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Uniwax : après une collaboration avec Dior, l’entreprise poursuit ses ambitions internationales

By Sharon Camara

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Mode|INTERVIEW

Depuis un demi-siècle, Uniwax s’est imposée comme l’un des principaux fabricants du célèbre pagne wax. En Afrique de l’ouest, et plus particulièrement en Côte d’Ivoire, la marque figure parmi les leaders. En avril 2019, Uniwax a fait son entrée dans l’univers de la mode de luxe en collaborant avec Dior. À l’occasion de son défilé Croisière 2020 à Marrakech, la célèbre maison a présenté une collection de prêt-à-porter en tissu wax, dont les dessins ont été réalisés et les tissus fabriqués par Uniwax dans son usine en Côte d’Ivoire.

Pour en savoir plus, FashionUnited a interviewé Jean-Louis Menudier, le PDG d’Uniwax, lors d’une rencontre au siège de l’entreprise à Yopougon, une commune d’Abidjan en Côte d’Ivoire.

Photo : Jean-Louis Menudier, PDG d’Uniwax; Uniwax.

Quand et comment avez-vous été contacté par Dior ?

La mise en relation s’est faite grâce à l’anthropologue, Anne Grosfilley, qui a publié un ouvrage de qualité sur l’histoire du wax en Afrique. Nous la connaissons bien puisqu’elle a effectué un séjour chez Uniwax à la fin des années 90. Elle a aussi vécu longtemps au Togo où elle a continué à écrire ce livre sur le wax (Wax & Co : anthologie des tissus imprimés d'Afrique, NDLR) et c’est donc le point de départ de cette histoire.

Maria Grazia Chiuri, la directrice artistique de Dior, s’est intéressée à l’ouvrage et elle a eu envie d’inclure du wax dans ses créations. Anne Grosfilley lui a donc dit qu’Uniwax serait le meilleur endroit où il serait possible de fabriquer du wax de qualité, d’abord parce que nous respectons le processus de fabrication traditionnel du wax, ensuite parce que nous utilisons en partie du coton africain, transformé en Afrique. De plus, nous sommes une entreprise très flexible, donc nous pourrions répondre rapidement et facilement à une demande particulière comme celle de Dior.

Comment s’est déroulée la collaboration ?

L’équipe Dior nous a contactés afin d’organiser une rencontre. Ils sont venus ici en février 2019 et la collection a été présentée fin avril. Les choses sont allées très vite, nous avons créé 42 dessins en suivant leur brief et leurs directives bien précises. Nous avons notamment travaillé sur des cartes de Tarot et des toiles de Jouy qui sont la propriété de la maison Dior. Nous les avons revisités pour en faire des pagnes de type wax. Ce fut une belle collaboration, une belle entente entre l’Europe et l’Afrique. Cela donne une bonne image à la mode, voir une collaboration entre une grande maison de couture, qui est l’une des plus grandes créatrices de tendance, et Uniwax qui rayonne sur l’Afrique de l’Ouest et un peu sur l’Afrique centrale, mais qui n’est pas encore très connue à l’échelle mondiale.

Allez-vous poursuivre cette collaboration avec Dior ?

L’avenir nous le dira. Nous avons déjà fait une autre opération avec Dior depuis cette première collaboration. Nous avons créé un pagne personnalisé pour habiller un célèbre artiste italien à l’occasion de sa tournée estivale de concerts.

Avez-vous eu d’autres collaborations d’une telle envergure ?

Nous avons eu d’autres collaborations avec des marques internationales, mais pas d’une telle envergure. Nous avons notamment collaboré avec Eastpak sur deux collections de sacs à dos.

Comment Uniwax réagit face à la concurrence et à la contrefaçon ?

Pour faire face à l’arrivée massive de copies qui viennent principalement de Chine, nous agissons de manière très simple. Nous avons développé une stratégie mise en place depuis quelques temps qui consiste à créer plus vite que le copieur ne copie ! Nous agissons aussi sur la communication en nous adressant directement à notre cible. Nous présentons régulièrement des collections inédites, nous avons un magazine de mode pour supporter ces nouveautés, etc... Notre communication privilégie la nouveauté plutôt que le côté classique et cela fonctionne bien. La preuve, ces cinq dernières années, la demande était plus forte que l’offre.

