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La Fabrique Nomade œuvre pour la réinsertion professionnelle des migrants via l’artisanat d’art

By FashionUnited

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Mode |INTERVIEW

C’est une association unique, fondée par Inès Mesnar en 2016 à Paris. Tout commence en 2015, où l’afflux et la question des migrants deviennent très présente en Europe et en France. Elle-même fille d’une tunisienne immigrée en France, Inès Mesnar apprend que sa mère, avant d’immigrer, exerçait le métier de brodeuse à la Médina de Tunis. Un passé qu’elle avait soigneusement choisi d’oublier.

Son histoire l’a touchée et Inès Mesnar se demande alors combien d’autres personnes ont ainsi renié une partie d’elles-mêmes, leur identité professionnelle, en quittant leur pays. Et s’interroge aussi sur cette perte de savoir - faire.

« J’ai alors décidé d’enquêter dans les centres d’hébergement pour réfugiés et migrants, convaincus de trouver parmi eux des artisans. Je rencontre Kim, brodeuse au Vietnam, caissière en France. Ali, menuisier afghan, agent d’entretien en France. Ou encore Shammim, brodeur au Bangladesh, pizzaiolo en France…. Je me rends compte que les freins qui les empêchent de trouver une place, une véritable reconquête professionnelle en cohérence avec leur expertise, sont nombreux. La langue, l’absence de réseau, la situation d’urgence dans laquelle ces migrants se trouve, la méconnaissance de la culture et du marché français. Ces personnes sont le plus souvent orientées dans des secteurs en tension, comme le ménage, la sécurité, la restauration. Des métiers qui n’ont rien à voir avec leur profession d’origine. »

In fine, cette situation engendre une perte de savoir-faire, alors que la France conserve une grande tradition dans l’artisanat d’art. Mais ce secteur est confronté à une perte de transmission, et nombreuses sont les maisons qui ne parviennent à recruter, faute de personnel formés. « Valoriser les compétences qui arrivent sur notre territoire, c’est enrichir notre société et soutenir son développement en considérant chaque personne dans ce qu’elle est et ce qu’elle sait faire », explique Inès Mesnar.

C’est tout l’objectif de la Fabrique Nomade. L’association, installée sous le Viaduc des Arts, dans le 12 ème arrondissement de Paris met en relation ces artisans avec des entreprises. Pour y arriver, l’association déroule ses actions en trois volets : il s’agit d’abord de la formation, en deux sessions de six mois, pour préparer les artisans aux besoins spécifiques du marché français. Ce programme favorise leur montée en compétences, leur adaptation au contexte économique. Il se veut très pragmatique et déroule l’ensemble du processus créatif.

La Fabrique Nomade valorise les savoir-faire d’artisanat d’art des migrants sur le territoire français

Puis, des collections sont créées, en collaboration avec des designers français partenaires de l’association. Ainsi, Maïmouna Diallo suit un apprentissage chez un maître couturier pendant 10 ans. En 2008, elle crée son propre atelier de couture et réalise les premiers défilés engagés sur des enjeux sociaux et environnementaux. Tout lui plaît dans la couture, des techniques de coupe à l’assemblage en passant par la prise de mesures et les créations originales. Elle arrive en France en octobre 2016. Avec la Fabrique Nomade et la designeuse Chloé Levesque, elle retrouve ses premières amours et crée une collection qui évoque trois savoir-faire utilisés dans la mode : les plissés, les matelassés et les volants, détournés des robes que Maïmouna créait en Guinée. Ils ornementent aujourd’hui ses coussins précieux. Les tissus aux motifs tye & dye ont été teints dans son village natal par sa mère.

Autre exemple, Ablaye Mar apprend la couture sur différentes machines, avant de se spécialiser dans la broderie. Créatif, la broderie Cornely lui offre un véritable moyen d’expression. Cette technique, qualifiée de « semi-mécanique» car la Cornely reste une machine guidée à la main, demande un réel savoir-faire ; c’est une broderie hautement qualitative. Pour la collection « Traits d’union », Ablaye Mar et Sabatina Leccia, designeuse brodeuse ont conçu une série de housses de coussin. Ablaye Mar travaille aujourd’hui en free-lance pour une grande maison française.

Ces sessions de formations préparent la réinsertion professionnelle de ces artisans et leur permettent de dialoguer d’égal à égal avec les créateurs français qui les accompagnent. De relancer un réseau.

Autre action de la Fabrique Nomade, ses « ateliers pratiques » (tissage, couture), animés par les artisans qui permettent au public de s’initier à ces savoir-faire et de développer du lien social. « Nous agissons comme un tremplin pour un vrai changement de vie », conclut Inès Mesnar.

photo : la fabrique nomade

La Fabrique Nomade