future de Gucci.

La renaissance de Bottega Veneta

L'approche minimaliste mais innovante de Daniel Lee a permis à Bottega Veneta de connaître un succès fulgurant pendant ses trois ans de mandat, de 2018 à 2021, rapporte BurdaLuxury. L'accent mis par Lee sur la sophistication moderne et des designs épurés a conduit à une augmentation notable des ventes, même pendant la pandémie – Bottega Veneta a enregistré une hausse de 4,8 % de ses ventes au troisième trimestre 2020, rappelle Vogue Business, défiant les tendances de l'industrie à l'époque. Après son départ, Matthieu Blazy a pris la relève et a promis d'introduire de nouvelles directions créatives tout en maintenant l'identité établie de la maison.

Analyse des données financières sur l'impact des changements de DA

Pour mieux comprendre l’impact financier des changements de DA sur les entreprises de mode, nous allons décomposer l'information en différentes catégories. Premièrement, la croissance annuelle du chiffre d’affaires avant et après le changement de directeur artistique (par exemple, Saint Laurent, Burberry, Bottega Veneta). Deuxièmement, les variations de ventes ou de revenus par segment (par exemple, pour les articles en cuir ou le prêt-à-porter), avant et après la transition de DA.

Sur la base des données recueillies précédemment, le tableau suivant a été compilé :

Tableau 1 : les chiffres d'affaires et les pourcentages de croissance lors des changements de DA. Credits: FashionUnited.

Note : Pour la conversion des devises, nous avons utilisé le taux de change moyen de l'année spécifique plutôt que le taux de change actuel, afin de maintenir l’exactitude historique des données financières. Le taux de change approximatif utilisé sera de 1 GBP = 1,16 EUR (selon les données historiques récentes). Cela garantit que les variations de revenus reflètent les conditions financières de l'époque.

Le graphique ci-dessous reprend les données indiquées dans le tableau 1 et permet de mieux visualiser l'impact du changement de directeur artistique. Il met en lumière le pourcentage de variation des revenus pour chaque marque sous la direction de différents directeurs artistiques.

Graphique 1 : Croissance du chiffre d’affaires en pourcentage par marque après le changement de directeur artistique. Credits: FashionUnited.

Analyse des données

Croissance significative

Plusieurs marques ont connu une croissance substantielle de leurs revenus après un changement de directeur artistique. Balmain a enregistré la plus forte croissance avec 900 %, suggérant que ce changement a eu un impact énorme sur les performances de la marque, revitalisant son attrait et augmentant ses ventes. Il est à noter que ce chiffre pourrait même être supérieur, certains suggérant que les revenus avant Olivier Rousteing étaient plus proches de 20 millions que de 30 millions. Des marques comme Burberry (286,75 %) et Celine (200 %) ont également connu une forte croissance, indiquant que la nouvelle vision créative a apporté une vision fraîche et trouvé une forte résonance auprès des consommateurs.

Croissance modérée

Des marques comme Burberry (286 %) et Bottega Veneta (36,36 %) ont enregistré une croissance modérée. Cela représente tout de même un changement créatif réussi, bien que moins spectaculaire que les autres.

Croissance positive mais modérée

Gucci a connu une croissance de 148,72 %, indiquant que, si l’on se concentre uniquement sur les données, bien que le changement de direction créative ait eu un impact positif, il n'a pas été entièrement transformateur. Cependant, la croissance de Gucci est particulièrement remarquable car elle s'est produite dans un laps de temps beaucoup plus court par rapport à des marques comme Balmain ou Céline, atteignant cette hausse impressionnante des revenus en deux fois moins de temps que celles-ci.

Les données indiquées dans le graphique et le tableau soulignent l'influence significative des directeurs artistiques sur le succès financier des marques de mode. Des maisons comme Balmain et Celine ont enregistré une croissance remarquable de leurs revenus après des changements de leadership créatif, ce qui montre qu'une vision adéquate peut grandement améliorer l'attrait et la rentabilité d'une marque. Pendant ce temps, Gucci a connu une croissance plus modérée, mais sa transformation et ses performances ont considérablement augmenté. Cependant, ces résultats impressionnants étaient difficiles à maintenir à long terme, car ils reposaient sur une refonte complète de la marque, entraînant une perturbation majeure de sa vision établie de longue date.

