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Faut-il présenter aux acheteurs avant de présenter à la presse?

By FashionUnited

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Fashion

Roland Mouret annonce aujourd’hui qu’il présentera sa collection Resort à Londres le 29 mai 2014. Les collections principales du créateur continueront d’être présentées à Paris en Octobre et Mars durant la Fashion Week Parisienne mais les pré-collection de Roland Mouret seront dorénavant présentées

dans le flagship londonien de la Maison, au 8 Carlos Place à Mayfair.



Cette nouvelle n'est pas seulement une anecdote interessante mais aussi un signal tres significatif des mesures que sont en train de mettre en place de-ci de-là les créateurs indépendants pour faire face au pillage de leur travail par les enseignes de fast-fashion. Car loin d'etre des collections secondaires, les pré-collections ou collections Resort, ou croisière (le vocabulaire change selon les maisons mais le principe est le même) sont aujourd'hui le nerf de la guerre: dans le cas de Roland Mouret, "les pré-collections comptent pour environ 70% de mon business" indique le créateur. Cette présentation sera ouverte aux acheteurs mais aussi à la presse sur invitation comme pour les lignes principales. On ne peut cependant pas s'empecher de noter que les sacro-saintes fashion week de mars et d'octobre, qui drainent tant de public, ne sont plus percues comme le terrain de jeu idéal pour faire des affaires.

"Ce sont les acheteurs qui nous font vivre"

A Hyères, lors la dernière édition du festival de mode et de la photo, Jean-Paul Lespagnard qui fut lauréat de ce prestigieux festival quelques années auparavant se prélasse quelques minutes au soleil entre deux conférences. Ses collections se vendent bien. Il est heureux de l’accueil public et professionnel qui lui est réservé depuis plusieurs saisons. Cet enthousiasme n'empêche pas le créateur de réfléchir à une façon nouvelle de présenter ses collections. " Ce qui nous fait vivre, dit-il avec une souriante lucidité, ce sont les acheteurs". Et ceux ci, de plus en plus, hésitent légitimement à acheter des pièces dont on trouvera rapidement des copies quelques jours après le défilé tandis que les originaux n'arriveront en boutiques que bien plus tard : le public les aura découvert sur internet et dans la rue bien avant.

Comment faire alors? Interdire les photos à la presse pendant la fashion week comme a essayé de le faire Tom Ford? Non seulement la démarche est difficile à l'heure de l'information instantanée mais de plus celle ci sera surement jugée snob ou élitiste ; mal perçue et sujette aux malentendus en tout cas. D'autant plus que les défilés resteront pendant longtemps encore une occasion superbe et attendue de prodiguer un vrai message au grand public. Lespagnard a son idée: "je réfléchis sérieusement au fait de pouvoir présenter mes nouvelles collections aux acheteurs en mai. J'ai le temps de produire et en octobre, lors de la fashion week parisienne, je présente mon défilé avec les pièces prêtes à être vendues. Le défilé devient alors une opération de promotion destinée au grand public qui découvre ce qu'il pourra acheter quasiment tout de suite en boutique."

Quelques décennies auparavant, Pierre Cardin s'était fait peu ou prou la même réflexion: pourquoi continuer de faire des défilés alors que les copies circuleront dès le lendemain dans le sentier (la fast fashion de l'époque). Le couturier décida alors de stopper net toutes formes de défilés. Il revenait alors à l'esprit et à la source des présentations des collections organisées par la fédération de la couture qui à l'origine interdisaient strictement toute diffusion au grand public, ne serait-ce que par le biais d'un dessin. Le résultat cependant ne fut pas tout à fait concluant pour Cardin puisque la marque sortit peu à peu des antennes radars de la mode. Mais il est vrai que le grand couturier renonça alors à toute forme de promotion. Ce qui n'est pas le cas des créateurs d'aujourd'hui qui comptent bien se servir de la caisse de résonance formidable qu'offre la fashion week sans pour autant se laisser piller par les grandes enseignes.

Encore faut il que la filière, de l'amont à l'aval, accepte de jouer le jeu. A priori cela ne devrait pas poser de problèmes du côté des acheteurs: le système des collections Ressort s'encre solidement de toute part et les créateurs puisent dans l'essence même de leur griffe la justification de ces nouveaux rendez-vous. Dans le cas de Roland Mouret, ce rendez-vous ne pouvait se dérouler qu'à Londres. "J’ai mes défilés à Paris, mes tapis rouges à Los Angeles et un nouveau magasin qui ouvre à New York à la fin de l’année. Je voulais compléter mon 'Fashion World' en présentant à Londres qui est ma maison, et le lieu où bats le cœur de mes collections ».

Hervé Dewintre

Photos: collection ressort Roland Mouret









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Mode a Paris
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