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Les enjeux du financement et du développement de la formation professionnelle dans l'industrie de la mode : regards croisés du Comité Stratégique de Filière Mode et Luxe

By Diane Vanderschelden

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Mode
Mannequin avec modèle de robe. Credits: CSF Mode.

Le Contrat stratégique de filière Mode et Luxe, signé en janvier 2019 par les pouvoirs publics et les représentants de la filière, s'articule autour de différents axes cruciaux visant à renforcer la compétitivité du secteur. L’un d’entre eux, et pas des moindres, étant celui de la formation.

Avec une forte croissance et une pyramide des âges défavorables, la filière Mode et Luxe cherche à recruter chaque année plus de 10 000 personnes depuis 2012, principalement pour des postes techniques liés à la fabrication et à la mise au point de produits, représentant 90% des besoins. Avec 615 600 emplois directs et un million d'emplois indirects, le développement du secteur est néanmoins freiné par des problèmes d'attractivité et de formations inadaptées. Une réalité qui touche tous les secteurs industriels, mais éventuellement amplifiée depuis la reprise des marchés du luxe en 2012, par une discordance grandissante entre le volume et le contenu de l'offre de formation d'une part, et les besoins réels de fabrication sur le territoire national, particulièrement en zone rurale, d'autre part.

Chaque année, ce sont près de 16 000 jeunes qui suivent une formation allant du CAP au BTS. Toutefois, ces programmes ne répondent pas aux besoins concrets du secteur de la mode et de l'habillement. Une tendance inquiétante, puisque la moitié de ces diplômés quitte le secteur dans l'année suivant l'obtention du diplôme, représentant une perte de 240 millions d'euros de l'investissement total réalisé par l'État, d'après les données de DEFI, le Comité de Développement et de Promotion de l'Habillement. Qui plus est, parmi la moitié restante des diplômés, 70% choisissent de poursuivre une formation supérieure tournée vers le métier de Styliste Modéliste, alors même que 90% des besoins se situent sur les métiers de fabrication et de maîtrise et pilotage process de fabrication.

Face à ces besoins, le CSF (Contrat stratégique de filière) a donc engagé un dialogue avec l’État pour travailler à adapter les formations aux besoins. Il a également lancé en 2019 « Savoir pour Faire », une campagne visant à promouvoir les métiers de haute valeur ajoutée. Renouvelée chaque année, la campagne met l’accent sur des aspects particuliers. La dernière en date propose de nouveaux outils pour les recruteurs et les guides d’orientation.

Il convient de rappeler que la Mode est un secteur clé pour la France. Avec un chiffre d'affaires direct de 154 milliards d’euros, soit 1,7% du PIB, son poids dépasse celui de l’aéronautique et de la construction automobile dans l’économie. Une entreprise industrielle sur treize travaille en France dans le domaine de la mode et du luxe, selon le rapport du Contrat Stratégique de filière Mode et Luxe 2023-2027.

assembleur-maroquinerie Crédits: CSF Mode.

Où en sommes-nous dans le déploiement de la formation professionnelle ? Quelles sont les retombées des initiatives de « Savoir Pour Faire » et du gouvernement ? Pour en savoir plus sur ces avancées, FashionUnited a interrogé trois membres dirigeants du Comité CSF Mode : Laurent Baup, délégué général de la Fédération Horlogerie, Sylvie Chailloux, chef d'entreprise du Textile du Maine et présidente de l'UFIMH (Union Française des Industries Mode et Habillement), ainsi que Laurent Vandenbor, délégué général Mode Grand Ouest, Délégué national formation de l’UFIMH (Union Française des Industries Mode et Habillement).

Pouvez-vous présenter la campagne Savoir Pour Faire ?

