Internautes et médias ont largement diffusé cette photo sortie des entrailles du web pour nous annoncer cette bonne nouvelle : des mannequins taille 40 ont fait leur entrée chez H&M. « ça va faire plaisir aux rondes, euh c’est-à-dire aux filles normales en fait.
Toutes celles qui ne sont pas parfaites, c'est-à-dire, 99 pour cent de la population » s’enthousiasmait Salomé dans un post de blog relayé à grande échelle par le portail de news de
msn.fr (l’article est d’ailleurs encore disponible sur ce
même portail). Et de préciser dans un aplomb quasi-journalistique : « Quelle audace! Victoire! Enfin, ne nous réjouissons pas trop vite, c'est une demi-victoire : il n'y a que deux mannequins H&M de cette sorte dans les vitrines, et pour de la lingerie. Un peu à l'écart des flots ininterrompus de clients, donc. » Presque un reportage de terrain donc.
Sauf
que l’information, non vérifiée, était fausse – on dirait aujourd’hui en langage 2.0 que c’était un fake. La photographie montre bien un mannequin taille 40, sauf qu’il ne s’agit absolument pas d’une photo actuelle (elle a été prise en 2010) et qu’ il ne s’agit pas d’un modèle H&M. Le géant suédois a en effet été obligé, face à cette déferlante virtuelle (la photo a été "likée" plus de 63 300 fois sur Facebook à ce jour) qu'il n'avait rien à voir avec cette photo. La photo aurait en réalité été prise chez Ahlens, une autre enseigne de mode suédoise, inconnue en France que l’on peut identifier sur
le blog suédois Becka, dans un post remontant à octobre 2010.
Pourquoi cet emballement soudain autour de cette vieille photo ? Tout simplement parce qu’elle a été posté sur
la page de Facebook de Women's Right News.
La légende indique qu’il s’agit d’un magasin suédois. Les médias français, avec un sens remarquable de l’approximation, ont fait le reste.
Deux enseignements : internet aime qu’on lui raconte de belles histoires et ses conteurs, c’est-à-dire les blogueurs, mais aussi,et c’est plus ennuyeux, les portails d’informations, ne s’encombrent pas de réflexes journalistiques consistant à vérifier un minimum leurs sources. Deuxième enseignement : cet emballement semblerait prouver que le public ne serait pas indifférent à la mise en place de mannequins voluptueux dans certaines enseignes de fast fashion. La taille 34 représente près de 14 pour cent des robes disponibles en magasin, alors qu’elle ne convient qu’à un pour cent de la population féminine française. Rappelons que s’'il y a 20 ans, les mannequins pesaient 8 pour cent de moins que la femme moyenne, aujourd'hui le chiffre est passé à 23 pour cent. A méditer?
