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Jean-Luc François remaille le tissu local et social

By Odile Mopin

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Mode

Revitaliser une commune et œuvrer pour l’emploi dans une région d’ancienne tradition textile. C’était le projet de l’association Jean-Luc François, styliste de métier, qui a créé son association en 2010 pour rendre les métiers techniques de la mode (couturier, mécanicien, modéliste, retoucheur) accessible à un public en fragilité professionnelle. Des formations dispensées dans un premier temps à Pantin, rue des Pommiers, où Jean-Luc François fonde son premier atelier, doublé d’un incubateur pour jeunes créateurs. L’idée ? Monter dans la zone un atelier axé mode et luxe pour créer de petites séries destinées aux marques, le tout en formant des personnes éloignées de l’emploi. Une intuition géniale.

Car la Seine-Saint-Denis, en plein essor créé aujourd’hui 15 000 entreprises par an, tous secteurs confondus. « Or, malgré ce dynamisme, ce département concentre aussi plus de difficultés que d’autres en terme d’insertion et d’accès à l’emploi » explique Jean-Luc François. Mais les choses évoluent puisqu’ un véritable écosystème de la mode s’est formé à Pantin depuis quelques années. Chanel y a logé ses artisans d’arts regroupés dans sa filiale Parrafection, Esmod s’y est installé, tandis que les Compagnons du Devoir y forme via leur pôle d’excellence « Matériaux souples » selliers et maroquiniers très demandés par les grandes maisons.

En tant que « premier entrant » à Pantin, l’Association Jean-Luc François fait donc figure de pionnier. Et ne cesse de créer des liens, des synergies entre les écoles du département et les maisons présentes, comme les ateliers Hermès, également sis à Pantin. Le cercle est vertueux. Œuvre utile, valorisation du département, retour à l’emploi des apprenants. La Fédération du prêt-à-porter féminin avait d’ailleurs signé lors du lancement de l’atelier une charte avec la Seine-Saint-Denis pour la reconnaissance des qualifications dans la mode.

Valoriser un territoire par la mode

Aujourd’hui l’atelier de la rue des Pommiers marche très fort, selon Jean-Luc François. Il forme environ deux douzaines de personnes par an, et reçoit des commandes pour des petites séries. Côté incubateur, c’est une trentaine de jeunes créateurs qui viennent y travailler, s’y développer. Les critères de sélection portent avant tout sur le projet du créateur. « Les candidats doivent montrer leurs prototypes, avoir des connaissances en modélisme » insiste le fondateur de l’association. Ils sont ensuite pris en résidence durant six mois, le tout étant financé par la Région Ile -de-France. L’endroit propose également un espace de co-working, avec du matériel à disposition. Les jeunes stylistes bénéficient de cours techniques, montage, patronage, etc, mais aussi d’une formation juridique, comptable, bref, entrepreneuriale. « Nous formons des porteurs de projets » insiiste lechef d’orchestre de l’association. Celle-ci est partenaire d’Esmod, qui lui envoie des étudiants, ainsi que de la Fédération du prêt-à-porter et de l’Institut National des Métiers d’Arts, présidé par Lynn Cohen-Solal.

Fort de ce succès, Jean-Luc François a souhaité réitérer l’expérience dans une région particulièrement déshéritée, en Picardie. Un atelier a vu le jour à Ham, commune de 5000 habitants, où les commerces ferment les uns après les autres et où le taux de chômage surpasse largement la moyenne nationale. Pas d’incubateurs, mais un projet d’atelier collaboratif, pour la réinsertion professionnelle, toujours par la couture. Il fallait oser, et les institutionnels de la région étaient tous au rendez-vous lors de l’inauguration, voici un an et demi, à commencer par Xavier Bertrand, le Président du conseil régional des Hauts de France. Le Défi, la Mairie, la Communauté de Communes, le département et la Région financent ce projet.

Après des débuts difficiles, l’atelier de Ham fonctionne, lui aussi avec une dizaine de personnes, un dispositif de formation complété, là encore, par un volet fabrication, en plein centre-ville d’une commune en voie de désertification. « Nous nous sommes inscrits dans un projet de revitalisation des centre-bourgs, en lien avec Pôle-Emploi, notamment. Nous avons affaire à un public très difficile, parfois issu de trois générations de chômeurs. Ces personnes, il s’agit le plus souvent de femmes, ont perdu toute confiance en elles. Il s’agit de monter des projets professionnels liés à la mode avec elles, tout en les formant, en les accompagnant », explique Jean-Luc François.

Le projet a suscité beaucoup d’intérêt et un certain écho médiatique. Un film documentaire, « Tissu Local » a été tourné autour de l’atelier de Ham. L’association est également à l’origine de l’événement « La nuit de la mode », financée par la région. Au menu, une soirée de gala et un grand défilé dans une ancienne usine. Inimaginable voici deux ans à Ham, dans l’Est de la Somme…

Concrètement, l’atelier coopératif accueille aujourd’hui sept femmes qui y travaillent à leur compte. Une collaboration pour la fabrication de « bijoux de peau » (dentelles, ornements à coller sur le corps) est en cours, avec la marque Marbella, vendue au Bon Marché. D’autres donneurs d’ordres font appel à Ham pour des séries limitées, comme Leclerc, pour des tenues d’hôtesses de caisse.

Des projets inédits sont également montés avec des entreprises textiles et des jeunes créateurs. Ils travaillent en binôme autour e dossiers thématiques : par exemple, des séries en dentelle avec Sophie Hallette, en vue d’une exposition au Musée de la dentelle de Caudry. « Nous travaillons aussi sur le maintien des savoir-faire rares », conclu Jean - Luc François. Définitivement, la mode a du sens.

Credit : Association Jean-Luc François

Association Jean-Luc François
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