Laurent Baup : La campagne « Savoir Pour Faire » est issue du travail concerté de neuf branches professionnelles œuvrant dans le domaine de la mode et du luxe (Maroquinerie, Haute-couture, Chaussure, Habillement, Textile, Bijouterie, Horlogerie, Cuirs et peaux, Arts de la table). Elle a été conçue afin de mettre en avant la richesse des métiers techniques de nos filières. Ce sont plus de 80 métiers qui sont ainsi mis en avant. Financée par OPCO 2i*, la campagne « Savoir pour Faire » est également un outil déployé dans le cadre de la campagne de promotion de l’industrie « Avec l’industrie », qui vise plus largement à mettre en avant les métiers de tous les secteurs de l’industrie.

Laurent Vandenbor : Issue des premières réflexions liée à la promotion de nos métiers, de nos branches et de toute leurs diversités, cette campagne est la première à avoir une approche « filière » avec l’objectif majeur d’être un « éclaireur » de voies et de conscience pour les familles, les jeunes, les chercheurs d’emploi avec des approches de communication modernes et dynamiques régulièrement évaluées et ressourcées.

« Tous les métiers ne s’exercent pas dans la ville d’à côté. Pour être pleinement efficace, il faut pouvoir attirer les bonnes personnes au bon endroit », Laurent Baup, délégué général de la fédération horlogerie.

Alice Léger

assembleur-maroquinerie. Crédits: CSF Mode.

Le potentiel de la formation professionnelle pour la promotion d'objectifs économiques, sociaux et personnels est immense, et loin d'être pleinement exploité. Que reste-t-il à faire ?

Laurent Baup : C’est un travail de longue haleine, il faut parler à tous les publics ! Les collégiens, lycéens bien sûr mais aussi leurs parents qui ont besoin de comprendre les carrières que nous proposons. Il ne faut pas négliger non plus les salariés en quête de reconversion qui peuvent trouver dans nos filières des postes leur permettant de changer de mode de vie, voire de se réaliser dans leur passion…Au-delà de l’éclairage sur ces métiers, il faut également faciliter les prises en charge et la mise en place des actions de formation. C’est un travail qui se fait en lien avec OPCO 2i notamment pour permettre le déploiement des politiques de formation de chacune des branches et attirer massivement. Enfin, il y a des contingences géographiques dont il faut également tenir compte : tous les métiers ne s’exercent pas dans la ville d’à côté. Il faut pouvoir attirer les bonnes personnes au bon endroit pour être pleinement efficace.

Sylvie Chailloux : les formations initiales Habillement peinent à être en adéquation avec les attentes des entreprises. Un travail a été entrepris sur les Bac pro en révisant le référentiel de formation. Cette révision portera ses fruits sur la promotion qui sortira dans 3 ans ! Ce même travail va s’engager en 2024 sur les BTS afin de réintégrer les fonctions Managériales et Méthodes, et ainsi de répondre de façon juste aux nombreuses offres d’emploi ouvertes.

« C’est par défaut de réponse structurelle de proximité que les entreprises développent leurs propres centres de formations », Laurent Vandenbor, délégué général Mode Grand Ouest, Délégué national formation de l’UFIMH (union Française des industries de l’habillement)

Alice Léger

Comment se portait le marché de la formation avant le contrat filière de 2019 ?

Laurent Baup : Le secteur a toujours été riche en formation de qualité. C’est notamment de cette capacité à former les talents de demain que naît la prospérité des maisons les plus prestigieuses. Mais il faut reconnaître que la formation repose également sur les entreprises. Depuis 2019, des efforts interfilières sont menés et des dispositifs mutualisés.

L’industrie de la mode jouit d’une réelle croissance à travers le monde. Sur les 10 000 postes sur lesquels vous cherchez à recruter chaque année, combien sont effectivement pourvus ? Quelles sont les perspectives à venir ?

Sylvie Chailloux : il y a effectivement une forte évaporation, l’investissement de l’État pour la formation initiale est colossal mais pas suffisamment productif, les entreprises trouvent difficilement des jeunes parfaitement formés.

