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Peulh Vagabond’, quand la mode valorise l’Afrique

By Sharon Camara

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Mode |INTERVIEW

Jamais l’Afrique n’aura autant été au coeur de l’actualité. De l’art à la musique en passant par la mode, l’Afrique et ses richesses sont célébrées et valorisées à travers le monde. Tandis que certains dénoncent un phénomène éphémère et une appropriation culturelle, d’autres louent un éveil des consciences.

C’est le cas de la styliste et entrepreneure Dyenaa Diaw, créatrice de la marque Peulh Vagabond’. Entre imprimés et inspirations africaines, la marque se distingue en mettant en avant différents tissus du continent, depuis sa création en 2014. FashionUnited l’a rencontré dans son showroom situé au 48 rue Myrha à Paris. À bientôt 40 ans, la créatrice française d’origine sénégalaise porte un regard réaliste sur l’engouement actuel de la mode pour l’Afrique.

Comment est née votre passion pour la mode?

J’ai toujours été passionnée par la mode. En 1996 j’ai eu mon diplôme en stylisme-modélisme. Malheureusement à l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’opportunités dans ce secteur d’activité. J’ai dû trouver un travail alimentaire, j’ai été assistante commerciale puis chargée de clientèle dans un laboratoire pharmaceutique. Je n’étais pas épanouie dans mon travail et j’avais toujours cette passion pour la mode qui ne me quittait pas.

Quelles sont vos sources d’inspiration?

C’est Yves Saint Laurent qui m’a vraiment donné envie de faire de la mode. Je pense que je l’ai aimé parce qu’il a été l’un des premiers à faire défiler la femme noire. Il avait ce rapport à l’Afrique… Quand on regarde son parcours, on voit qu’il s’est beaucoup inspiré du continent. D’autres créateurs l’ont fait aussi mais ils l’assumaient moins et ne rendaient pas hommage à cette source d’inspiration. Aujourd’hui beaucoup de créateurs s’inspirent de l'Afrique et rendent un hommage honnête et précis. Mes inspirations sont africaines, c’est l’Afrique qui est en moi depuis toujours.

Quel est votre rapport avec l’Afrique ?

Je suis très proche de l’Afrique j’ai la moitié de ma famille qui vit au Sénégal. Moi je suis née en France mais j’y vais régulièrement. Actuellement mes tenues sont fabriquées en France mais la plupart des tissus viennent du continent. À long terme, je prévois d’y ouvrir des boutiques également. Pour ma dernière collection, j’ai travaillé avec une coopérative de tisseuses du Burkina Faso.

“Aujourd’hui notre africanité est réellement mise en valeur, je pense qu’il y a un éveil des consciences et nous réalisons que notre culture peut être une grande source d’inspiration”

Que pensez-vous de l’engouement actuel de la mode internationale pour l’Afrique?

Il faut surtout s’interroger sur l’origine de cet engouement ! Il vient de nous, jeunes créateurs, jeunes africains. Notre génération n’a jamais été aussi fière d’être africaine. Lorsque j’étais plus jeune, il était impossible de sortir avec une coiffure ou une tenue africaine sans que l’on nous fasse des remarques et qu’on subisse des moqueries. Je le vivais à chaque fois que je revenais des vacances au Sénégal… C’est une culture que nous n’assumions pas et que nous gardions pour les évènements de familles, les baptêmes ou les mariages. Aujourd’hui notre africanité est réellement mise en valeur, je pense qu’il y a un éveil des consciences et nous réalisons que notre culture peut être une grande source d’inspiration. Sur la rue Myrha (où se trouve le showroom, NDLR), nous sommes déjà trois marques aux inspirations africaines. Il y a Maison Château Rouge, Sawa Shoes et moi avec Peulh Vagabond’. Notre clientèle est pourtant très variée, le 18ème arrondissement est un quartier cosmopolite. Je reçois beaucoup de touristes, surtout des américains grâce aux locations Airbnb mais il y aussi beaucoup de parisiens.

Quel a été le déclic pour vous lancer dans la création de votre marque?

J’aidais un ami photographe sur des shootings. Je choisissais les tenues qui étaient prêtées par d’autres créateurs et j’avais tendance à toujours retoucher les pièces. Mon ami m’a alors suggéré de lancer ma marque et c’est ainsi que j’ai commencé. D’abord en créant des pièces chez moi. Un jour, j’ai réuni les femmes de mon entourage pour les présenter, elles ont aimé et m’ont encouragé mais j’avais besoin d’un avis neutre. J’ai présenté les mêmes créations sur Facebook, j’ai vu un réel engouement de personnes que je ne connaissais pas. J’ai commencé à faire des modèles à la demande pour les clientes. Au départ je n’avais pas de local commercial donc les remises de colis se faisaient dans différents endroits à Paris, ce n’était pas évident.

Pourquoi “Peulh Vagabond’”?

L’idée de “Peulh Vagabond’” est née lors d’un voyage. J'étais avec une amie, c’était une année où nous avions énormément voyagé. Nous sommes allés au Mexique, en Tanzanie, en Jamaïque, en Haïti. Lors de notre voyage en Tanzanie, nous étions sur une plage lorsque mon ami a fait un constat : nous vivions comme des vagabondes à voyager sans cesse et là j’ai eu le déclic. Nous étions des “Vagabondes”, mais surtout des “Peulh Vagabond’” car nous étions toutes les deux Peuls (peuple d’Afrique de l’Ouest, NDLR).

J’ai rencontré par hasard la maire de Paris, madame Anne Hidalgo. Je lui ai parlé de la situation des jeunes créateurs et artistes qui ont grandi dans le 18eme mais qui ne reçoivent aucun appui pour développer leurs activités.

Quelles ont été les différentes étapes de votre parcours d’entrepreneure?

Je trouvais que les remises en main propre dans des coins de rues n’étaient pas en adéquation avec l’image chic que je voulais pour ma marque. Sur les recommandations d’un couturier avec qui je collaborais, j’ai rejoint l’association des Gouttes d’Or de la Mode et du Design qui regroupait tous les artisans du 18eme arrondissement, tous secteurs confondus. J’ai rencontré par hasard la maire de Paris, madame Anne Hidalgo. Je lui ai parlé de la situation des jeunes créateurs et artistes qui ont grandi dans le 18eme mais qui ne reçoivent aucun appui pour développer leurs activités. J’ai pu rencontrer le maire du 18ème arrondissement pour parler de mon projet. J’ai aussi été mise en contact avec France Active, qui finance les jeunes entrepreneurs et j’ai pu présenter mon projet devant un jury composé d’hommes d’affaires, de banquiers, etc… J’ai réussi à les convaincre grâce aux différentes collaborations que j’avais déjà faites notamment avec les organisateurs de la Fashion Week de New York. À la suite de cela, j’ai pu bénéficier d’une aide de 15000 euros et j’ai pu ouvrir mon showroom.

Quel est votre rapport avec la vente en ligne ?

Aujourd’hui, le commerce en ligne représente 60 pour cent de mon activité. J’ai rejoint la plateforme Afrikrea et j’arrive maintenant à toucher plus de personnes. Ma clientèle est très variée et vient du monde entier. En ce qui concerne le retail, en plus du showroom, je travaille actuellement sur des partenariats avec plusieurs enseignes pour que ma marque y soit distribuée.

Photo : Peulh Vagabond
Gouttes d’or
Paris
Peulh Vagabond’