Une envie de positif et une réflexion sur l’état du monde : les tendances denim pour AH24/25

Lors du salon dédié au denim KingPins, qui s’est tenu les 12 et 13 avril derniers, Amy Leverton, spécialiste de la prospective et auteur du livre Denim Dudes, a présenté les tendances denim pour la saison automne-hiver 2024/2025.

Amy Leverton a organisé les tendances en quatre grands chapitres : Avant Y2K, Recession Core, Synthetic et Underground. Les trois premiers sont synonymes de positivité, un état recherché par tous comme l’explique Leverton. Le dernier, plus pessimiste, explore le rejet de notre mode de vie actuel.

Avant Y2K

La partie Avant Y2K s’intéresse à la Gen-z, la génération d’adolescents et de jeunes adultes âgés de 12 à 26 ans. Le style Y2K, propre aux années 2000, est un mélange d’éléments issus de la pop culture et de pièces aux accents techno, un mix de détails futuristes et d’inspirations plus rétro. Ses caractéristiques ? Les tee-shirts graphiques aux messages aguicheurs, le total look denim, les paillettes à gogo ou encore les jeans taille basse. La génération Z redéfinit les codes de cette esthétique Y2K et se les réapproprie, mêlant les styles d’époques différentes et n’hésitant pas à intégrer des éléments plus personnels à ses vêtements.

Amy Leverton avait déjà mentionné cette approche lors du séminaire sur les tendances printemps-été 2024 (qui a eu lieu à l’occasion de l’édition 2022 du salon KingPins à Amsterdam). L’experte parlait alors des procédés ingénieux pour modifier le rendu des vêtements en denim : jean porté à l’envers, découpé en morceaux ou recouvert de peinture et de strass. Amy Leverton constate que la tendance continue de gagner du terrain.

Les jeans déchirés, que l’on pensait passés de mode, reviennent sur le devant de la scène. Ces modèles ont été largement aperçus sur les défilés automne-hiver 2023 et laissent présager un regain d'intérêt des consommateurs pour ces derniers. Certaines marques dévoilent ainsi des pantalons en lambeaux, dont la majorité du tissu à l’avant a été manipulé. Chez Coperni, les jeans ne sont déchirés qu’au niveau des genoux. La marque française se la joue plus subtile, décidant de ne laisser apparaître qu’une partie du corps.

D’autres marques se tournent vers d’autres supports, délaissant le jean pour des robes complétement destroy. Diesel s’est emparé de cette tendance et l’a déclinée à sa manière. Outre les vestes effilochées et les manteaux en denim, Glenn Martens a intégré des éléments de transparence pour combler les grands vides, laissés par les découpes, présents dans les robes, pantalons ou encore vestes.

Les jeans peuvent se customiser, se transformer et changer d’usage. Courrège a présenté, lors de sa collection automne-hiver 2023, une paire de pantalons en denim foncé qui peuvent être déboutonnés des chevilles jusqu'à l'intérieur de la cuisse. Ces boutons permettent aux consommateurs de choisir la manière dont ils souhaitent porter les vêtements (et la quantité de peau qu’ils veulent montrer).

Federico Cina propose plusieurs modèles ajustables. Ses pantalons peuvent être raccourcis ou rallongés à l'aide de boutons, ainsi que d'une longue robe à bretelles. Cette pièce est aussi susceptible d’être modifiée, à l’aide de boutons permettant à la robe de devenir un haut qui s’arrête au niveau du genou.

Mowalola utilise, quant à elle, des bretelles réglables pour l’une de ses jupes en jean rappelant celles habituellement utilisées pour les pantalons amples. Les ajustements déterminent jusqu’où descend la jupe, exposant ainsi une partie entre les jambes et la taille.

Recession Core

À travers un angle anticapitaliste, le second chapitre montre la manière dont les consommateurs repensent leurs achats dans un contexte de crise et d’inflation économique. Leverton explique que l’attitude du consommateur actuel découle de celle observée à la suite de la crise des subprimes de 2008. Elle est toutefois plus brutale et fougueuse, une caractéristique de la génération Z. Dans cette tendance, la Gen-z adopte une attitude plus détendue et attentive. Elle s’interroge sur les attentes sociales et la pression du bon « statut ». Les jeunes adultes se rendent compte qu’ils peuvent vivre sans les « Ugg Booth Minis » et la « Charlotte Tilbury Contour Want ».

