La Turquie défend sa position parmi les leaders mondiaux de la mode à l'IFCO
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Lors de l’Istanbul Fashion Connection (IFCO), salon textile qui s'est déroulé du 9 au 11 août 2023 dans la capitale turque, FashionUnited a été témoin de la place qu’occupe la Turquie dans l’industrie de la mode. Devenue un acteur clé, avec cet événement, la Turquie envoie un message fort au monde entier : elle aspire à devenir l'épicentre mondial de la mode.
L'industrie turque de la mode est parvenue à se hisser au cinquième rang des fournisseurs de l'industrie textile mondiale et à consolider sa position de deuxième pays le plus influent d'Europe, au coude à coude avec le Bangladesh, juste derrière la Chine. Comme pour marquer son territoire, l'IFCO a étendu sa surface d'exposition à 20 000 mètres carrés, dans le désormais habituel Expo Center, situé à la périphérie d'Istanbul.
Cette surface a été organisée en différents pavillons, pour accueillir plus de 400 exposants, couvrant une diversité de segments tels que la mode féminine, masculine et enfantine, le denim, le cuir, la fourrure, les vêtements de sport, les tenues de soirée et la lingerie. La diversité et l'étendue de l'offre ont d’ailleurs constitué un défi lorsqu'il s’agissait de trouver un stand à explorer, tant les tentations de s’arrêter ici ou là étaient grandes.
Plus de 30 000 visiteurs professionnels à l’Istanbul Fashion Connection
Malgré les graves tremblements de terre survenus il y a six mois, considérés comme la pire catastrophe naturelle depuis un siècle en Europe, l'IFCO résiste. L’évènement est motivé par le besoin urgent de renforcer l'économie et de réduire l'inflation élevée en Turquie. La foire visait à consolider les liens entre les producteurs turcs et les 30 000 visiteurs professionnels internationaux, incluant les acheteurs latino-américains, acteurs non négligeables de la fashion sphère.
Jusqu'à présent, les marques de mode turques étaient principalement tournées vers la Russie, l'Afrique du Nord et le monde arabe. Aujourd'hui, elles sont déterminées à conquérir un grand nombre de pays, dont les États-Unis, l'Allemagne, les Émirats arabes unis, l'Afrique du Sud, le Royaume-Uni et la Corée du Sud. Le marché espagnol ne figure pas sur la liste des cibles visées. Cela est dû à la concurrence locale, représentée par des géants comme Inditex, et les difficultés douanières qui augmentent les coûts et compliquent la distribution.
Dès le deuxième jour, cet objectif a été atteint, avec, selon les organisateurs, une augmentation de plus de 50 % de la fréquentation par rapport à la saison automne/hiver précédente.
Des créateurs entre tradition et esthétique contemporaine
Des noms tels que Alaii, Arzu Kaprol, Bist, Çiğdem Akın, Ece Erigi, Essin Baris, Emre Erdemoğlu, Ezgi Karayel, Eynaco, F. Ilik, Guaj London, Kuela, Meltem Özbek, Mert Erkan, Murat Aytulum, Mohair & Angora, Nej, Özlem Erkan, Selin Küçüköz, Shyz Wear, Tuba Ergin, Viola & Vesper et Y Plus ont participé. Tous fusionnent l'artisanat traditionnel avec une esthétique contemporaine, créant une mode qui transcende les frontières et s'impose comme culturellement significative.
Meltem Özbek a invité l’équipe de Fashionunited à visiter son showroom, au cœur d'Istanbul, pour découvrir sa collection automne hiver 2023-2024 : une proposition minimaliste, à l’élégance discrète, avec une attention particulière portée aux détails. Une approche identifiée comme l'une des tendances dominantes de la saison à venir, selon WGSN.
