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Accra Fashion Week : « L'Afrique doit créer la tendance qui influencera la mode à Paris, à Londres ou à New York »

By Sharon Camara

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Mode |INTERVIEW

En Afrique, le Ghana se positionne depuis quelques années comme un pays important en ce qui concerne l’évolution de l’art et la culture. Le festival Afro Nation et le concept du Year of Return (l’Année du Retour, qui incitait les américains et les ghanéens de la diaspora à venir découvrir le pays durant l’année 2019, NDLR) ont permis de mettre un coup de projecteur supplémentaire sur le pays. En matière de mode, la Accra Fashion Week figure parmi les évènements modes les plus connus du continent, aux côtés de Lagos au Nigéria et Dakar au Sénégal. Derrière ce projet ambitieux, il y a Nana Addo Tamakloe, un ghanéen de 38 ans, qui évolue dans la mode depuis une dizaine d’année. Alors que l’édition 2020 de la Accra Fashion Week s’organisera autour du thème « Africa International », Fashionunited a interrogé son créateur.

Quel est l’objectif de la Accra Fashion Week?

Nous avons décidé de créer la Accra Fashion Week dans le but de mettre en place une semaine de la mode significative au Ghana et même en Afrique. Depuis de nombreuses années, des défilés sont organisés en Afrique mais ce ne sont que des spectacles. Les créateurs locaux ne maîtrisaient pas encore la dynamique de l'industrie de la mode, ils ne maîtrisaient pas le concept des acheteurs, la création de vêtements pour les saisons, la production de masse, etc. Ils ne faisaient que créer des designs sans comprendre le business de la mode. Nous avons voulu créer un événement qui soit à la hauteur en matière de création mais aussi de business. Nous voulons inciter les créateurs à élever le niveau. Ils doivent être capables d’être à la hauteur de n’importe quelle Semaine de la Mode, en Afrique comme en Occident. Cela passe par des éléments indispensables tels qu’avoir un site internet, un canal de distribution, etc. Mais toutes ces choses de base ne sont pas des évidences en Afrique. Les gens viennent à des défilés uniquement pour voir de belles pièces, s’amuser et prendre des photos. Avec la Accra Fashion Week, nous avons voulu donner à l'Afrique une plateforme où le défilé de mode n'est pas seulement un spectacle mais aussi un business. Ce projet a été lancé en 2016.

 

Il faut faire la différence entre un designer, qui peut concevoir de belles pièces et un créateur de mode qui bouleverse la culture de la mode, qui est capable de produire en grande quantité

Quatre ans plus tard, pensez-vous avoir réussi à atteindre cet objectif ?

Cela a eu réel un impact. D’abord avec notre site FashionGhana.com qui est le plus populaire en matière de mode sur le continent, vous pouvez vérifier les statistiques en ligne. Les créateurs qui défilent à l’évènement ont des profils complets. Ils ne se contentent pas de se montrer pour ensuite rentrer chez eux. Ils permettent aux publics et aux potentiels acheteurs d’en savoir plus sur eux. Nous travaillons vraiment sur l’image de marque des créateurs. Nous avons, entre autres, introduit le concept du podium créatif alors qu’avant, les défilés ne se contentaient que d’un podium droit avec un écran LED à l’arrière. Nous avons innové.

Je pense qu’il y a encore beaucoup de travail à faire en matière de conception et de compréhension. Il faut réussir à faire la différence entre un designer, qui peut concevoir de belles pièces, et un créateur de mode qui bouleverse la culture de la mode, qui est capable de produire en grande quantité. En Afrique, nous sommes plus concentrés sur la culture et le fait-main. Il est possible de voir un créateur pour qu’il conçoive une robe pour un événement mais pourquoi ne pas anticiper? Faire des robes en sachant qu’elles seront un véritable succès auprès de la clientèle car vous allez en faire la promotion. C'est à ce niveau-là que l'Afrique a échoué en matière de mode et il est vraiment important de comprendre le processus de production de masse, donc je dirais que nous n'avons pas encore réussi.

Comment se fait la sélection des marques?

