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Hermès : LVMH condamné à 8 millions d'euros

By FashionUnited

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La Commission des sanctions de l'AMF a infligé à LVMH une sanction pécuniaire de 8 millions d'euros. Un peu moins que les 10 millions d’euros initialement réclamés fin mai par ce même collège mais cela reste un montant exceptionnellement

élevé pour une sanction de ce type.

Immédiatement
après l'annonce de l'AMF, le groupe LVMH a indiqué qu'il ferait appel de la sanction. La Commission a pris en compte la « gravité de manquements successifs à l'obligation d'information du public ayant consisté à masquer toutes les étapes de la prise de participation de LVMH dans le capital de la société Hermès » ainsi que le "contournement de l'ensemble des règles destinées à garantir la transparence indispensable au bon fonctionnement du marché doit être sanctionné à la hauteur des perturbations qu'il a provoquées ».

La Commission a par ailleurs estimé que, dans ses comptes consolidés des exercices 2008 et 2009, LVMH n'avait pas entièrement respecté son obligation d'information concernant sa participation dans Hermès.


Une enquête de deux ans et demi

L’AMF a enquêté pendant deux ans et demi sur les méthodes utilisées par LVMH pour entrer au capital d’Hermès. En octobre 2010, Bernard Arnault déclarait dans une conférence de presse qu’il détenait désormais 17 pour cent de son célèbre concurrent. Sauf que, dès lors qu’un actionnaire franchit la barre de 5, puis 10 puis 15 pour cent d’un société cotée, il est tenu d’effectuer une déclaration préalable de franchissement de seuil. On comprend bien pourquoi : il s’agit d’éviter, pour une entreprise, l’intrusion d’un actionnaire qui aurait des velléités de prises de contrôle pour le moins intempestives. Chez Hermès, entreprise familiale, on tient à l'indépendance comme à la prunelle de ses yeux. On y tient tant que les statuts de la société obligent même à rendre publique toute montée au capital de 0,5 pour cent. La famille Hermès fut naturellement sous le choc. Comment le milliardaire de LVMH avait-t-il fait ? Etait-ce légal ? Ce fut précisément le but de l’enquête de l’AMF.

Un rapport de 115 pages, écrit par Sophie Barangeret et Laurent Combourieu, décrivait en détails l’enquête durant laquelle des dizaines de témoins ont été auditionné, des centaines de contrats analysées, et des milliers de lettres et de courriels décortiqués.


Autopsie d’un abordage

Que s’est-il passé ? L’action débute en 2001, année durant laquelle LVMH acquerra 4,9 pour cent d'Hermès par l'intermédiaire de ses filiales luxembourgeoise, Hannibal, et américaine, Altaïr, située dans l'Etat du Delaware. Les actions détenues par Altaïr furent ensuite transférées au Panama, dans les sociétés Bratton Direction, Ashburry Finances, Bratton et Ivelford Business. Une certaine opacité règnait déjà puisque le rapport constate que l’annexe aux comptes consolidés de LVMH ne comprenait aucun élément d’informations sur ces titres. Alors que LVMH parlait sans contraintes des 3,5 pour cent du groupe italien Tod's qu'il détenait alors, nulle référence n’était faite aux actions Hermès qui figuraient en fait "en contravention avec les normes internationales" dans les rubriques "investissements financiers" ou "autres actifs non courants".

2006 fut l’autre année importante de cette ténébreuse affaire. Jean-Louis Dumas, le patron charismatique d’Hermès était mourant. Il devait passer la main ; LVMH lanca alors des études approfondies avec Rothschild & Compagnie et le cabinet d'avocats Bredin-Prat sur des scénarios très précis "de prise de contrôle d'Hermès".

Toutes les options furent envisagées et analysées par Pierre Godé, vice-président du groupe et éminence grise de Bernard Arnault, et Nicolas Bazire ex-associé gérant de Rothschild et administrateur de LVMH. Des scénarios détaillés dans des mémos où LVMH était baptisé « Lithium » (le plus léger des métaux) et Hermès « Mercure ». La philosophie de ces reflexions furent résumés par Rothschild avec les mots suivants : «Il suffit que la famille se délite et si vous trouvez une famille partenaire, alors les équilibres structurels seront modifiés.» C’est-à-dire : faire tout son possible pour tirer parti des dissensions familiales.