Laurent Vandenbor: Deux raisons : L’avant dernière réforme du baccalauréat a réduit la maîtrise des fondamentaux de couture et supprimé le BTS Productique pour le regrouper vers un BTS focalisé mise au point et numérique. Résultat : seul 1 bachelier sur 7 atterrit en couture. Après 2 ans de travaux, le baccalauréat vient d’être rénové, mais ne produira ses premiers effets que dans 3 ans. Il est aujourd’hui indispensable de rétablir une offre de poursuite d’étude en BTS et Licence Productique et certifications ministère du travail et CQP**, pour répondre aux besoins et préparer l’encadrement attendu des ateliers, et l’intégration des nouvelles ruptures nombreuses.

C’est par défaut de réponse structurelle de proximité que les entreprises développent leurs propres centres de formations, plus adaptés à leurs besoins. Si cela fonctionne sur les maisons et les ETI, la situation est lourde à porter pour les PME, budgétairement mais surtout en matière de détachement d’experts de production alors même que le secteur est sous tension de marché en terme capacitaire, comme cela n’a jamais été le cas. Une autre voie travaillée actuellement consiste à déployer des partenariats avec de nouveaux acteurs de formation comme les Maisons familiales et rurales ou le réseau CFA*** des écoles privées, voire des opérateurs de formation privés, mais rétablir le « réacteur principal » est plus qu’attendu.

Sylvie Chailloux: Le maintien dans l’emploi post formation professionnelle est de l’ordre de 80% des formés. Pour les CAP et BTS en formation initiale, il ne représenterait que 20% seulement. Peut-être que l’orientation automatique, qui se base sur des critères autres que l’intérêt, passe parfois à côté de jeunes passionnés …

Laurent Vandenbor: Il faut passer d’une approche d’orientation visant à remplir des classes à une orientation prenant en considération l’expression des besoins et considérant la voie professionnelle comme une voie de valeur équivalente, au moins si pas plus, à la voie des études classiques. Je suis conseiller entreprise pour l’école depuis 21 ans. A l’occasion des jurys d’examens, j’observe que les livrets scolaires sont une mine d’information précieuse non exploitée et non partagée avec les professionnels. Ne peut-on pas organiser des Job dating sur la première quinzaine de juillet pour favoriser les rencontres entre Familles, élèves, enseignants, entreprises ? Une dérogation des chefs d’établissements scolaires pour repérer et orienter certains profils pourrait être intéressante. Et facile à mettre en œuvre, n’est-ce pas ?

Crédits: CSF Mode.

« Dans les 5 années à venir les départs en retraite vont être massifs. On parle de réindustrialisation sans reconnaître l’effort de formation nécessaire dans nos métiers de la main, dont beaucoup d’emplois ne peuvent être pour l’instant robotisés », Sylvie Chailloux, chef d'entreprise du Textile du Maine et présidente de l'UFIMH (Union Française des Industries Mode et Habillement)

Alice Léger

Selon vous, qu’est-ce qui a creusé le fossé que l’on constate aujourd’hui entre les formations dispensées et les compétences demandées par les entreprises ? Et comment aligner aujourd’hui les formations aux besoins de l’industrie ?

Laurent Baup : Le lien entre les entreprises et le monde de la formation doit impérativement se renforcer. De nombreux efforts ont été réalisés ces dernières années mais il est nécessaire que les branches professionnelles soient au cœur de chacune des réflexions sur les métiers qui les concernent. On ne peut pas simplement avoir une vision comptable sur ces sujets. Aujourd’hui certaines filières ont des besoins dits de « petit flux ». Il ne s’agit pas là de former des milliers de personnes sur un métier spécifique mais parfois seulement une petite dizaine, la logique ne peut donc pas être purement économique. Si nous voulons préserver certains savoir-faire essentiels, il faut accepter le coût de ces formations. L’accès aux équipements de qualité - en lien avec ce que les personnes vont trouver en entreprises, le recours à des formateurs de qualité, formés eux-mêmes aux dernières techniques, et l’écoute des entreprises partenaires sur la pertinence des référentiels sont autant d’enjeux qu’il faut relever pour que les organismes de formation soient les plus performants possibles. C’est dans cette optique notamment que de nombreuses branches ont développé des Certificats de Qualification Professionnelle (CQP) qui donnent aujourd’hui satisfaction et mériteraient d’être encore plus déployés.