Une position stratégique, de la créativité et des prix compétitifs
L'industrie turque de la mode a prospéré grâce à une combinaison unique de facteurs qui lui ont conféré une position stratégique sur la scène mondiale. Située entre l'Europe et l'Asie, sa position géographique a été un élément essentiel tant pour la distribution des produits, que pour l'optimisation de sa chaîne d'approvisionnement. Elle a également renforcé la polyvalence et l'adaptabilité de l'industrie.
Les entrepreneurs du secteur ont expliqué à FashionUnited que la situation économique difficile en Turquie n'affecte pas la plupart de leurs entreprises, car elles sont avant tout exportatrices. C’est le cas de sociétés comme Rafaello ou Gelisim. Par contre, elles sont, comme tout le monde, touchées par l’inflation. Les directeurs des achats, sous la pression de la faible demande de leurs clients, font à leur tour pression sur les entreprises turques : « Ils cherchent à acheter des produits à bas prix et en petites quantités », explique Dilek Gucluer, directeur des ventes et du marketing chez Gelisim.
Des prix abordables qui ne se font pas au détriment de la planète
Les prix relativement bas ont attiré des entreprises du monde entier, qui cherchent à maximiser l'efficacité et la compétitivité, sans pour autant sacrifier la qualité des produits. Cet avantage a été un facteur décisif pour maintenir l'intérêt et l'investissement dans le secteur. Mais comment est-il possible d'obtenir des produits abordables sans compromettre les valeurs éthiques et environnementales ? Pour Dilek Gucluer, le secret réside dans le contrôle interne, affirmant que « la qualité commence par les matières premières ».
Opter pour une production locale permet non seulement de contrôler chaque étape du processus, ce qui est particulièrement important à l'ère de la traçabilité. Contrairement à certains circuits d'approvisionnement, complexes et opaques, qui s'enchevêtrent entre de multiples entreprises et parfois pays, cette proximité assure une traçabilité précise.
De plus, l’industrie turque a investi sur la transformation des matériaux en énergie renouvelable, obtenue grâce à des panneaux solaires installés en Anatolie (Asie mineure). Cette initiative permet de réduire les émissions polluantes.
Une technologie de pointe au cœur du work process
Chez Gelism, on souligne l'ampleur et la diversité des équipes, qui comptent des spécialistes dédiés au développement des tissus et à l'intégration complète de la conception 3D dans les processus de création. L'investissement constant dans les technologies de pointe a été un élément clé dans l'amélioration significative de la production mode turque.
Ozmoz, entreprise spécialisée dans la mode enfantine, présente un produit qui se démarque de l'offre du marché : des vêtements pour bébés exempts de produits chimiques. Les articles parviennent désinfectés au consommateur final, éliminant ainsi le besoin de prélavage. Ils sont livrés dans un emballage scellé répondant aux normes « alimentaires ». Les pays d'Europe du Nord, tels que la Finlande et les Pays Bas, manifestent un grand intérêt pour ces produits.
Dans l'ombre de la Chine, le facteur qualité en bandoulière
La Chine, puissance industrielle et manufacturière, s'est imposée comme leader dans la production mondiale de mode. Pour être compétitive, la Turquie devra donc capitaliser sur ses avantages distinctifs, tels que son patrimoine culturel, son artisanat, sa situation géographique et ses compétences en matière de design. Toutefois, le facteur clé restera la préservation constante de la qualité.
Lorsque nous demandons au porte-parole de l'entreprise Rafaello comment les professionnels du secteur peuvent justifier des prix plus élevés que ceux pratiqués en Chine, il nous répond que cette distinction se comprend, en fin de compte, grâce au feed-back de leur clientèle : « la qualité est évidente dès le premier lavage ».
En outre, il sera essentiel de continuer d’investir dans la technologie, l'innovation, le développement des talents et les stratégies de marketing pour se démarquer et se différencier sur un marché hautement concurrentiel.
Cet article a initialement été publié sur FashionUnited.es. Il a été traduit et édité en français par Florence Julienne.