L’arme du crime : les equity swaps

En 2007, la filiale irlandaise de Natixis, Netgen fournit l’arme du crime : les "equity swaps à dénouement monétaire". Un nom barbare pour un redoutable instrument financier à terme. Ces véhicules prévoyaient au départ un versement en espèces, ce qui dispensait LVMH de les déclarer. En cours de route -c’est-à-dire un mois après le décès de Jean-Louis Dumas - LVMH demanda aux banques de changer le mode de dénouement des swaps et fit modifier ces contrats pour se faire livrer en actions Hermès. Le groupe de Bernard Arnault nie toute préméditation. Ils ont simplement accepté des actions Hermès car, au vu de la faible liquidité du titre Hermès, un débouclage en cash aurait entraîné un effondrement du cours. Un hasard donc. Bien entendu, il fut quand même ravi de devenir - par hasard – un puissant actionnaire d’ Hermès et prit son rôle au sérieux: sûr et certain de la supériorité de son "business model" du luxe et des bonnes pratiques de gestion qu'il offrait en dot, il rencontra Patrick Thomas et Bertrand Puech au Bristol, quelques jours après son entrée éclair, et leur proposa de travailler en commun sur les achats d'espace publicitaire, le recrutement ou encore la recherche des meilleurs emplacements de boutiques dans le monde.

En conclusion, pour l’AMF, la conjonction de tous ces éléments «ne trouve son sens que dans la préparation d’une montée au capital d’Hermès ». Les enquêteurs ne semblent en revanche pas apporter de preuve formelle. Ils notent simplement que Nicolas Puech-Hermès est l'un des très rares héritiers de la dynastie (ils sont 52 parents) à avoir refusé de rejoindre le holding familial, H51, créé en décembre 2011 pour contrer l'ascension de LVMH au capital du sellier. Les auteurs pensent que c’est lui qui a permis à LVMH de monter dans le capital d'Hermès. M. Puech-Hermès a en effet vendu 8,8 millions de titres Hermès aux banques mandatées par le groupe de Bernard Arnault. Sans ces actions, ces banques n'auraient pas pu mettre en place ces surprenants "equity swaps". LVMH n’aurait pas pu monter « en cachette» chez Hermès en achetant les actions mises sur le marché comme par hasard par M.Puech-Hermès.


Nicolas Puech-Hermès: le talon d’Achille de la famille Hermes?

Nicolas Puech-Hermès a-t-il été le talon d’Achille de la famille Hermès, ou plutôt le cheval de Troie de Bernard Arnault ? Ou encore l’élément déclencheur de ce miraculeux délitement de la famille dont parlait la banque Rothschild au moment de l’agonie de Jean-Louis Dumas ? Constatons simplement que, d’après le rapport, certains des titres Hermès ont été livrés du compte de M. Puech-Hermès sur celui de Dilico, une société ad hoc, dont le représentant légal, Alexandre Montavon, travaille pour LVMH. Des ventes à terme qui préservaient l'anonymat du vendeur, toujours selon l'AMF.

Selon le rapport annuel 2012 du sellier, Nicolas Puech-Hermès possède 6,08 millions d'actions Hermès International, soit 5,76 pour cent du capital de l'entreprise. Il a 70 ans, vit entre ses propriétés des Alpes suisses et d'Andalousie et Challenge la classe au 31 e rang des fortunes françaises. Détient-il encore ses actions ? Il assure que c'est le cas mais il a cependant refusé d’être auditionné par l’AMF en opposant « le secret bancaire ». Sauf qu’il n’est pas banquier et qu’une telle défense n’est pas applicable à son activité.

Dans l’entourage de LVMH, on souligne qu’aucun des griefs notifiés par l’AMF, la présentation comptable des «equity swap» et le délai d’information du marché, n’a de caractère pénal. Bernard Arnault assure que les liens entre les deux sociétés sont désormais amicaux. Lors de la présentation de ses résultats fin mars, Hermès, (par la voix de Patrick Thomas) expliquait, à l'inverse, que désormais, il passait à la phase offensive.
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