Cette forte demande s’explique aussi par le fait que le wax a été très médiatisé ces dernières années. Est-ce que vous le ressentez à travers votre clientèle ?

Évidemment puisque nous participons à cette médiatisation à travers nos magazines de mode notamment. À un moment, nous avons ciblé la jeunesse dans notre communication, de manière à les sensibiliser à la nouveauté faite en Afrique. Nous avons voulu montrer que le wax pouvait être porté au quotidien et par des jeunes. Jusque-là, les grands créateurs ne prenaient que des mannequins filiformes et professionnels pour leurs défilés, pour faire des photos, etc... Nous avons fait le choix de photographier des personnes lambdas, des hommes, des femmes de tous les jours. Nous avons commencé cette démarche en 2008 et au fil des années, nous avons vu les premiers jeunes sortir, même en boîte de nuit, avec des tenues en wax. La tendance s’est ensuite intensifiée et je pense que nous y avons contribué.

Pensez-vous qu’il s’agit d’un effet de mode ?

Non, cela va durer car l’image et les valeurs autour de la tendance ne font que se renforcer. Nous allons de plus en plus vers des pagnes entièrement fabriqués chez nous, avec du coton africain, bientôt totalement filé et tissé en Afrique. Aujourd’hui, nous le faisons à 35 pour cent et d’ici deux ou trois ans, nous envisageons d’atteindre les cent pour cent. Je pense que toutes ces valeurs qui entourent la marque vont contribuer à renforcer cette image auprès des consommateurs.

Quelles sont les autres actions d’Uniwax en ce qui concerne l’éco-responsabilité?

Nous avons commencé avec l’installation d’une chaudière à biomasse, pour produire notre vapeur qui est l'énergie principale utilisée dans le processus industriel. Nous n’utilisons pas de fioul, peu de gaz, etc. mais principalement de la biomasse et nous sommes des pionniers en la matière. La deuxième phase de notre engagement consistera à recycler 95 pour cent de l’eau utilisée dans nos processus et les cinq pour cent restants seront totalement neutralisés. Enfin, nous envisageons d’équiper en panneaux solaires toutes les toitures de l’usine Uniwax afin de produire notre énergie électrique de jour. Nous sommes complètement dans une démarche écologique et éco-responsable.

Photo :Siège Uniwax; FashionUnited.

Vous avez récemment lancé votre site de vente en ligne, comment évolue-t-il?

Nous l’avons lancé en mars 2019 et nous sommes vraiment au début de l’aventure. Nous n’avons pas voulu prendre de risque en lançant le site à l’international et même au niveau de la sous-région. Nous nous sommes concentrés sur Abidjan uniquement. Bien sûr, le site est disponible en Français et en Anglais mais en termes de possibilités de livraison, il n’est disponible que sur Abidjan et la livraison se fait en point retrait dans nos boutiques. Pour l’heure, le pagne à la demande est le seul produit disponible à la vente sur notre site. Les clients choisissent parmi une collection de dessins, ils choisissent les couleurs et ils peuvent personnaliser davantage leur commande en y ajoutant jusqu’à cinq photos différentes en haute définition. Le pagne, qui fait au minimum un mètre quatre-vingts, est disponible cinq jours après la commande dans l’une des boutiques Woodin d’Abidjan.

Nous avons eu notre phase de test pendant dix mois et nous voulons faire évoluer l’offre très rapidement. Nous sommes en train de finaliser l’extension du site pour qu’il soit disponible à l’international avec des livraisons mondiales par DHL et via le réseau de la Poste à l’intérieur de la Côte d’Ivoire. Il faut retenir qu’en Afrique, il est extrêmement difficile de faire des livraisons à domicile comme cela se fait en Europe. Nous voyons des start-ups qui tentent de se lancer sur ce marché mais pour le moment, je n’ai pas le sentiment que cela fonctionne très bien. Le jour où cette offre sera opérationnelle, nous allons forcément y adhérer.

Quels sont les chiffres du commerce en ligne actuellement ?

Le chiffre d’affaires reste confidentiel pour l’instant, il n’est pas encore très élevé. Nous allons étendre très rapidement les ventes de pagne à la demande et y ajouter d’autres produits. Nous devons aussi travailler sur l’offre des moyens de paiement, afin d’améliorer l’offre.

Capture d’écran site Uniwax.

Le wax a récemment été victime de vives critiques sur les réseaux sociaux. Des internautes lui reprochent de ne pas être africain. Comment réagissez-vous face à ces attaques ?

