Mode post-crise sanitaire : les nouvelles pistes des marques vues par Peclers
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La mode est une matière hautement sociétale. Reflet de nos modes de vie mais aussi source de questionnement sur le monde. Aujourd’hui plus que jamais, les designers, chefs de produits, responsables de collections sont « challengés » à la hauteur des mutations qui traversent nos sociétés. Crise sanitaire, écologique, mouvement sociaux, évolutions des habitudes et des désirs des consommateurs … Yvonne de Bruyn, directrice Conseil et Mode au sein du bureau de style Peclers Paris, a identifié dans le cadre des digital talks de Première Vision les pistes à explorer, les leviers d’actions pour inventer de nouveaux modèles de marques « régénératifs » et recréer du lien avec le consommateur. Revue de détail.
L’ère du sens et de l’engagement : un pré-requis
Le mouvement est déjà bien amorcé, mais devrait s’amplifier, jusqu’à devenir l’un des principaux enjeux de conquête des marques installées. Si les jeunes marques se fondent quasi toutes aujourd’hui autour d’un « commitment », les griffes institutionnalisées vont devoir s’attacher à « gagner en fond » . Soit apporter du sens au-delà du style, du produit. Les stylistes émergents le disent tous : « à quoi bon, sinon, créer une marque de plus sur un marché déjà pléthorique ? » .
« C’est une exigence croissante de la part du consommateur, l’idée d’acheter des produits de façon anonyme est derrière nous » , notamment des catégories qui montent en puissance, soit les Millennials et leurs cadets, explique Yvonne de Bruyn, qui a benchmarké un éventail de griffes proposant de nouveaux modèles. A commencer par les catégories d’acheteurs qui montent en puissance, les Millennials et leurs cadets. Le socle de cet « engagement » selon elle, est la transparence, en tous cas l’honnêteté de la marque. L’histoire qu’elle raconte doit être authentique. Et la crise est l’occasion d’aller au-delà des thématiques déjà bien engagées autour de l’inclusivité. Pour fidéliser de nouveaux clients « les marques doivent embrasser des problématiques universelles et mettre de l’humain dans leur proposition, dans un monde en plein bouleversement, qui en manque singulièrement », souligne la directrice mode de Peclers Paris. Honnêteté, humanité, transparence peuvent se décliner à plusieurs niveaux : la marque peut choisir d’être transparente sur son sourcing, aussi « imparfait soit-il en terme de critère RSE, ou encore défendre, via ses messages, ses choix de zones de production, des sujets sociétaux. Etre active, apporter sa pierre, notamment sur le plan des stéréotypes sociétaux.
« My dollar is a vote » ou la culture du boycott
Pour une frange croissante des consommateurs, l’acte d’achat devient un geste militant. On le voit dans de nombreux secteurs, comme l’agro-alimentaire, pionnier en matière de bio, et de plus en plus dans la mode. Des problématiques similaires traversent ces secteurs, comme la pollution, l’empreinte carbone, l’achat de proximité pour favoriser les producteurs locaux. En prime, la mode est un vecteur de choix pour exprimer des prises de positions sociétales. « Le public va de plus en plus adhérer à des marques porteuses d’un engagement sincère », insiste Yvonne de Bruyn. H& M s’est ainsi engagé à rendre des arbitrages rapides sur sa chaîne de production. Dans le viseur, notamment le travail forcé des Ouïgours dans les champs de coton en Chine. Autre exemple, dans un registre différent, le label français Make my Lemonade, qui affiche son « body positivism » avec des produits déclinés en grande tailles, et célèbre la personnalité de ses clientes avec des séries limitées exclusives.
Réactiver le plaisir de porter un vêtement
Autre levier de changement pour les marques, une créativité revue et corrigée par l’émotion. Un an de pandémie et presque autant de télétravail pour la majeure partie de l’Europe vont, selon Peclers, relancer le désir de mode. « Pendant la crise, les notions de confort, de wellness » ont été primordiales, cela va perdurer mais l’idée même de style, de « beau vêtement », de création devrait reprendre de la vigueur », indique Yvonne de Bruyn. Qui cite Marcia Prada : « dans ce contexte complexe, le vêtement doit devenir simple et sans ostentation ». A l’instar, par exemple du « relax tailoring », soit un nouveau casual « cross-over » mixant pantalon façon jogging ou pyjama avec veste de tailleur. Une allure à la croisée du formel et de l’informel. Cette tendance émergente illustre le brouillage des frontières entre l’intimité du domicile et le travail auquel la crise sanitaire nous a habitués. Le tout revisité dans un registre contemporain, inspiré des coupes et matières du sport et du leisurewear. Les couleurs comme les matières (cocooning en premier lieu, comme la maille, le jersey) seront motrices de cette redécouverte du « vrai » vêtement. Tandis que la pérennité la qualité devient un élément essentiel. Achat refuge, vestiaire refuge, mots clés de demain ?
Crédit : Make My Lemonade, H&M, Prada-Facebook