Le rôle complexe des prix et de la perception

Un changement de DA s'accompagne souvent de modifications dans la tarification des produits et le positionnement de la marque. Sous la direction d'Anthony Vaccarello chez Saint Laurent, la marque s'est éloignée des soldes fréquents et a adopté des stratégies de prix plus conservatrices, ce qui a contribué à maintenir l'exclusivité et le prestige de la marque. En conséquence, les collections de maroquinerie et de prêt-à-porter de Saint Laurent se sont considérablement développées, la maroquinerie représentant 72 % des ventes totales en 2021, tandis que le prêt-à-porter a augmenté de 21 %, selon la thèse universitaire mentionnée.

Pendant le mandat de Daniel Lee chez Bottega Veneta, de 2018 à 2021, la marque a connu une croissance significative, en particulier dans les segments des accessoires et des ventes en ligne. Les sacs à main sont devenus un moteur majeur de succès, avec des ventes en hausse de 83 % saison après saison, selon Lyst. La maroquinerie a également gagné en importance, bien que les chiffres précis de cette croissance soient moins clairs. De plus, les ventes en ligne ont grimpé, avec une augmentation de 31 % aux États-Unis et une hausse remarquable de 124 % au Royaume-Uni, reflétant la présence numérique croissante de la marque et son attrait auprès d'un public mondial élargi.

Risques financiers : un délicat équilibre entre créativité et stratégie financière

Bien que les succès de Slimane, Philo et Michele montrent le potentiel de gains financiers immenses, les changements de directeurs artistiques ne sont pas sans risques. Gucci illustre bien la façon dont les changements de vision esthétique peuvent attirer un nouveau public, mais aussi entraîner des défis à long terme. Les designs maximalistes de Michele ont attiré de jeunes consommateurs, mais ce pivot a créé une déconnexion avec la clientèle traditionnelle de la marque, soulevant des inquiétudes quant à la capacité de maintenir cet élan après le départ de Michele.

De même, des marques comme Burberry et Dior ont connu des turbulences après le départ de leurs DA, soulignant la volatilité qui peut accompagner ces transitions. Par exemple, Dior a vu Raf Simons quitter la maison après trois ans en raison de divergences créatives, perturbant ainsi la continuité de la marque et entraînant un ralentissement temporaire de sa croissance.

Les directeurs artistiques jouent un rôle déterminant dans le succès d'une marque de mode, influençant à la fois son esthétique et ses performances financières. Les données montrent que des directions créatives réussies peuvent entraîner une croissance impressionnante des revenus, comme on l'a vu avec des marques comme Saint Laurent, Céline, Gucci et Burberry. Cependant, ces transitions comportent également des risques, surtout lorsque l'identité de la marque est trop radicalement modifiée. Les marques qui équilibrent innovation et héritage, telles que Bottega Veneta sous Daniel Lee, trouvent souvent un succès financier durable.

Dans l'industrie de la mode de luxe, où la créativité et le commerce s'entrecroisent, le mandat d'un DA peut faire ou défaire une marque. Les implications financières de ces changements sont profondes, avec la bonne vision capable de porter une marque à des sommets inédits.

Le défi : « durer dans le temps et aspirer à l'immortalité »

Selon Massimiliano Giornetti, « la mode est un exercice culturel sérieux appliqué à l'industrie. C'est pourquoi la mode nécessite un humus très spécifique pour s'épanouir et surtout, elle ne pourra jamais prospérer là où les conditions culturelles, économiques et sociales ne le permettent pas. L'histoire en est la preuve, notre passé est un guide vers l'avenir. »

Pour le directeur de Polimoda, « la mode est quelque chose d'exquisément anthropologique et intrinsèquement philosophique. La mode est un temps verbal conjugué au futur. Le plus grand défi pour un directeur artistique est donc de créer quelque chose qui puisse durer dans le temps et aspirer à l'immortalité. »

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