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Bangladesh: indemniser les victimes?

By FashionUnited

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Dacca, au Bangladesh. Dans les décombres encore fumantes du Rana Plaza, des vêtements portant les étiquettes d'enseignes européénnes et canadiennes ont été retrouvés, prouvant ainsi le lien entre la sous traitance indigne et des

multinationales ayant pourtant signé des codes de conduites censés garantir une fabrication responsable et éthique.

Petit
rappel des faits, mercredi dernier, un immeuble de huit étages, Rana Plaza, abritant cinq ateliers de confection s'effondre comme un chateau de sable. 402 ouvriers ( dernier bilan daté de ce jour), essentiellement des femmes, meurent ce jour là pour l'industrie textile. Les images du millier de survivants cherchant les rescapés à mains nues sous les gravats font le tour du monde. Le lendemain, décrété jour de deuil national, des dizaines de milliers d'ouvriers du textile de la périphérie de Dacca quittent leurs machines pour manifester. Les survivants font alors savoir que l'immeuble s'était fissuré mardi, mais que leurs patrons les avaient forcés à venir travailler le mercredi. 149 personnes restent disparues sous les décombres. C'est l'accident le plus meurtrier à ce jour de l'histoire industrielle de ce pays défavorisé d'Asie du Sud. Ce n'était cependant pas le premier. Apres les faits, les chiffres. Pesant quelque 16 milliards d'euros, l'industrie textile du Bangladesh est la deuxième au monde à l'exportation. Le premier pays étant, vous l'avez deviné, la Chine. Le salaire mensuel de l'ouvrier tourne ici autour de 30 euros. Le secteur pèse environ 16 milliards d'euros, selon le Bureau des exportations, et emploie 3,6 millions de personnes dans le pays. Les accidents industriels ont causé plus de 1000 ouvriers dans le pays depuis 2005.

Trahies en quelque sorte par les étiquettes retrouvées sur le lieu de la catastrophe, les firmes occidentales font leur mea culpa. Plusieurs enseignes ont confirmé leurs liens avec les ateliers du Rana Plaza et lundi, deux d'entres elles se sont engagées à verser des indemnités aux victimes de l'effondrement de l'immeuble. La britannique Primark, a déclaré dans un communiqué que son équipe locale « travaille à la mise en place d'une aide immédiate et durable aux victimes du désastre». En clair, le groupe a pris contact avec une ONG locale pour dispenser des stocks alimentaires d'urgence aux familles et compte «payer des indemnités», dont le montant n'a neammoins pas été dévoilé. Le communiqué précise que les fonds seront versés aux «enfants qui ont perdu leurs parents», aux «blessés» et aux «familles des ouvriers décédés».

Loblaw, premier groupe de distribution alimentaire au Canada, a reconnu lui aussi être lié à l'accident à travers sa filiale d'habillement bon marché Joe Fresh. Un communiqué du groupe annonce un soutien financier aux victimes. Un soutien dont les contours reste à définir. L'enseigne espagnole Mango qui reconnait avoir passé des commandes pour 25.000 articles auprès des fournisseurs du Rana Plaza, précise toutefois qu'il ne s'agit que d'échantillons. Selon l'association Clean Clothes Campaign, basée à Amsterdam, les britannique Bonmarché et espagnol Corte-Inglès ont également révélé leurs liens avec ces ateliers.

"Sous traitance non officielle"
Carrefour pour sa marque Tex, C&A, Benetton ou encore Wal-Mart sont également soupçonnés. La Fédération des ouvriers du textile et de l'industrie au Bangladesh (BGIWF) a mis en cause Tex, car des militants de l'association auraient retrouvé des étiquettes. Interrogé par l'AFP, le distributeur français a assuré qu'«aucune des entreprises qui étaient en activité dans cet immeuble ne fait partie de notre liste de fournisseurs au Bangladesh». Il a néanmoins entamé une «enquête approfondie». Primark a précisé qu'il travaillait avec New Wave Bottoms, un sous-traitant établi au deuxième étage de l'immeuble qui abritait «plusieurs fournisseurs de pièces pour l'industrie du textile qui fabrique ensuite des vêtements pour un grand nombre de marques». Clean Clothes Campaign a également affirmé avoir retrouvé dans les ruines des étiquettes et des documents reliant ces fournisseurs à d'autres grands acteurs, dont Benetton. La marque italienne avait affirmé que ces ateliers ne travaillaient pas pour elle. Selon l'ONG, certains sous-traitants -comme New Wave Bottoms ou Phantom Tac- ont publié des listes de leurs clients sur leurs sites Internet, sur lesquelles les noms de C&A ou encore Wal-Mart apparaîtraient.

Wal-Mart, qui dit éplucher ses bons de commande pour retracer son circuit de fourniture.Rappellons qu'en novembre dernier, un incendie chez Tazreen Fashion, un fournisseur de Wal-Mart, avait fait 112 morts. Pour le groupe américain, ce sous-traitant avait été recruté sans son autorisation par l'un de ses fournisseurs officiels au Bangladesh. D'après des militants cités par l'AFP, le recours à une sous-traitance «non officielle» est très courant alors que les fabricants sont sous pression des distributeurs pour casser les prix et réduire les délais de livraison. Les multinationales étant parfaitement au courant de ces procédés, c'est à elle de prendre leurs responsabilités.

Edward Hertzman, courtier en textile de New York, a expliqué à Reuters en quoi les détaillants occidentaux ont une responsabilité dans ces drames. «Le Bangladesh, indique ce professionnel, est le pays qui a les plus longs délais de livraison. Pour être compétitif, il doit offrir des coûts de production extrêmement bas. C'est un cercle vicieux. Si les usines élèvent leurs salaires ou leurs coûts, elles augmentent leurs prix, et alors les acheteurs répliquent: Oh, mais pourquoi irions-nous au Bangladesh si, pour le même prix, nous pouvons aller en Chine, au Pakistan, au Cambodge»

L'enjeu pour les entreprises
Si la fabrication ethique et le dévelloppement durable sont des arguments marketing puissants avec lesquelles les enseignes peuvent attirer une clientèle sensible aux conditions de travail des ouvriers (c'est un des arguments majeurs du made in France qui au dela de sa qualité trouve aussi sa valeur en étant le miroir de conditions de fabrications conforme à la dignité humaine) cet argument marketing n'est cependant pas toujours assez puissant pour faire renoncer les marques à se passer d'une main d'oeuvre payée 30 euros par mois dans des conditions indignes. Cependant, et c'est une bonne nouvelle, l'émergence d'un marché mondial de l'investissement socialement responsable (ISR) se développe ces dernières années, c'est à dire que les critères extra-financiers sont de plus en plus pris en compte par les acteurs financiers qui investissent dans les entreprises. Concrétement, à la fin janvier 2013, le marché mondial de l'investissement responsable avait atteint 13.600 milliards de dollars (plus de 10.000 milliards d'euros), soit 21,8% des actifs sous gestion, selon l'Alliance mondiale des investisseurs responsables (GSIA). L'investissement socialement responsable en France pesait 149 milliards d'euros en 2012, en hausse de 29% par rapport à 2011. Les enseignes pourraient désormais comprendre que leur intêret passe aussi par le traitement adéquat de la question des conditions de travail de la main-d'œuvre. Car le marché est souvent plus persuasif que l'éthique.
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