Campagne Schiaparelli printemps-été 2025 : empowerment ou exploitation du corps féminin ?
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Les images de la collection Schiaparelli printemps-été 2025, « Show of strength » montrent des accessoires qui épousent le corps d’une femme nue. Surréaliste en 2025 ?
Le dossier de presse de la collection accessoires printemps-été 2025 de la marque Schiaparelli est tombé dans la boîte mail des journalistes sans autres formes d’explications que la description minutieuse des articles.
Exemples : le Soufflé, sac star de la saison : « un sac hobo souple et décontracté, orné des breloques anatomiques en laiton doré martelé signature de la Maison sur l'anse. Il fait ses débuts dans un somptueux daim turquoise et caramel, peint à la main à l'aérosol pour un effet dégradé brillant, et dans un cuir grainé souple sable, jaune et noir ».
Autre article phare : le « collier en laiton doré martelé et fil de strass, orné d'un pendentif squelette de poisson et d'une perle baroque ».
Le hic ? Ces descriptions sont illustrées par des photos qui montrent une femme nue, bronzée, sublime peut-être, mais qui objetise son corps. Ce dernier servant de faire valoir à une opération commerciale, en l'occurrence la vente d'accessoires de mode. Sous prétexte de « Show of strength », le nom de la collection, littéralement « démonstration de force », cet empowerment féminin n’en a que l’apparence.
En 2025, la nudité peut-elle encore être un argument de vente ? ? La question se pose
À l’heure du female gaze (refus de l’objetitsation des femmes), la campagne publicitaire renvoie aux années 90 et aux magazines masculins qui pleuvaient à cette époque. Certes, on pourra évoquer la référence directe à Helmut Newton, et notamment à la série « Big Nudes » qui met en scène des femmes debout, nues, puissantes et affirmées. Sauf que ces images datent des années 80, époque de grande liberté après la libération sexuelle des années 70 et avant la période sida.
En 2025, il y a eu le #metoo et toutes ces femmes qui ont osé s’opposer à des pratiques pas très jolies d’hommes de pouvoir. En réponse à cette émancipation, une vague masculiniste sévit aux États-Unis et hors frontières. Alors, n’est-ce pas un peu surréaliste d’aller montrer des femmes nues, sublimes au sens le plus male gaze possible, pour vendre des accessoires de mode ?
Considérant que c’est Schiaparelli (la marque surréaliste par nature), que le directeur artistique, Daniel Roseberry, est en place depuis 2019, il sait pertinemment ce qu’il fait. Il y a peut-être un message subliminal qui échappe au premier regard et qu’il serait bon d’expliquer pour éviter les réactions en chaîne qui ne vont pas manquer de pleuvoir sur les réseaux sociaux (sans compter la censure par Facebook ou autres). À moins que ce ne soit le buzz visé, ce qui serait quand même un peu pathétique à l’heure où il y a tant de combats équitables à mener.
Quand « le regard éperdu vient mourir autant dans le plaisir visuel que dans l'indiscrétion »
Drew Vickers, le photographe américain choisi par la marque, est largement apprécié par la profession puisqu’il collabore avec de nombreuses griffes de luxe ou magazines. Cependant, concernant son approche du nu, même un article enthousiaste comme celui du Harper’s Bazaar utilise des mots qui riment avec son approche. Extrait : « Le corps fait décor ; elle (le mannequin Bibi Breslin en l’occurrence) est déshabillée pour être habillée ; les images incarnent un mélange de raffiné et de vif, d'intime et de voyeur, où le regard éperdu vient mourir autant dans le plaisir visuel que dans l'indiscrétion ; la campagne incarne un chic historique, hommage aux grands photographes du porno chic, etc. »
Sauf que le porno n’a jamais été chic, sauf quand le trio Tom Ford/Carine Roitfeld/Mario Testino s’en est emparé et, là encore, c’était une autre époque. En réalité, le porno ne renvoie pas une image valorisante de la femme. Il est majoritairement fait par les hommes pour les hommes et les quelques tentatives pour s’extraire des clichés (Ovidie par exemple) sont encore poussives.
Enfin, et pour conclure avant d’offrir la parole aux intéressés, disons que la nudité fait indéniablement vendre. Que ce soit celle des femmes ou celle des hommes (on pense à Bad Bunny pour Calvin Klein ou à l’homme nu de la publicité Courrèges). Fondamentalement, elle n’est pas du tout gênante, car elle exprime la liberté.
Cependant, même si la mode est un éternel recommencement, son pouvoir de séduction l’oblige à sortir des clichés surannés.