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Collaborations street et luxe : les opposés s’aimantent

By FashionUnited

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Elles se sont accélérées en ce dernier trimestre. Et pour cause, 38 pour cent des marques mode et beauté avaient prévu de lancer des collaborations en 2019, selon un sondage mené en début d’année par Glossy auprès de 149 dirigeants de marques de mode et de beauté.

La dernière en date, celle qui fait le buzz, c’est bien sûr la collaboration exclusive entre le musée du Louvre et Off-White (Virgil Abloh), depuis le 13 décembre, à l’occasion de l’exposition Léonard de Vinci, qui se tient actuellement jusqu’au 24 février 2020. Cette collection capsule célèbre la vie et l’oeuvre de l’artiste visionnaire et s’affiche sur des tee-shirts des sweats…. L’occasion pour le plus grand musée du monde de s’attirer un nouveau public de Millennials et … de faire rentrer de l’argent dans les caisses.

Depuis septembre dernier les collaborations emblématiques n’ont pas manqué d’agiter le monde de la mode. Prada et Adidas ont annoncé une capsule commune en novembre, Dior et Jordan Brand font cause commune pour une ligne en série limitée, l’annonce a eu lieu début décembre. La collection de Giambattista Valli x H&M a été mise en vente le 7 novembre avec Kendall Jenner et Chiara Ferragni comme égéries. Plus original, Le Coq Sportif X La petite robe noire de Guerlain (une miniature de parfum accompagne une paire de sneaker) est disponible depuis le 18 octobre dans les boutiques Le Coq Sportif, chez Citadium et Courir. C’est la deuxième année consécutive que la maison Guerlain s'associe à la marque made in France Le Coq Sportif pour une collaboration exclusive.

A noter également, en vrac, Tommy Hilfiger x Zendaya (disponible depuis le 8 septembre), Zadig & Voltaire et Kate Moss (depuis le 26 septembre), Nike x Levis… Une liste loin d’être exhaustive.

Les raisons de l’accélération d’un phénomène aux racines profondes

Ce mariage improbable du luxe et du sportswear-streetwear ne l’est en fait pas tant que cela. Feu la collaboration voici deux ans de Supreme X Louis Vuitton en constituant en quelques sorte le climax. Une attirance mutuelle qui mise sur un partenariat gagnant-gagnant.

Spécialiste du marketing, et de la socio-sémiologie de la mode, ex-Nelly Rodi et Maison Martin Margiela, Jean-Marc Chauve est aujourd’hui consultant, directeur de la marque Imane Ayissi et Directeur Artistique d’IFA Paris. Il explique : « Bien qu’apparemment opposés, le streetwear apparaît comme un horizon régénérant pour marques de luxe. Mais les liens entre streetwear et luxe sont en fait bien plus anciens et peut-être bien plus profonds. Comment ce style, né à la fin des années 70 dans le sillage de la scène hip-hop, enraciné dans la pratique du skate, du surf, mixant les vêtements de sport, le workwear et le jeanswear, qui s’est construit dans les banlieues défavorisées des grandes villes américaines comme une contre-culture, en opposition au style « bourgeois » et au luxe institutionnel, participe-t-il aujourd’hui pleinement à ce luxe auquel il s’opposait ? »

En fait la fusion est bien plus ancienne que ce que ne laisse supposer les collaborations actuelles, très médiatisées. Dès les années 80, le new yorkais Daniel Day (Dapper Dan), habillait gangsters de Harlem, sportifs et les premières stars du Hip Hop de blousons et de survêtements frappés de sigles de marques de luxe détournées. Tandis qu’avec ses jeans baggy hyper ergonomiques, Marithé & François Girbaud transcendaient le hip hop en prêt-à-porter de luxe.

Le streetwear et le luxe ont en commun ont en commun plus qu’on ne le croit, à commencer par le goût du logo et l’importance du sentiment d’appartenance. Selon un livre blanc réalisé par Highsnobiety (blog de streetwear) 85 pour cent des personnes interrogées affirment que ce que les vêtements représentent est aussi important que leur qualité ou leur design.

Certains labels de street doivent leur succès à une stratégie comparable en beaucoup de points à celle d’une marque de luxe comme Hermès : prix relativement élevé par rapport au type de produit (essentiellement des hoddies) une production limitée qui crée la rareté donc le désir, des collaborations avec es designers et des artistes… Ce qui aboutit à un buzz, à un marché de la revente confinant à la spéculation.

Buzz, organisation du manque et spéculation : un véritable marché

L’engouement pour l’oversized, le sweat à logo peut aussi s’expliquer par l’âge moyen des directeurs artistiques stars comme Virgil Abloh (qui annonce cependant déjà la fin de ce phénomène street -luxe) ou Kim Jones. Qui recréent, façon Madeleine de Proust, la silhouette de leur adolescence…

Selon un récent rapport de Lyst, la marque Adidas était classée en tête des marques les plus recherchées en 2019 au Portugal. Nike, elle, arrivait en première position en France. Des plébiscites qui viennent encore légitimer les collaborations entre l'univers du sport et du luxe. Et si la croissance du luxe s’est ralentie ces dernières années, elle se porte encore bien. Toujours selon le Lyst Index, au troisième trimestre de 2019, les marques Off-White, Balenciaga et Gucci se classaient en tête des recherches au niveau mondial. Les collaborations entre des marques et des stars de la musique, du sport, des artistes ou d'autres créateurs, sont une tendance forte du marché du luxe. Aujourd'hui, toutes les maisons en font.

C'est ce que révèle une étude du Boston Consulting Group (BCG) pour Altagamma, la fondation qui regroupe les entreprises italiennes du secteur. Pour Gucci, Vuitton ou Chanel, elles sont un puissant vecteur. « Ces partenariats sont un moyen de se positionner auprès d'une clientèle plus jeune et de se légitimer auprès d'elle, souligne Olivier Abtan, directeur associé du Boston Consulting Group. C'est important car chaque année, ces maisons ont entre 60 pour cent à 70 pour cent de nouveaux clients. Il faut aller les chercher. »

Le luxe se régénère dans la culture street

Cette tendance devrait perdurer. En 2025, la part de marché des Millennials dans le chiffre d'affaires du secteur devrait atteindre 50 pour cent et ils vont tirer la croissance à hauteur de 130 pour cent, a calculé le Bcg.

Serge Careirra, spécialiste de la mode et du luxe et professeur à Sciences -Po ,a fait observer de son côté « On remarque bien une explosion du sportswear et du streetwear, avec cette idée de « normcore », de quotidien, utilisée pour parler plus directement à une nouvelle génération… mais il y a effectivement le risque de l’excès, cette pléthore de sportswear conduisant forcément à une certaine banalisation ».

Le risque dans ce type de partenariat ? La lassitude et le galvaudage des produits de luxe. Les bad boys et les princesses s’attirent, mais les histoires d’amour finissent mal en général…. On se souvient voici quelques années du mal que l’engouement des banlieues pour Lacoste a fait à la vénérable griffe. Idem, chez Burberry, avec le phénomène des « Chavs » britannique (difficilement traduisible si ce n’est pas supporter de foot avec les connotions péjoratives que cela implique …). A tel point que Burberry avait alors limité drastiquement la production de son carreau emblématique.

Photo : Prada X Adidas, Dior X Jordan Brand, Tommy Hilfiger X Coca-Cola

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