Il faut d’abord savoir que pour l'événement nous avons quelques sponsors mais le financement vient principalement des tickets et de l’inscription des créateurs. Pour la sélection, nous n’acceptons pas toutes les marques mais nous ne sommes pas si sélectifs. J’estime que la mode est une industrie basée sur la créativité, nous devons respecter le fait que des personnes soient différentes, avec une culture différente et qu’elles vont proposer de l’art. Nous voulons donc donner aux gens l'espace nécessaire pour présenter ce qu'ils pensent être assez bon. Après, si vous êtes un nouveau designer, nous vous mettrons dans la catégorie des nouveaux designers, si vous êtes un designer professionnel, nous vous mettrons dans la catégorie des designers professionnels. Si vous pensez que c'est votre créativité, nous n'allons pas vous empêcher de vous exprimer mais nous allons vous donner quelques directives.

Quelles directives reçoivent-ils?

Nous leur faisons comprendre la différence entre le prêt-à-porter et la couture, le fait de produire en masse, nous les guidons à travers le processus. Nous mettons toutes ces informations dans un document que nous leur envoyons. Mais vous savez qu’en Afrique, il y aura des gens qui lisent et d'autres qui ne lisent pas. Dans tous les cas, nous les aidons et nous leur faisons savoir s'ils ont besoin de séances photos professionnelles. Nous avons même une boutique en ligne, sur le site de la Accra Fashion Week, pour que le public puisse acheter ce qui a été présenté sur le podium.

Cette année, le thème principal de l'événement est « Africa International ». Pouvez-vous nous expliquer le sens?

L'objectif est de considérer la mode africaine comme quelque chose qui se situe au-delà du marché local. Nous ne devons pas juste suivre ce qui se fait à Paris, à Londres ou à New York, mais au contraire, nous devons créer la tendance qu'ils vont suivre. Nous sommes donc une plateforme internationale. Les créateurs doivent vraiment s'intéresser à ce qui se passe dans le monde et passer à l'étape suivante : ne pas se contenter d'essayer d'être les meilleurs au Ghana ou en Côte d'Ivoire, mais être les meilleurs partout.

Le concept du Year Of Return a-t-il une influence sur la mode au Ghana?

Le concept du Year of Return était très intéressant, je pense que cela a eu un impact sur la diaspora. Vous savez que la popularité de l'Afrique est très récente. Beaucoup de gens avaient honte de l'Afrique, de leurs racines africaines à cause de la colonisation, des images négatives qui étaient véhiculées. La médiatisation de personnalités comme Lupita Nyongo, de films comme Black Panther, de la tendance des imprimés africains et même d’Instagram ont permis de créer cette fierté. Year of Return a été une belle occasion pour la diaspora et les afro-américains de se connecter avec l'Afrique et plus particulièrement avec le Ghana.

Cependant, je ne pense pas que cela ait eu un grand impact parce que la plupart des gens qui profitent de l'Année du Retour, s'intéressent surtout à la façon dont ils peuvent faire leurs business en Afrique. Je ne dis pas que tous pensent ainsi mais c’est le cas de beaucoup d’entre eux. Ils ont vu cette occasion comme une chance de faire ce qu'ils ne pouvaient pas faire en France, aux États-Unis ou à Londres. Cela a donc eu un certain impact, mais ce n'est pas cet impact majeur qui nous préoccupe pour l'instant.

Quel a été votre parcours jusqu’à la création de la Accra Fashion Week?

En 2006, j’étais agent de mannequins à Londres. Avec ce métier, l’objectif principal est de promouvoir vos modèles auprès des stylistes, des défilés de mode, des photographes, des magazines et de nombreuses personnalités de l'industrie. Être agent m'a permis de comprendre chaque angle de l'industrie de la mode. J'ai pu voir ce que les stylistes veulent, j'ai pu voir comment les défilés de mode sont organisés, comment les photographes font des éditos. Lorsque je suis venu au Ghana en 2012, nous avons lancé le site FashionGhana.com et j’y ai travaillé en tant que journaliste. C'est un magazine en ligne qui présente la mode dans toute l'Afrique, nous avons donc eu l'occasion, avant de commencer la Accra Fashion Week, de bien comprendre où en était l'Afrique en ce qui concerne la mode.

La Accra Fashion Week a été lancée en 2016. Il y avait des défilés de mode qui étaient organisés ici mais aucun qui utilisaient le nom de la capitale contrairement aux Fashion Weeks de Londres, Paris, New York ou Milan. Avec le lancement de la Accra Fashion Week, l’idée était de mettre en place l’évènement mode dont l'Afrique avait besoin.

La Accra Fashion Week était initialement prévue du 25 au 30 mars 2020. L’évènement a été reporté à une date ultérieure en raison de la pandémie de Covid-19.

Crédit : site Accra Fashion Week

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