Le triomphe et les enseigneme​nts de Vente-priv​ée.com

Jusqu’à maintenant, il était assez peu glamour de parler du déstockage, considéré par beaucoup de professionnels de la mode et des médias comme une filière obscure. Parler des soldes, avec plaisir, mais du déstockage, quelle horreur ! Mais ça, c’était

avant Jacques-Antoine Granjon qui a fait de sa plateforme vente-privée.com le plus grand magasin de France avec une base de 11 millions de membres ( 17 millions en europe), tout en réussissant le tour de force de ne pas vulgariser l’image de son site. Une entreprise made in France dont la réussite a récemment été saluée par Fleur Pellerin, Ministre déléguée, chargée des PME, de l'Innovation et de l'Economie numérique.

Il savourait sa joie lors de cette visite ministérielle le 27 novembre dernier. Il n’oubliait pas pour autant de lancer une petite pique à l’establishment qui d’après lui préférait jusqu’à maintenant visiter les locaux de siège sociaux français d’entreprises plus médiatiques telles que Google ou autres Amazon et Facebook « qui n’emploient en général en France que des avocats pour ne pas payer d’impôts ». « Nous sommes honorés de cette initiative, qui vient saluer une entreprise ‘Made in France’ et plus largement soutenir les entreprises françaises qui se développent. Des entreprises qui ont compris que les enjeux n’étaient pas uniquement financiers et qui prennent en compte leur rôle social et sociétal » rappelait-il lors de cette visite.

Une fierté dont Jacques-Antoine Granjon a toutes les raisons de s’enorgueillir. Créé en 2001, le déclic est venu en 2003, en novembre, avec l’organisation d’une vente d’un stock de sous-vêtements féminins Lise Charmel. Tout est écoulé en un temps record. La success-story démarre. 3,3 millions d’euros en 2003, 21,3 millions en 2004, 436 millions en 2007. Le site dépasse en 2011 le milliard d’euros de chiffre d’affaires. Une croissance à 2 chiffres, et ce en dépit d’un contexte économique difficile. En période de fêtes de fin d’année, le nombre de commandes sur vente-privee.com dépasse les 100 000 par jour. Chaque jour, le site expédie en moyenne 75 000 commandes, ce qui en fait le premier client français de la Poste. Une vingtaine d’événement sont organisés quotidiennement en partenariat avec 2 000 marques. Puma, Tommy Hilfiger, Women’s Secret… tous les goûts sont représentés. L’an dernier, 48 millions de produits ont été vendus. 250 personnes ont la responsabilité de la production des “événements” numériques. Jusqu’à 15 000 photos peuvent être prises par jour pour mettre en scène les produits. Une réussite qui profite aussi à l’emploi, puisque l’entreprise compte aujourd’hui 1 800 collaborateurs à travers 8 pays européens, et plus de 40 métiers différents. Plus de 300 emplois ont été créé en 2012.

Le concept est simple et efficace : vente-privee.com est le créateur du concept de ventes événementielles sur Internet et le leader mondial du secteur. Spécialiste du déstockage en ligne de grandes marques, son accès est réservé à ses membres : à la fois donc, « business to brands » et « business to members ». L’inscription au club est gratuite et sans obligation d’achat. Les ventes sont limitées dans le temps (3 à 5 jours) et sont organisées en collaboration avec plus de 1 500 grandes marques internationales dans tous les domaines : prêt-à-porter, accessoires de mode, équipement de la maison, jouets, articles de sport, high-tech, gastronomie, voyages... Un partenariat avec les marques permet de proposer des prix bénéficiant de fortes décotes (-50 à -70%) par rapport aux prix conseillés. Le credo de Jacques-Antoine Granjon, c’est l’intégration. À l'heure de l'externalisation à tout-va, le PDG a voulu au contraire maîtriser tous les maillons de la chaîne de production et contrôler la qualité du service rendu tant aux marques qu’aux clients. C’est aussi une certaine conception du rôle social et sociétal de l’entreprise : consultés sur les valeurs de leur entreprise, des salariés volontaires ont mis en avant le "bien-être" : les collaborateurs de vente-privee.com considèrent qu’ils sont bien traités, et pas seulement sur le plan financier. Une conviction chevillée au corps quand il cite avec émotion le discours marseillais d’Antoine Riboud en 1972 sur la responsabilité sociale des entreprises : « Le fondateur de Danone affirmait dès 1972 que les responsabilités des entreprises ne s’arrêtent pas aux portes des usines. L’entreprise ne peut pas se défendre des attaques de droite comme de gauche en disant uniquement: on crée des emplois et on paie des impôts. Une entreprise… Ce sont des inventions, des rencontres, de la diversité, de l’intégration, de la formation, de l’employabilité. L’entreprise est au cœur de la cité. »

« La fin des pure players »

Né à Marseille en 1962, ce fils de bonne famille éduqué chez les jésuites, passé par l’European Business School rue de la Paix, n’a jamais fait appel à des investisseurs ; il a démarré avec 20 000 francs (nous sommes en 1985), beaucoup d’idées et surtout une vision : « bien acheter pour bien vendre » c’est-à-dire qu’il achète 1 pour vendre 2. Pour y réussir, dans un secteur du digital, il se concentre sur ce qui a le plus de valeur : mieux montrer le produit, mieux servir le client, anticiper les réclamations. Son ancien métier (il était soldeur) lui a certainement été utile pour pressentir les possibilités d’internet. “Proposer des produits de marque avec un discount incroyable, cela intéresse forcément tout le monde » déclare-t-il au nouvel observateur. les stocks ne sont payés aux marques qu’une fois la vente réalisée ! BFR négatif, marges confortables garanties.

Enfin, plus que tout, il croit à la diversification. Vente-privée est non seulement le premier magasin de France mais aussi un canal de communication avec une puissance d’audience. Le PDG considère que le site est un véritable média et veut développer les « business unit » pour promouvoir soit des applications, soit des voyages, du spectacle, de la musique etc. Certaines opérations, finalement modestes en terme de chiffre d’affaires ont leur raison d’être car elles « enrichissent en émotions Vente Privée » dit-il à French web. Entre autre certitudes, il pense que 90 pour cent du e-commerce se fera bientôt sur les téléphones portables ou les tablettes.

Concernant l’évolution du e-commerce, il considère que désormais les outils sont maîtrisés ce qui signifie que le e-commerce de demain appartiendra à la grande distribution et aux marques quand elles auront résolu leur problème de distribution en direct. Il n’y aura plus de pure players à part les sites de ventes évènementielles. Le monde de demain est celui de la cross distribution, du cross-canal. Du smartphone à la boutique physique, de la tablette à l’ordinateur portable, chacun aura la possibilité d’acheter selon ses envies, obligeant les directions marketing à passer d’une vision mono-canal à une vision 360 de la connaissance clients. Il s’agit bien de connaître les attentes et comportements de chacun a­n de pousser la bonne offre, à la bonne personne, au bon moment.

(H.D)