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Kingdom of Dreams : la série qui fait trembler (ou pas) les géants du luxe

By Florence Julienne

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Culture|Opinion
Courtesy of Kingdom of dreams

Cette série de documentaires raconte la montée en puissance des groupes de luxe que sont LVMH et Kering (autrefois Gucci Group), de 1984 à 2013, à travers l’ascension de créateurs stars et le pouvoir exercé par Vogue US.

Les personnages principaux de cette série de documentaires, composée de quatre épisodes de 50 minutes chacun, se nomment Bernard Arnault, François Pinault, Anna Wintour, John Galliano, Alexander Mc Queen, Marc Jacobs et Tom Ford. Auxquels il faut ajouter les top models iconiques de cette époque : Linda, Naomi, Christina, Christy, Kate…

Le récit de Kingdom of Dreams est celui du royaume des rêves, pour reprendre le titre en français, de la magie des podiums à la réalité de stratégies résolument business oriented. Il montre le décalage entre la fragilité des artistes, chargés de créer plusieurs collections par an (Galliano parle de 32 entre celles pour Dior et celles pour sa marque éponyme) et l’aplomb des business men, notamment Bernard Arnault, qui ramène tout au chiffre d’affaires : « John a carte blanche tant que le business est en plein essor. Les ventes ont été multipliées par six depuis son arrivée, c’est bien vous ne trouvez pas ? » répond-il à une journaliste dans le film.

Bernard Arnault / François Pinault : le clash des titans

La série regorge d’images d’archives, de photos, de témoignages de journalistes, historiens, ex-collaborateurs ou amis et d’anecdotes. Le fil rouge narratif est un faux suspense, car tout le monde sait que l’histoire se termine mal (Tom Ford renvoyé de Gucci par François Pinault, le suicide d’Alexander McQueen, le pétage de plombs de John Galliano, le départ de Marc Jacobs). Néanmoins, cette histoire de la mode est tellement captivante que l’on devient vite accro.

Avec la participation de Fremantle Films et de Sky, la série, créée et produite par Ian Bohôte et Peter Ettedgui, est visible sur les canaux de diffusion HBO et Crave, dans un anglais très accessible. Sa diffusion n’est, pour l’instant, pas prévue en France. Les deux premiers épisodes ont néanmoins été projetés lors du dernier Festival of Fashion Film de Diane Pernet. On peut s’interroger de savoir si elle sera un jour visible en France, tant le portrait que le directeur de la série, Nick Green, dresse des géants du luxe français est finalement assez morbide.

Quand John Galliano, Alexander McQueen, Marc Jacobs, Tom Ford se crashent et se consument

Bernard Arnault est filmé très souvent en plan serré, soulignant ainsi son regard perçant. Dès les premiers épisodes, les personnes interviewées donnent le ton : « il voulait être l’homme le plus riche du monde » (ce qu’il est parvenu à être). Elles l’appellent « le loup », « le serpent », « le terminator du luxe » et fustigent : « le pouvoir est son essence », « il renvoie tous ceux qui ne vont pas dans son sens ». Néanmoins, toutes et tous s’accordent à reconnaître son génie d’avoir su écouter les conseils avisés d’Anna Wintour et donner à John Galliano, Alexander Mc Queen et Marc Jacobs, des working class heroes tendance punk et grunge, les clefs de son business.

Kingdom of Dreams n’est guère plus tendre avec François Pinault, surnommé « le lion », notamment pour la façon dont il a raflé Gucci à LVMH qui voulait prendre le contrôle de la maison, au mépris de Dominico de Sole et Tom Ford. L’extrait le plus pathétique est sans doute celui où Yves Saint Laurent découvre la première collection signée par Tom Ford pour sa marque éponyme. Le créateur, âgé et affaibli, se confie à Bernard Arnault, en plein sous les microphones du premier rang du défilé : « C’est une honte ! J’aurais aimé travailler avec vous. Je souffre le martyre, c’est épouvantable. Monsieur Arnault, si vous pouviez nous sortir de cette magouille ».

Vous l’aurez compris, ce documentaire se déguste avec autant de passion que « House of Gucci » ou le « Saint Laurent » de Bertrand Bonello, sauf qu’ici rien n’est romancé. « Le marketing dream, conclut le quatrième épisode, est un miroir de fumée » derrière lequel se cachent des hommes qui détiennent le pouvoir financier de leur ambition : faire perturber les marques de luxe dont ils sont les propriétaires.

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