Affaire Salazar : le nuage du dopage plane sur Doha et Nike
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Doha - Une polémique secoue les Mondiaux d'athlétisme de Doha : la suspension du renommé entraîneur américain Alberto Salazar par les autorités antidopage jette le doute sur tous ses athlètes, présents en masse au Qatar, et sur le rôle de Nike, qui finançait son groupe.
La décision complète de l'agence américaine antidopage (Usada) révéle que le PDG du géant sportif américain, Mark Parker, était au courant des expérimentations de Salazar avec de la testostérone en gel sur ses propres fils (pas des athlètes) en 2009.
La marque à la virgule, qui pèse 10 milliards de dollars de chiffre d'affaires, a apporté son soutien à Salazar, suspendu quatre ans par l'Usada dans la nuit de lundi à mardi pour « organisation et incitation à une conduite dopante interdite ».
Dans un communiqué, Nike assure que « la décision d'aujourd'hui n'a rien à voir avec l'administration de substances interdites à un athlète du projet Oregon » et ajoute qu'elle ne tolère pas « l'utilisation de substances interdites de quelque manière que ce soit ».
A Doha, les titres de la Néerlandaise Sifan Hassan (10 000 m, samedi) et de l'Américain Donovan Brazier (800 m, mardi), sont immanquablement marqués par le soupçon. Les deux sont, comme cinq autres athlètes à Doha, entraînés par l'ex-coach du quadruple champion olympique Mo Farah, suspendu mardi par l'Usada et éjecté manu militari des Mondiaux par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), qui lui a retiré son accréditation.
Salazar, maître à penser de l'Oregon Project, un groupe d'entraînement de très haut niveau basé dans le nord-ouest des Etats-Unis et financé Nike, est accusé de trafic de testostérone, d'injection à un entraîneur d'un complément au-delà des doses autorisées (lors d'un test) et de tentative d'altération de preuves lors de l'enquête de l'Usada.
Farah « soulagé »
La déflagration est énorme dans le petit monde de l'athlétisme et particulièrement de la course d'endurance : l'Oregon Project et sa bannière sombre en forme de tête de mort surmontant des ailes blanches, a notamment façonné l'un des plus beaux palmarès de l'histoire, celui de la star britannique Mo Farah, quadruple champion olympique et sextuple champion du monde (5 000 et 10 000 m), et membre du groupe entre 2011 et 2017.
« Je suis soulagé que (l'Agence antidopage américaine), après 4 ans, ait achevé son enquête sur Alberto Salazar (...) J'ai quitté le Nike Oregon Project en 2017 mais j'ai toujours dit que je n'avais aucune tolérance envers ceux qui enfreignent les règlements où franchissent la ligne », a déclaré Farah dans un communiqué.
A Doha, les athlètes de Salazar ont déjà commencé à faire des étincelles: après Hassan et Brazier donc, on attend les entrées en lice de l'Ethiopien Yomif Kejelcha (10 000 m), de l'Allemande Konstanze Klosterhalfen (5 000 m), de l'Australienne Jessica Hull (1 500 m) et de l'Américain Craig Engels (1 500 m).
Même si aucun athlète entraîné par Salazar n'a jamais été contrôlé positif, l'affaire éclabousse déjà les prochains Mondiaux qui auront lieu en 2021 à Eugene (Oregon), dans le fief même de Nike.
« Je suis choqué par la décision d'aujourd'hui (...) cette enquête concerne une période antérieure à mon arrivée dans l'Oregon Project, donc n'a rien à voir avec moi », a de son côté assuré Sifan Hassan.
Alberto Salazar suspendu, c'est un coup de massue pour cet entraîneur de 61 ans à la réputation sulfureuse, ancien marathonien à succès (trois fois vainqueur du marathon de New York, une fois de Boston dans les années 1980), parfois qualifié de « gourou » et controversé pour sa faculté à jouer avec les limites du règlement.
« Justice. J'étais fatigué de ne pouvoir dire ce que je pense. La supercherie est terminée », a tweeté le Néo-Zélandais Nick Willis, double médaillé olympique du 1 500 m, notamment en bronze en 2016 sur une course remportée par l'Américain Matthew Centrowitz, alors membre de l'Oregon Project.
Salazar va faire appel
« Avec le Nike Oregon Project, MM. Salazar et Brown (un endocrinologue, suspendu également) ont prouvé que la victoire était plus importante pour eux que la santé des athlètes qu'ils jurent pourtant de protéger », a estimé mardi le patron de l'Usada Travis Tygart, cité dans le communiqué de l'organisation.
L'Usada assure avoir rassemblé durant son enquête « de nombreuses preuves » dont « des preuves oculaires, des témoignages, des messages électroniques et des bulletins médicaux ».
« Je suis choqué par la décision, s'est défendu Salazar dans un communiqué où il annonce qu'il va faire appel de sa suspension. Durant les six années d'enquête mes athlètes et moi avons enduré un traitement injuste, non éthique et dommageable de la part de l'Usada ».
« Je me suis toujours assuré que le Code mondial antidopage soit strictement respecté. Le Projet Oregon n'a jamais et ne permettra jamais de pratique dopante », a-t-il assuré.(AFP)