I - Tendances, marché chinois et inflation : les showrooms parisiens s’expriment sur leur évolution
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La saison des showrooms, qui s’est tenue en parallèle de la Fashion Week de Paris PE24, vient de se clôturer. Pendant quelques jours, ces derniers ont ouvert leurs portes aux acheteurs, dévoilant leur sélection pour le printemps-été 2024.
FashionUnited s’est entretenu avec plusieurs showrooms parisiens afin de comprendre l’évolution de leur activité et connaître les futures tendances. Aujourd’hui, Jerome Tordjmann, fondateur du showroom Talk, revient sur l’émergence du quiet luxury, le succès des marques européennes et les nouveaux comportements des acheteurs.
Quelles sont les pièces tendances du printemps-été 2024 ?
Jerome Tordjmann (Talk) : Nous constatons que nos clients, de manière générale, cherchent autre chose que des tee-shirts et des sweats. Aujourd’hui, les marques se doivent d’avoir un vestiaire complet : cela leur permet d’avoir un univers plus large et une ADN plus forte.
On sent que les gens s'habillent un peu plus et qu’on s’écarte du style « sweat, tee-shirt et basket » avec des silhouettes un peu plus recherchées, moins streetwear dans l’esprit. On sort également de l’univers tout logo qui faisait l’identité d’une marque. Ce qui fait aujourd’hui la différence, ce sont les coupes et les matières.
Vers quel(s) style(s) se tournent les acheteurs ?
Jerome Tordjmann : On est passé du logomania à un vestiaire plus simple et élégant. Certaines de nos marques, comme Daily Paper, le jouent très bien avec un style streetwear mêlé à un esprit plus créatif. Arte est également douée pour proposer des tee-shirts et hoodies avec beaucoup de graphismes, tout en offrant d’autres pièces telles que des costumes, pantalons, blousons et vestes d’inter-saisons. Si ces articles attiraient auparavant moins les clients, ils sont désormais très demandeurs de ce type de produits.
Je travaille avec de nombreuses marques hollandaises et belges qui ont le don de toujours vouloir placer un logo quelque part. Elles parviennent toujours à le positionner sans qu’il soit trop évident, de façon plus subtile (une petite étiquette sur les manches, le bas du tee-shirt, etc). À long terme, l’objectif d’une marque est de parvenir à être identifiable sans logo et d’être associée à un vêtement ou un détail particulier comme Ami avec son cœur ou Carhartt et les carpenters.
Quelles sont les couleurs phares de la saison ?
Jerome Tordjmann : En plus des couleurs neutres habituelles comme le noir, beige et bleu marine, le violet pastel revient souvent dans les collections. C’est la couleur de la prochaine saison, printemps-automne 2024. Elle sera plus jouée en touches, sur des accessoires par exemple, qu’en total look.
Quelles sont vos prédictions pour la saison à venir ?
Jerome Tordjmann : Le quiet luxury et l’outdoor, sans aucun doute. Ce sont les grosses tendances selon moi. Plus qu’un style, les clients se tournent vers un style de vie plus lent et davantage connecté à la nature et à l’environnement.
On assiste à une réouverture du marché chinois, jusqu’alors très restreint par la crise sanitaire. Avez-vous observé des changements face à ce retour ?
Jerome Tordjmann : Nous ne sommes pas trop spécialisés sur la Chine mais davantage sur la France et la Corée du Sud. On sent le retour des acheteurs, accompagné d’une envie de voyager et de s’ouvrir beaucoup plus, notamment pour la Corée du Sud qui était un pays fermé avec des codes très figés, qui se cassent petit à petit. Il y a quelques années des marques européennes comme Daily Paper et Arte n’avaient pas de marché en Corée du Sud. Maintenant les acheteurs coréens sont friands de ce style.
Est-ce que les acheteurs optent pour un look entier ou plutôt quelques pièces ?
Jerome Tordjmann : Les ensembles - short ou pantalon/veste - marchent bien parce qu’ils sont efficaces et s'intègrent bien dans une garde-robe. L’ensemble, c’est le nouveau costume, survêtement, uniforme. Il donne un style plus formel même s’il ne l’est pas forcément. Toutefois, les acheteurs continuent à acheter des pièces uniques de différentes marques.
Au vu du contexte socio-économique actuel, avez-vous constaté des changements de comportement ?
Jerome Tordjmann : Nous avons beaucoup de chances de ne pas être impactés par la crise économique. Nous touchons une clientèle jeune qui est moins touchée car elle a moins de choses à payer. Nous sommes positionnés sur un créneau streetwear créatif haut de gamme accessible. Les clients préfèrent mettre un petit peu plus cher et pouvoir garder les vêtements plus longtemps.
Avez-vous opéré des changements dans votre politique de commercialisation cette saison ?
Jerome Tordjmann : Au niveau des acheteurs, on sent qu’ils ont beaucoup moins le temps car la période est courte et qu’il faut aller vite. Nous devons donc faire tout un travail en amont pour eux et le faire bien car nous sommes sur un marché très niche. Il faut parvenir à comprendre leurs attentes et être constamment en avance.
Commercialement, comment se porte la jeune création ?
Jerome Tordjmann : Les jeunes marques se portent très bien. Elles parviennent à attirer les clients grâce à une émotion : elles vous raccrochent à vos origines, un état d’esprit voire même un mouvement social et fédèrent.
Quelles nouvelles marques ont récemment intégré votre offre ?
Jerome Tordjmann : Les deux marques qui sont en cours d’arrivage sont The Ace Club et Arena, marque spécialisée dans les vêtements de bain que l’on entend bien faire sortir de la piscine, en développant une offre plus lifestyle.
Comment procédez-vous à la sélection des labels que vous distribuez ?
Jerome Tordjmann : Les personnes derrière les marques. Sans les bonnes personnes, on ne peut rien faire.
Selon vous, quels sont les créateurs sur lesquels garder un œil ?
Jerome Tordjmann : Pour l’humain, Panic Pizza Club. Une personne que je connais bien qui est partie vivre en Corée du Sud et qui a trouvé sa voix. On le voit dans sa marque. The New Originals aussi car c’est une belle histoire. Ils se cherchent encore un peu mais ils ont un beau projet. Ils méritent d’être plus connus.
Quelles gammes souhaiteriez-vous développer à l’avenir ?
Jerome Tordjmann : Je saisirais les opportunités qui se présentent. Oui, j’aimerais avoir une marque de chaussures qui se vend bien mais si je ne l’ai jamais, ce n’est pas très grave. Je n’irais pas la chercher juste parce que j’en ai besoin. Je valorise avant tout les beaux projets avec une véritable histoire, comme Arena récemment.