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La dentelle française en danger ?

By Céline Vautard

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Desseilles Laces passé sous pavillon chinois, Codentel repris de justesse par Sophie Hallette. Le secteur a beaucoup fait parler de lui ces derniers jours. Etat des lieux d’un savoir-faire français qui n’a pas dit son dernier mot.

Comme toujours dans les médias, on entend davantage parler des mauvaises nouvelles plus que des bonnes. Ainsi, en est-il pour la dentelle made in France. Pourtant, ce secteur sinistré garde encore la tête haute et surtout tire son épingle du jeu. Pour rappel, le secteur a réalisé en 2014 un chiffre d’affaires de 75 millions d’euros, en légère progression par rapport à 2013. Tandis que 2015 (chiffres non encore communiqués) devrait également poursuivre cette progression. (source : Fédération Française des Dentelles et Broderies).

« Actuellement, les dentelliers ne sont pas dans la pire tempête qu’il soit, même si rien n’est jamais facile comme pour tous les métiers où il y a du savoir-faire et des capitaux engagés », souligne Romain Lescroat, président de la FFDB et directeur général de Sophie Hallette. « Les clients sont toujours sensibles à la dentelle française et aux métiers Leavers, mais les marchés eux ne sont pas extensibles. Toute la difficulté est de rester souple pour qu’il n’y ait pas de distorsion entre l’offre et la demande ».

Une actualité médiatique

Ces derniers jours pourtant, la fragilité du secteur a de nouveau ému. Celui qui ne compte plus qu’une dizaine d’entreprises, contre plus de 1 900 au début du vingtième siècle, a vu la société calaisienne Desseilles Laces, en liquidation judiciaire, passer sous pavillon chinois. L’acte deux concernait la reprise d’un autre calaisien : Codentel. Placé en redressement judiciaire en décembre dernier, celui-ci était également envisagé par l’acquéreur de Desseilles Laces. Le sort en a finalement décidé autrement et c’est le groupe Holesco, qui contrôle Sophie Hallette, qui l’a emporté. Il faut dire que quelques jours avant la décision du tribunal, la maison Chanel annonçait une prise de participation minoritaire dans le groupe familial Holesco. « Une action qui a sans aucun doute aidée bien que ce soit les termes de notre offre qui ont convaincu le tribunal, explique Romain Lescroat. Mais, plus fortement encore, ce soutien a surtout eu pour effet de sensibiliser sur l’avenir de notre savoir-faire. Et ça, c’est très positif pour nous ».

Un métier d’art unique

Importé d’Angleterre en 1820, les premiers métiers n’ont plus quittés le territoire et aujourd’hui la France possède à elle seule 80 pour cent du parc mondial des machines Leavers concentré sur le pôle Calais-Caudry, seul détenteur du label « Dentelle de Calais-Caudry », propriété de la Fédération Française des Dentelles et Broderies. Soit un pôle d’excellence répartis sur deux sites qui emploient encore 1 300 salariés.

A Caudry, place à la fabrication de la dentelle essentiellement destinée à la haute couture et au prêt-à-porter de luxe (dont les sociétés Beauvillain Davoine, Dentelles André Laude, Méry, MC, Jean Bracq, Solstiss et Sophie Hallette). Alors que Calais fait plutôt dans la lingerie et la corseterie (parmi ses acteurs Codentel, Cosetex, Desseilles Laces, Noyon, Darquer et Riechers Marescot) avec une production à 50 pour cent sur métiers Leavers, le reste étant produit sur des métiers « maille ». « La dentelle est un produit qui a un affect fort, confie Romain Lescroat. Elle véhicule le glamour, la séduction. Dans un monde connecté et informatisé, ses lourdes machines sont presque poétiques ».

Un secteur qui embauche toujours

Et de nos jours, bien que tout petit, le secteur reste dynamique. Ainsi, fin 2015, Noyon rachetait un petit concurrent espagnol, Central Encajera, roi de la mantille et des dentelles fines pour robes de mariées. «Sur nos 21 millions d'euros de chiffre d'affaires, 18 millions viennent de nos dentelles à la tradition centenaire, tissées à Calais, et le reste de nos filiales à Hong Kong et en Chine », résumait Olivier Noyon, PDG de l'entreprise familiale à la presse économique. Moderne, celle-ci a aussi mis en place en 2005 une joint-venture avec un partenaire sri-lankais qui fabrique une dentelle tricotée destinée aux marques accessibles comme Etam, Oysho, Intimissimi, Calvin Klein, Passionata ou encore Victoria's Secret. Mais pour lui, l’avenir est aussi dans le prêt-à-porter. «De 2,5 millions d’euros aujourd'hui sur ce segment porteur, notre chiffre d'affaires pourrait grimper à 10 millions d'ici trois à cinq ans», estime le dirigeant.

Enfin, chez Sophie Hallette où Romain Lescroat, 39 ans, représentante la troisième génération, l’optimisme reste de mise. « Entre 2010 et 2015, notre chiffre d’affaires est passé de 20 millions à 30 millions d’euros, détaille le dirigeant. Sur cette période, nous avons recruté 80 personnes et investi 8 millions d’euros pour moderniser certaines machines à teintures, des installations ou encore sécuriser des sites ». Avec trois bureaux de création, l’un dédié à la lingerie, un second au prêt-à-porter et un dernier à l’ennoblissement (secteur du luxe), regroupant une quinzaine de personnes et une direction communication et marketing, le dentellier a bien compris les enjeux d’aujourd’hui. « Nous sommes dans le maintient d’un savoir-faire, un tour de main unique et à la fois dans la gestion de marque avec tout ce que cela implique de modernité et de présentation. Je crois que c’est cela qui a séduit Chanel. Plus qu’un sauvetage, pour nous il s’agit de l’engagement d’une maison performante envers une autre maison performante afin d’en pérenniser l’avenir », conclue Romain Lescroat.

Photos: Sophie Hallette © Sophie Brandstrom


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