Matter and Shape : ce que le design apporte à la mode lors de la Fashion Week Paris
13 mars 2025
Lors de la Fashion Week Paris mars 2025, le groupe WSN a déployé la deuxième édition de Matter and Shape, son salon annuel dédié au design. Qu’apporte le design au secteur de la mode et des accessoires de mode exposés au salon Première Classe ? C’est la question que FashionUnited s’est posée.
Le salon Matter and Shape s’est déployé au sens propre puisqu’il est passé d’une à deux tentes, offrant un vase communiquant avec celles du salon Premiere Classe qui, à l’inverse, avait choisi de resserrer sa sélection revenant de 320 marques, la saison passée, à 250, dont 20 % de nouveautés, pour les saisons printemps-été 2025 (les accessoires suivent la saison à venir) et automne-hiver 2025/2026.
Si la mode et le design sont des secteurs qui voisinent (la Fashion Week, la Design Week), cette configuration leur offre un point d’ancrage. Commercialement, elle permet aux acheteurs de se tourner vers d’autres produits, mais surtout, elle invite les acteurs de la mode (bijoutiers, maroquiniers, modistes, chausseurs, etc.) à témoigner plus amplement de leur savoir-faire et à mentionner leurs références artistiques. C’est sans doute dans cet échange de bons procédés que l’interaction est la plus frappante.
Le partenariat avec le salon nomade Joya Monaco, qui présentait une structure métallique démontable intégrant des bijoux (en photo d’introduction), signait cette rencontre.
Matter and Shape mars 2025 : une multitude de propositions et un mot d’ordre : « expliquer l'œuvre »
D’entrée, la multitude d’univers proposés par Matter and Shape interpelle : des créations faisant référence à des œuvres passées connues, du pur design et de l’art décoratif (le nouveau terme marketing étant « art design »). En voici quelques exemples.
La galerie Chapo Création n’est pas nouvelle – elle n’a jamais cessé d’éditer les réalisations du créartisan Pierre Chapo depuis les années soixante et c’est aujourd’hui son petit-fils qui la dirige – mais sa présence signe une tendance de marché : le « néorétro ». En l’occurrence, un travail de menuiserie-ébénisterie, avec des meubles en bois massif et l’utilisation des matières brutes inspirée par le courant brutaliste.
Autre cas de figure, celui du japonais Daisuke Yamamoto. Ce designer architecte est spécialisé dans l'aluminium profilé. Il s’inspire de la bibliothèque nuage de Charlotte Perriand, des chaises d’Enzo Mari et du fauteuil de Gerrit Rietveld pour les moderniser avec un aluminium anodisé coloré. Ici, ce n’est donc pas le modèle, mais le matériau, avec la façon dont sont traitées les nuances de couleurs, qui est important.
Le design pur ou la conception d’objets utilitaires en opposition à l’anecdotique et à la fame
Le design pur est incarné par Uu tiles. Ici, au lieu d’avoir un espace salle de bain en carreaux qui oblige à rajouter des porte-serviettes, ces derniers sont directement intégrés dans la faïence. C’est ce qu’on appelle le design industriel. Ici, le design est conçu en premier lieu pour la fonction et la forme de l’objet. Il vient du mouvement des années cinquante/soixante, appelé « forme utile » (ou « fonctionnalisme »), qui met l'accent sur la création d'objets et d'espaces qui alliaient esthétique et fonctionnalité.
22 System by India Mahdavi s’inspire du fait qu’il y a peu de systèmes électriques qui font disparaître les rallonges. Ici, les prises sont utilisées comme un élément décoratif mural. Si les tables de bureau sont déjà équipées de ce dispositif, l’assise possédant une structure pour brancher et recharger est un concept relativement nouveau. C’est raccord (avec jeu de mots) avec une nouvelle manière de vivre, entre le télétravail et les appareils nomades.
De l’art décoratif à l’art design, le design nourrit le vocabulaire d’une œuvre créative
Saridis of Athens incarne l’art décoratif. L’éditeur reprend la fabrication d’une ébénisterie classique et l’adapte dans un style néoclassique.
À l’inverse, Jeremy Maxwell Wintrebert est un artiste. Un artisan verrier qui fabrique ses propres modèles ou sur commande pour un lieu. Ainsi, le luminaire XXL, présenté à Matter and Shape, est prévu pour un espace adapté. À noter que l'artiste commence à réaliser des petites pièces qui s’adaptent plus volontiers à des volumes domestiques.
Autre cas d’art design : Shaha Raphael. Son approche, par rapport à la matière, est celle d’un sculpteur. Son côté moderne est l'utilisation de l’outil numérique pour réaliser ses œuvres.
Des exemples, il y en a pléthore à Matter and Shape. Au final, on pourrait aussi s’interroger sur ce que la mode apporte au secteur du design. « La mode n’a rien à voir avec le design. Le seul rapprochement est la fonction qui consiste à habiller les gens », répond Richard Poulet, fondateur de « Forme Utile », spécialisé dans le design du 20e siècle (luminaires et restauration de luminaires), consultant pour cet article.
Cependant, il évoque une voie possible : la création de mobilier par des stylistes, comme c’est déjà le cas pour Rick Owens, Ann Demeulemeester, Comme des Garçons, etc. Ces collaborations entre créateurs de mode et marques de meubles ou d'objets de décoration témoignent d'une tendance croissante à estomper les frontières entre la mode et le design d'intérieur. Une tendance de marché qui tend à s’affirmer et sur laquelle FashionUnited ne manquera pas de revenir.
- Le salon Matter and Shape, lors de la Fashion Week Paris 2025, a mis en lumière l'interaction entre la mode et le design, permettant aux acteurs de la mode de mettre en valeur leur savoir-faire.
- De nombreux exposants ont présenté des créations inspirées d'œuvres passées ou des designs contemporains, illustrant le néo-rétro ou le design industriel.
- L'événement a exploré la relation entre la mode et le design, soulignant la création de mobilier par des stylistes comme une tendance émergente.