Festival de Dinan : une pépite pour découvrir les futurs talents des métiers en tension dans la mode

Du 27 au 29 octobre 2023, le Festival International des Créateurs Internationaux de Mode de Dinan a exposé dix finalistes, tous détenteurs d’un savoir-faire à même de répondre aux besoins du secteur en termes d’employabilité. Léo Lemée sort vainqueur du concours.

Rien d’étonnant à ce que le grand prix, reçu par Léo Lemée, comporte des donations venant d’écoles aux enseignements pratiques. À commencer par celle de l’Académie Internationale de Coupe de Paris, qui initie aux métiers techniques propres au modélisme (patronage, moulage, gradation, coupe à plat, tracé). Une formation tant manuelle que digitale, qui répond aux besoins du secteur pour des savoir-faire qui se perdent dus, entre autres, aux départs à la retraite.

Certes, lorsque Jean-Luc François, président de l’incubateur éponyme, déclare aux finalistes de l’édition 2023, lors de la conférence organisée le vendredi 27 octobre 2023 à la Mairie de Dinan, qu’une personne sachant coudre une boutonnière manuellement a eu la chance d’être embauché chez Hermès, un vent de désillusion souffle dans l’assistance. Ces jeunes, qui ont fait de longues études coûteuses, rêvent peut-être d’autres choses que de coudre des boutonnières, même pour Hermès ?

Cela étant, Jean Luc François marque un point et l’ensemble des conférenciers semble l’approuver : le manque de main-d’œuvre dans la mode, ce ne sont pas des stylistes ou directeurs artistiques, mais bien des dites « petites mains ». C’est dans ce genre de métiers que la filière mode et luxe recrute. Et ce n’est pas Grégoire Willerval, finaliste 2018, qui le contredira, lui qui est devenu, après avoir créé sa griffe, le « Monsieur 3d de la mode ». Incontournable, il réalise des modèles en 3d, pour les griffes Laruicci et N° 28, et habille l’influenceuse virtuelle Livi du groupe LVMH.

Les dix finalistes en sont conscients et n’expriment pas, selon Sylvie Pourrat, directrice du salon Premiere Classe et membre du jury présidé par les fondateurs d’On Aura Tout Vu, de volonté de se lancer en solo. À ce titre, ce festival, présidé avec force et détermination par Dominique-Damien Réhel, est pourvoyeur de nouveaux talents. Et le public de Dinan, invité à participer, ne s’y trompe pas, répondant toujours présent, qu’il pleuve ou qu’il vente.

Si Léo Lemée signe une réflexion à 180 degrés, les finalistes possèdent tous un savoir-faire précieux

Le grand prix du Festival de Dinan 2023 revient à Léo Lemée, dont FashionUnited avait déjà dressé le portrait dans un précédent article. Sa collection est le résultat d’un enseignement complet en termes de création de marques. Formé à Lisaa Mode Paris, il a fait l’unanimité auprès des membres du jury. Sa collection sera présentée dans une boutique du réseau de la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), présidé par Pierre Talamon, membre du jury.

Armand Rousseau reçoit le prix Royal Mer, soit la possibilité de créer une collection pour la marque. Issu de l’École Duperré, son travail de maille angora/cachemire et son original placement de rayures vont offrir un coup de projecteur sur ce tricoteur depuis 1946, à l’identité bretonne affirmée. Le jeune homme collabore actuellement avec Maestro, la griffe crée par le chanteur Stromae, au Portugal.

Lois Cousin est doté du Prix Texpertise (1 000 euros), remis par Messe Frankfurt. Sur la scène du Théâtre des Jacobins, Michael Scherpe, PDG chez Seme SA, délégation officielle de Messe Frankfurt pour la France et Monaco, explique avoir été interpellé par la façon dont travaille ce jeune homme, tout juste diplômé de Lisaa Mode. Il s’est inspiré des plans d’architecture que dessinaient ses parents, les a repris et mis en 2D pour créer de nouvelles formes, silhouettes à base de tissus techniques.

Adrian Sas (Chardon Savard) a enflammé l’assistance avec un vestiaire masculin, inspiré des dandys de l’époque victorienne. Version 2023, cela donne un croisement entre le peignoir de Hugh Efner, fondateur du magazine de charme Playboy, et des tenues d’escort-boys, le tout brodé et peint à la main. Sa collection reçoit le prix grand public, Dinan Territoire Commerçant (1 200 euros).

Enfin, les autres concurrents sont : Lilas Ferdi, Angelo Tasca et Tioukel N’Dyaye (Lisaa Mode), respectivement spécialistes du patronage/prototypage, tailoring urbain et maille. Garance Barreteau (Esmod) travaille les volumes en sport swear. Emilie Gervaise (également Esmod) s’inscrit dans une démarche nogender. Enfin, Sara Liard (Chardon Savard) s’intéresse à l’ennoblissement des matières, notamment avec une robe ornée de petits bouton-pressions qui permettent de l’adapter aux formes du corps féminin. Une adaptabilité qui rime avec celle nécessaire pour conduire un Festival de mode, où qu’il soit en France.