Cet état d’esprit se traduit dans le denim par des tenues particulièrement confortables avec un accent mis sur les coupes. Le pantalon parachute revient à la mode, la polaire séduit, l’attention est portée sur les détails doux et les délavages légers. « Une tendance "pillow-soft" qui nous oblige presque à nous lover dans un cocon », remarque Leverton.

Synthetic

Synthetic est, contrairement au chapitre Recession core, franc, plein d'énergie et axé sur l'expression de soi. Cette tendance se manifeste grâce à l’intelligence artificielle (IA) . Ces dernières années, les individus se tournent de plus en plus vers cet outil capable de créer de nouvelles formes de créativité.

Qu’est-ce-que l’IA ?

L’intelligence artificielle est la combinaison de l’information, de données et du machine learning. Elle développe des algorithmes capables de créer des systèmes de prédiction ou d’analyse à partir des données saisies. Les machines impliquées dans cette technologie imitent l’esprit humain. Elles peuvent constamment se perfectionner au contact de nouvelles données.

Dans les domaines de l'art et du design, l'IA a été pensée pour générer un flux constant d’images. Il arrive toutefois que celles-ci se soldent par des échecs. L’utilisateur peut avoir recours à l’intelligence artificielle en passant par différentes plateformes spécifiques. Il est alors invité à délivrer un message qui, selon ses attentes, peut être générique ou très spécifique. Les machines se saisissent des informations communiquées et apprennent à les traiter. Elles vont progressivement produire des images qui tendent à se rapprocher du résultat désiré. La moindre modification peut transformer totalement l’image. Plus les informations sont précises, plus le produit final est détaillé.

De nombreux domaines créatifs dont la musique, l’art et la mode sont désormais concernés par l’intelligence artificielle. Actuellement, des experts cherchent à savoir si l’IA peut être créative sans que l’homme n’intervienne. Pour répondre à cette question, ils s’intéressent à la communication entre l’humain et les machines.

En plein développement, l’intelligence artificielle fait également son apparition dans le monde de la mode. De nombreuses marques sont adeptes de moments immersifs, promesses de viralité. Pour leurs défilés, elles n’hésitent alors pas à se tourner vers ces nouvelles technologies afin d'offrir aux consommateurs une expérience interactive qui les initie à de « nouveaux mondes ». Cette tendance regorge d'influences japonaises dont le street style Harajuku, l'esthétique Kawaii, les combinaisons ludiques et le pop punk. Elle se traduit également par des vêtements aux couleurs vives (parfois fluo), des produits avec des imprimés virtuels et des tenues aux rendus très brillants.

Les pièces en denim affichent également cette tendance, à travers des détails ludiques comme des jeux d’effets au niveau des coutures et des découpes originales.

Underground

La quatrième partie est moins joyeuse et explore le rejet de notre mode de vie actuel. Leverton illustre ses propos en s’appuyant sur « The Last of Us », une série qui se déroule dans un monde post-apocalyptique dans laquelle un champignon prend le contrôle des êtres humains.

Cette tendance ne laisse aucune place au strass et au glamour. Elle dévoile à l’inverse les abus sociaux et environnementaux auxquels nous devons faire face et que les individus semblent parfois oublier. Elle formule ainsi une riposte à ceux qui ont commencé à introduire la tendance des « matcha lattes » et du « dyson airwrap ». « Ici, nous ouvrons la voie à l'amélioration de soi », déclare Leverton.

La palette de couleurs est naturelle et plus sombre, composée de vert mousse, jurassic gold et de gris orageux. L’underground s'exprime à travers des vêtements épais et des superpositions ; des tenues qui montrent que les individus sont prêts à affronter le mauvais temps ou à survivre à une guerre.

Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.nl. Il a été traduit et édité en français par Aéris Fontaine.

L’article a aussi été réalisé en collaboration avec Ole Spötter.