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Anne Valérie Hash : « J’ai osé faire une pause dans un système où tout s’accélère »

By Céline Vautard

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Mode|INTERVIEW

La Cité de la Dentelle et de la Mode à Calais a invité la créatrice à retracer ses 13 premières années de travail. Sur le thème « Décrayonner », rencontre avec une personnalité généreuse.

En retrait depuis deux ans (sa dernière collection présentée est celle pour l’été 2014), Anne Valérie Hash fait parler d’elle autour d’une exposition qui est consacrée à son processus de création : déconstruire pour mieux reconstruire. En effet, la créatrice ne fait presque pas de croquis mais construit sur le corps avant de réaliser toiles et patrons puis vêtements. A la tête de la direction artistique de Comptoir des Cotonniers pendant deux années -un contrat qui a pris fin récemment-, elle a pu fait connaître son nom à un public plus large. Reine du masculin-féminin et de l’androgynie, pour la Cité de la Dentelle et de la Mode, l’accueillir aujourd’hui est un événement. « Nous suivons son parcours depuis longtemps et bien que nous soyons un musée, nous sommes avant tout un lieu dédié à la mode et à l’actualité textile, explique Anne-Claire Lalonde, directrice et conservatrice du patrimoine des lieux. Qu’elle ait accepté d’être muséifiée à l’instar d’autres grands noms est quelque chose de formidable, elle est déjà une référence pour ses pairs ».

Un vestiaire qui brouille les codes

Le parcours (sur 500 mètres carrées) qui comprend une centaine de modèles choisis parmi 3 000 objets avec l’aide de Sylvie Marot, commissaire de l’exposition, révèle un vocabulaire stylistique unique. « Le fil de cette histoire ce sont les verbes (débatir, désaxer, découturer, défragmenter…) qui viennent dire le geste effectuer par Anne Valérie Hash et son studio et précisent l’action ou la conséquence qui en découle », introduit Sylvie Marot. Un cheminement thématique sans chronologie qui commence par une robe construite à partir d’un pantalon d’homme (pièce iconique du travail de la créatrice), en passant par la combinaison (pièce phare des collections), la haute couture développée en parallèle du prêt-à-porter et jusqu’à la dernière pièce qui est un costume tailleur en dentelle et tissu réfléchissant, le style s’affirme. Sur place, le parcours se fait chromatique et évolue du noir vers la lumière, ponctué d’alcôves animées de vidéos, photographies dont celles signées de Fabrice Laroche, complice de la première heure. Bien sûr, la dentelle y tient aussi une place de choix. « Inspirée par le vestiaire d’homme, Anne Valérie Hash questionne le matériau. La toile de coton, la laine sèche se marient aux tulles, aux mousselines de soie et à la dentelle », rappelle Sylvie Marot.

Un art à portée de mains

Rares sont les expositions à ne pas être derrière une vitrine. Ici, c’est le cas. « Nous voulions donner cette proximité, cette chaleur pour permettre d’appréhender les tissus, les mats et les brillants », souligne la commissaire de l’exposition. Il en résulte des vitrines moins figées où l’on admire encore mieux la complexité des pièces. Anne Valérie Hash aime les jeux d’illusion et donne à voir des soies imprimés jersey, des pièces au porter réversible, des pantalons qui se portent en vestes ou en robes, des robes origami ou encore des vêtements construits à partir d’autres donnés pas des personnalités… Bref de l’audace pour celle qui, interrogée par l’Andam en 2003 à la question : « Qu’est-ce que la couture aujourd’hui ? », répondit « La couture est ailleurs ». Cette année là, c’est elle qui avait reçu le prix.

Trois questions à Anne Valérie Hash : Cette exposition est-elle un point final ou une façon de faire le point pour mieux repartir ?

« C’est une façon de clôturer une histoire. Inconsciemment j’avais tout archivé par respect pour le travail de mes équipes. Cette pause, je l’ai voulu pour mon mari et ma famille car j’avais travaillé 10 ans sans relâche. J’ai eu l’honnêteté, je crois, de faire ce choix. J’ai osé faire une pause dans un système où tout s’accélère. »

Le rythme imposait par le calendrier de la mode est-il devenu fou ?

« Bien sûr, j’ai ressenti cette accélération. Une nouvelle génération montante qui en pousse toujours une autre, c’est le cercle de la vie. Mais il y a aussi cette course, cette excitation qui vous pousse à en faire toujours plus. J’ai lancé la haute couture, une seconde ligne, l’enfant, l’accessoire… personne ne m’avait pourtant obligé à le faire, mais à un moment quand vous êtes une petite maison il faut rester dans la course. J’étais devenue boulimique de la construction et même au sens physique. J’avais pris beaucoup de poids. Et puis quand vous êtes jeune créateur et que vous n’êtes pas annonceur vous ne pouvez pas rivaliser. C’est là tout le problème de la jeune création, on y laisse des plumes. C’est alors que j’ai décidé de baisser les armes. »

On va donc vous retrouver très bientôt ?

L’idée c’est de me reposer, de tout repenser et bien sûr de revenir mais pour cela il faut faire une synthèse et un approfondissement. Ces deux années passées chez Comptoir des Cotonniers ont aussi été une bonne expérience. J’ai vu et j’ai appris d’un monde qui n’était pas celui de mes collections. C’est tout cela que je vais mûrir…Propos recueillis par C.V

« Décrayonner », jusqu’au 13 novembre 2016 www.cite-dentelle.fr

Photos: Portrait Anne Valérie Hash, catalogue de l’exposition et silhouette collection Vice et Versa ©Fabrice Laroche.


Anne Valérie Hash