Yusuke Takahashi (CFCL) explique le choix de Paris pour le développement de sa marque
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La marque japonaise CFCL (Clothing for Contemporary Life), qui défile dans le cadre du calendrier Paris Fashion Week, a choisi de s’installer à Paris pour des raisons économiques, mais aussi pour capitaliser sur l'influence de la ville dans le monde de la mode. Ce, tout en adoptant des pratiques durables et innovantes dans la fabrication de ses produits qui sont à l'origine de la marque et ont fait son succès. Yusuke Takahashi, fondateur et designer de CFCL, s’en explique auprès de FashionUnited.
Pour quelles raisons avez-vous choisi d’ouvrir des bureaux à Paris ?
Nous nous rendons à Paris quatre fois par an pour les fashion weeks hommes et femmes. Nous louons un espace physique pour la préparation du défilé et pour le showroom commercial, soit une quarantaine de jours par an. Or, pendant la fashion week, le prix des locations est multiplié par quatre, voire cinq. C’est exorbitant. Après avoir fait notre calcul, nous avons constaté que ces dépenses, liées à la location du showroom, justifient un lieu fixe à l'année.
Outre la location d’un espace à l’année, pourquoi avoir créé une société française ?
Nous l’avons fait pour pouvoir louer, mais cela renforce aussi notre présence dans la capitale de la mode. Une personne y travaille, mais je suis actuellement à la recherche de quelqu’un, en poste fixe, pour assurer les rendez-vous commerciaux et les prises de contact, car, personnellement, j’habite toujours à Tokyo.
Paris est-elle une bonne ville pour entreprendre une stratégie de développement commercial international ?
Paris est un lieu incontournable pour le prêt-à-porter, notamment pendant les fashion weeks qui exercent une forte influence sur de nombreux pays : tous les acheteurs et directeurs regardent ce qui se passe à Paris et s'y rendent pour découvrir les nouvelles marques. Si l'on prend l'exemple de Londres, où nous avons nos bureaux et notre boutique, beaucoup moins de personnes se déplacent. Bien sûr, si nous augmentons nos ventes, nous devrons rapidement nous tourner vers les États-Unis ou la Chine, des marchés beaucoup plus importants.
En Europe, contrairement à l'Italie, la Roumanie ou l'Estonie, vous n’êtes pas encore distribué en France. Pensez-vous l’être ?
Nous aimerions ouvrir notre propre boutique, mais c'est assez risqué, car la marque est encore peu connue. Nous devons d'abord la faire connaître et fédérer une clientèle. Pour l’instant, nous sommes distribués en exclusivité dans l’espace multimarques du Bon Marché au troisième étage. Si les ventes se passent bien, nous serions à même d'y ouvrir notre propre corner.
Nous pourrons alors nous développer dans d’autres grands magasins parisiens ou à travers des pop-up stores. C’est pourquoi nous recherchons et devons préparer quelqu'un, depuis la France, pour en être responsable, à temps plein, de cette stratégie.
D’un point de vue mode durable, pourquoi continuer d’utiliser des fils polyester ?
La robe est un produit emblématique, une signature identitaire. L'utilisation d'un polyester hautement extensible permet de sculpter la silhouette. Je comprends la fascination pour le polyester, ayant travaillé chez Issey Miyake pendant dix ans. Issey Miyake a toujours utilisé le polyester et développait ses matières avec des entreprises internationales comme Toray Industries (l'un des plus grands fabricants mondiaux de fibres et de textiles synthétiques, ainsi que de matériaux composites, chimiques et plastiques, ndlr) ou Teijin (également producteur de fibres synthétiques).
Lors de la création de notre marque, aux alentours de 2020, beaucoup recherchaient des fibres organiques plutôt que du polyester, voulant se distancier des matières plastiques. Mais j'ai compris que c'était une opportunité de l'utiliser comme une arme, un moyen de créer une nouvelle croissance. La dernière technologie Teijin permet de fabriquer du polyester 100 % recyclé.
En quoi vous inscrivez-vous dans un model business vertueux ?
Lorsque nous avons commencé à envisager la création de cette marque, nous étions en plein dans l’ère des Objectifs de Développement Durable (ODD). Cela nous obligeait à penser non seulement à l'innovation, mais aussi à la durabilité dans la création de nouveaux produits.
Cela m'a permis de clarifier que l'enjeu n'était pas seulement de réduire le gaspillage à chaque étape de la fabrication, mais de repenser entièrement le processus de production, en l'orientant vers une fabrication exclusivement en maille, car la maille ne passe pas par les étapes de coupes et de coutures.
Je suis particulièrement fasciné par la possibilité de créer des vêtements en me servant de la programmation informatique. Nous utilisons la technologie développée par Shima Seiki (conception, fabrication et vente de machines à tricoter plates informatisées, de systèmes de conception et de logiciels associés), comme beaucoup d’autres marques au Japon. Pour une commande de dix robes, nous fabriquons uniquement dix robes. Nous n’achetons pas de tissu au préalable. Nous vendons à la commande.
Bien que votre marque soit petite, vous développez déjà des produits dérivés, comme des sneakers (collaboration avec Asics), des lunettes avec Four Nines, un parfum, de l'encens. Cette extension de votre domaine de compétences est-elle un axe de développement ?
Oui, mais, actuellement, nous sommes une très petite entreprise. Nous nous concentrons sur notre cœur d'identité, qui est de créer des vêtements sophistiqués pour les citadins. C'est notre principal sujet.