Sylvie Chailloux : les référentiels ont besoin d’être mis à jour et le partenariat école-entreprise a besoin d’innovation pour fonctionner à double sens. Les besoins des territoires par filière et volumétrie peuvent être très différents. Les lycées professionnels doivent devenir de réels outils opérationnels à fournir la ressource attendue par les entreprises de leur territoire. Car la mobilité n’est pas une réalité, il faut donc former au plus près des entreprises qui recrutent et que les entreprises s’engagent auprès des lycées dans le moyen terme. Le coût actuel supporté par les entreprises pour pallier à ce manque de formation initiale efficace n’est pas tenable et nuit à l’affichage de la compétitivité prix. Dans les 5 années à venir les départs en retraite vont être massifs. On parle de réindustrialisation sans reconnaître l’effort de formation nécessaire dans nos métiers de la main dont beaucoup d’emplois ne peuvent être pour l’instant robotisés dans la limite des connaissances actuelles.

Laurent Vandenbor : Au cours de la dernière décennie, les mesures mises en place pour remédier à l'absence d'une réponse adéquate de la voie professionnelle, tant en termes de volume que de niveau, ont permis aux marchés de préserver des savoir-faire séculaires avec un transfert « libéral » vers les entreprises. Personne ne semble prendre conscience que la fonction principale d'un sous-traitant, pour laquelle son client le rémunère, est de produire. Bien qu'il soit compréhensible que l'industrie puisse fournir des réponses ponctuelles et conjoncturelles de manière occasionnelle, il n’est pas acceptable qu'elle soit contrainte de fournir une réponse structurelle de manière durable depuis exactement 10 ans. Cette situation a un impact négatif sur sa performance plutôt que de favoriser son développement. La transition d'une couturière sur 7 recrutée via la voie scolaire à 3 sur 7 constitue un enjeu majeur de la réforme en cours de la voie professionnelle. En attendant des résultats concrets, une approche consiste à regarder comment financer le détachement du personnel retiré de la fabrication pour des activités de formation, ou à élaborer un mécanisme soutenant le statut de salarié formateur, quel que soit son âge.

Chaussure. Crédits: CSF Mode.

L’artisanat est vital pour la France et les pays actifs dans la Haute Couture, le label exigeant notamment une fabrication main et un savoir-faire. Des initiatives sont d’ailleurs prises afin que ces savoirs soient transmis aux nouvelles générations avant que ceux qui les détiennent ne partent à la retraite. Qu’est-ce qui est mis, ou doit-être mis en place pour maintenir la compétitivité de la France, leader mondial du luxe ? Quels sont les objectifs en termes de formations et d’emplois ? Quels sont les chiffres ?

Sylvie Chailloux : Il faut sur ce sujet un vrai partenariat si on veut maintenir les savoir-faire et les compétences. Les maisons de couture ont pris la dimension du problème, elles investissent énormément, elles se donnent et en ont les moyens (Hermès, 19M pour Chanel ; la Maison d’excellence LVMH…). Cela est plus compliqué pour les PME chez qui elles sous-traitent et qui ne sont pas suffisamment accompagnées pour la partie formation. Le problème est la sous dotation du fonds de formation dédié aux PME-PMI depuis la réforme des OPCOs. Il est difficile pour une PME d’assurer les coûts de formation tout en augmentant les salaires, il faut trouver des solutions pour qu’elles aient plus de moyens et puissent avoir des niveaux de rémunérations plus en phase avec les qualifications attendues dans le secteur du Luxe.