J’ai vu ces nombreuses attaques... S’il faut définir le wax aujourd’hui, je pense qu’il faut d’abord retenir qu’il est d’origine indonésienne, le batik, et n’a jamais prétendu être d’origine Africaine. C’est un produit fait à la main et cela se fait encore de la même manière en Indonésie de nos jours. La première société à avoir industrialisé sa fabrication est Vlisco aux Pays Bas. Aujourd’hui encore, la marque reste productrice du wax de la plus haute qualité.

Lorsque je lis les commentaires, surtout ceux qui attaquent les européens et en particulier les hollandais, je trouve cela ridicule. Pour parler du wax, il faut aussi s'intéresser à l’aspect commercial. Il est en effet important de garder à l’esprit que le wax a, depuis le tout début, été consommé par les africains. Il est ensuite devenu un produit commercialisé par des femmes africaines sur le continent et aujourd’hui, après avoir complètement épousé l’Afrique, il est en train de devenir un produit mondial bien qu’étant originaire d’Indonésie.

Par ailleurs, il faut noter que le wax hollandais ne représente même pas un pour cent du marché de l’African Print. Le marché en Afrique est dominé aujourd’hui par le géant industriel chinois qui pèse plus de 90 pour cent de la production des imprimés africains.

Donc les détracteurs du wax s’attaquent à la mauvaise industrie ?

J’ai lu les commentaires sur ce sujet et je ne comprends pas très bien où ils veulent en venir en faisant cela. Je ne vois pas en quoi le wax dérange la production de bogolans, de pagnes tissés, etc. Tout le monde a sa place sur le marché et c’est aux créateurs de faire la promotion des produits qu’ils aiment travailler, qu’ils ont plaisir à transformer pour en faire des vêtements ou de la décoration etc.

Quels sont vos objectifs pour cette année 2020 ?

Nous allons essayer d’être encore plus en phase avec la demande et les attentes des consommateurs. Nous allons continuer à investir pour augmenter notre capacité de production et améliorer la qualité de nos produits par la mise en place des toutes dernières technologies. Nous voulons également diversifier notre offre de produits et de marchés et développer le e-commerce. Voici nos priorités stratégiques pour 2020.

Comment êtes-vous arrivé à Uniwax ?

Avant d’être ivoirien d’adoption, je suis français d’origine. Je suis né dans les Vosges et après des études de textile qui se sont bien déroulées à Epinal dans ma région d’origine, j’ai été conseiller technique textile au Yémen pendant un an et demi. Ensuite, j’ai obtenu un contrat privé au Yémen pour préparer l’installation d’une usine de sous-vêtements. Je suis rentré deux ans en France où j’ai travaillé comme directeur technique pour une petite entreprise en Alsace, puis professeur principal d’une école textile dans la région Lyonnaise et je suis parti en Afrique en 1983, où j’ai travaillé pendant sept ans au Zaïre, puis au Sénégal pendant trois ans et enfin je suis venu à Uniwax que je dirige depuis 26 ans.

Cinq informations sur Uniwax:

  • Uniwax a été créée en 1967 et l’activité a démarré en janvier 1970. En 2020, l’entreprise célèbre ses 50 ans d’activité,
  • Uniwax a été fondée par Vlisco et Unilever, qui possédaient respectivement 15 et 85 pour cent du capital,
  • Uniwax est le partenaire de référence du concours Miss Côte d’Ivoire depuis la fin des années 90,
  • l’entreprise est cotée en bourse, à la BRVM d’Abidjan,
  • en 2018, Uniwax a réalisé un chiffre d’affaires de 40 milliards de francs CFA soit plus de 61 millions d’euros.

Cinq informations sur Vlisco:

  • Vlisco a été créée en 1846. L’entreprise a célébré ses 170 ans en 2016,
  • depuis sa création, le siège et l’usine Vlisco sont situés à Helmond, au Pays-Bas,
  • l’entreprise est à l’origine des marques Vlisco, Woodin, Uniwax et GTP,
  • 95 pour cent de la clientèle de Vlisco se trouve sur le continent africain et principalement en Afrique de l’ouest et centrale,
  • En 2010, Vlisco a été rachetée par le capital-investisseur britannique Actis, pour 118 millions d’euros.

Photo : Facebook Uniwax

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