Laurent Vandenbor: les marchés de fabrication ont changé. Les drivers de fabrication en France sont le luxe et les marques nationales. Le sujet de la reconnaissance des qualifications des métiers me paraît plus prégnant que celui de l’attractivité. Les couturières du « prêt à mettre » « ou prêt à porter » se sont transformées depuis 1980 en couturières des collections des grandes Maisons réalisant parfois même à la main, des premiers modèles, des pièces de défilés, des séries exclusives. Leur quotidien s’est profondément transformé. Peut-être faut-il réfléchir à comment rétablir la fierté d’être couturière d’excellence, maroquinier d’exception en travaillant sur une reconnaissance distinctive et spécifique pour certains métiers dans l’esprit du classement en métiers d’art, ou d’une reconnaissance professionnelle dans l’esprit des meilleurs ouvriers de France et en y allouant les moyens d’une amélioration de conduite et perspectives de carrières qui existent bien, mais ne sont pas toujours très lisibles.

Laurent Baup : une étude est en cours sur le sujet des métiers d’art dans l’industrie avec l’OPCO et nous sommes dans l’attente des résultats pour pouvoir arrêter un plan d’action.

Pouvons-nous déjà constater les retombées de la valorisation des formations professionnelles et des actions entreprises par des initiatives telles que Savoir Faire, l’IFM, ou De(ux)mains du luxe du Comité Colbert ?

Laurent Baup : Nous constatons il est vrai un bel élan autour de nos métiers. A titre d’exemple, la campagne « Savoir pour faire » a aujourd’hui près de 30 000 abonnés sur les différentes plateformes et réseaux sociaux et la dernière édition des « De(ux)mains du luxe » a été à nouveau un vif succès. L’engouement est là…mais il est difficile de parler de transformation satisfaisante alors que tant de postes sont encore à pourvoir dans la filière. C’est un travail de longue, très longue haleine mais qui sera d’autant plus efficace que nous communiquerons avec une volonté de synergie plutôt que chacun isolément. En cela, le CSF a été un catalyseur important.

Sylvie Chailloux : la campagne « Savoir pour Faire » est un vrai relai d’information, notamment pour l’orientation. L’IFM offre des cursus diversifiés de la création à la fabrication et réfléchit à étendre son offre. Si régionalement des solutions peuvent être construites sur les métiers de production, nationalement nous avons besoin d’une grande École de Mode pour construire des programmes en adéquation avec les besoins de toute la chaîne de valeur de la filière française. Que les De(ux)mains du luxe se déploie en province et notamment à Cholet et à Lyon est une très belle perspective de soutien par les Maisons de Luxe envers l’industrie Régionale.

Laurent Vandenbor : Nous avions organisé avec Xavier Royer, le nouveau vice-président de Certif Pro, la tête de réseau des agences Transitions Pro, un premier observatoire des métiers et compétences depuis 2005, mettant à disposition des fiches métiers, une cartographie nationale des formations et des ressources d’information. La campagne « savoir pour faire » a contribué à moderniser le discours, à amplifier l’influence en donnant la parole aux acteurs, aux jeunes, aux formateurs, aux opérateurs au regard de la « grande industrie » et de ses moyens, cette campagne contribue à affirmer les valeurs de ces métiers dans une époque qui recherche du sens.

Je considère que nous disposons enfin d’un porte-voix efficace nous mettant « presque » au même niveau de message que la grande industrie. De plus cette initiative, aujourd’hui « mature », permet de rejoindre avec un bon outillage des campagnes nationales comme « avec l’industrie » ou les « World Skill »et plus largement tous les forums territoriaux. Traiter les zones rurales comme le sont les grands ensembles urbains en matière d’organisation de solutions d’offres et de moyens financiers est un enjeu majeur si l’on veut garantir des tours de main uniques et attachés à des savoirs distinctifs par territoire. Pour éviter un décrochage entre de grosses villes ou la majorité des moyens et d’évènements sont concentrés il faut réinterroger les clusters de compétences des principaux territoires identifiés comme critiques quel que soit la taille de besoin.

Lorsqu'on aborde le sujet de la formation professionnelle, l'attention se porte fréquemment sur les formations techniques et l'artisanat. Cependant, ce terme englobe également les formations continues et celles destinées aux cadres-dirigeants. De plus, la création d'une marque de mode ne se fait plus aujourd'hui de la même manière qu'il y a cinq ans. Dans quelle direction évoluent vos initiatives ?

Textiles. Crédits: CSF Mode.

Laurent Baup : Il est vrai que l’on met souvent l’accent sur ce qui fait nos spécificités, nos produits, nos techniques patrimoniales…mais nos maisons ont tout autant besoin d’attirer les talents dans les fonctions supports, les RH, le marketing, la vente…C’est bien l’ensemble de l’entreprise qui est concerné. L’offre de formation qui existe aujourd’hui est vaste et variée. Nous avons toutefois identifié dans le cadre du CSF un chantier important sur le développement de formations spécifiques en matière de nouvelles technologies propres à nos métiers et sur la formation à la transition écologique. Si nos entreprises se sont pleinement emparées du sujet, il reste à consolider l’offre de formation en la matière qui reste éparse. Une étude est actuellement en cours pour identifier les leviers d’action et voir si un travail collégial peut, là aussi, être réalisé. Il ne s’agit pas de former tout le monde de la même manière, mais il faut que chaque entreprise puisse trouver des organismes formant à ses besoins réels et non supposés. Là encore la définition de référentiels en lien avec les branches sera un élément clé.

Sylvie Chailloux : il y a une lacune évidente en matière de compétences face aux évolutions réglementaires, aux marchés et aux aspects managériaux : les nouveaux métiers RH, RSE, Data scientist … sont transverses à l’ensemble de l’industrie et donc aux Filières du CSF Mode et Luxe. Il est important de travailler ensemble pour apporter des réponses d’avenir à nos jeunes et à nos entreprises.

La vaisselle design. Crédits: CSF Mode

Laurent Vandenbor : La dernière réforme de formation professionnelle de 2019 a eu pour effet de supprimer les moyens et le plan de formation des entreprises. Son impact est majeur pour les PME dès 50 salariés. A l’échelle d’une ETI, que celle-ci confie ses fonds à un OPCA**** ou que l’on gère en propre avec ses moyens humains et financiers fait peu de différence. Mais à l’échelle d’une TPE PME, lui supprimer tous ses moyens formation et surtout imaginer que le compte personnel de formation allait « naturellement » prendre le relais, n’est pas observé 5 ans après, malgré les prélèvements maintenus. Les contraintes de certification sont très lourdes pour les petites branches, et sont un sésame verrouillant l’accès à la plupart des financements.

Je me demande comment nos PME, en plus de devoir recruter et former leurs nouveaux collaborateurs pourraient en plus de cela impulser et financer l’ensemble des transitions sociétales de la même manière que les transitions réglementaires annoncées. Il serait important de considérer qu’avec un volume d’embauche de 10% de ses effectifs, le besoin d’accompagnement continu de formation ou de formation continue devrait être réinterrogé d’un point de vue financier, quand on sait que l’industrie française serait composée de 90% de TPE PME. Une étude prospective des besoins par branche a été co-réalisée entre les branches et l’OPCO2I. Elle propose différents scénarios et un état des besoins de nouvelles compétences qu’il convient plus de regarder pour chaque salarié que toujours trop se focaliser sur l’exclusivité des nouveaux métiers entiers. Toutes les ruptures à intégrer concernent tous les salariés. Alors comment faire, sans l’accompagnement par le plan de formation, puisqu’il n’existe plus, ni les moyens associés ?

* L’OPCO 2i est un opérateur de compétences interindustriel prenant notamment en charge le secteur de la métallurgie, de la chimie et de la plasturgie.

** CQP : Certificat de Qualification Professionnelle

*** CFA : Centre de Formation d'Apprentis

**** OPCA : Organisme Paritaire Collecteur Agréé

Peaux d'animaux. Crédits: CSF Mode.
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