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Marc Jacobs: un départ vraiment volontaire?

By FashionUnited

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La raison officielle : Marc Jacobs veut se concentrer sur sa propre marque qui pèse un bon milliard de dollars. Une volonté soudaine qui serait liée au fait que celle-ci va entrer en bourse : cela montrerait aux investisseurs que le créateur

va se focaliser à fond sur le label qui porte son nom. Vous y croyez vraiment ? Comme si le fait pour un designer de travailler pour Vuitton pouvait porter préjudice à sa propre marque. Difficile à avaler.

Le
fait est que ce départ était acté depuis le début de l’été : des sources qui veulent évidemment rester anonymes garantissent que Marc Jacobs et Robert Duffy – le partenaire et mentor du designer - ont subi ce non renouvellement du contrat. Il se murmure même que Robert Duffy ayant appris cette éviction aurait surgi furieux dans le bureau de Bernard Arnault pour demander des comptes.

Plusieurs éléments viennent accréditer cette thèse. Et pour cela il faut regarder ailleurs et beaucoup plus loin en arrière, fin novembre 2012 plus exactement, le jour ou Pinault, propriétaire de Kering( Saint Laurent, Bottega Veneta, Gucci, Stella McCartney...) le grand adversaire de LVMH (Vuitton, Dior, Celine, Kenzo…) a piqué une colère noire en apprenant le départ de Guesquière de chez Balenciaga, une marque du groupe Kering. Guesquière voulait officiellement se reposer mais Pinault, qui n’est pas née de la dernière pluie a tout de suite pointé du doigt son rival Bernard Arnault qui, selon lui, œuvrait en coulisse pour débaucher son designer star. Il est vrai que la guerre qui anime les deux groupes ne date pas d’hier : elle a commencé en 99 lorsque Pinault père a volé Gucci au nez et à la barbe de Arnault qui n’a jamais vraiment décoléré depuis. Kering s’apellait alors Pinault Printemps La Redoute, et n’avait pas encore mis les pieds dans le luxe. Bernard Arnault, furieux, avait réuni ses troupes au siège de LVMH et avait déclaré, d’une voix blanche de colère et de mépris : « La Redoute se lance dans le luxe ». La suite, vous la connaissez.

Les commentateurs de l’époque avait déclaré que Bernard Arnault était en pourparler avec Nicolas Guesquière pour financer éventuellement une maison à son nom. Il semble bien plus probable que le magnat avait déjà décidé à l’époque de placer un designer jugé plus élitiste à la tête du maroquinier de légende qui souffrait déjà d’une perte de prestige liée à sa surexposition. C’est donc un choix stratégique et industrielle cohérent de la part de Bernard Arnault qui est obligé vis-à-vis de ses actionnaires de repositionner Louis Vuitton pour lui redonner une image plus haut de gamme. Gucci et Hermès progressent plus vite que Vuitton car ils jouissent d’une image plus sélective. Les sacs en toile cirée se vendent certes à merveille mais leur hégémonie empêche la marque de s’épanouir dans un segment des accessoires plus luxueux. L’embauche ces jours ci du nouveau designer italo-canadien de 38 ans, Darren Spaziani (en photo ci contre), pour renforcer le développement de nouveaux produits de maroquinerie va dans ce sens. Enfin, dernier indice qui peut faire penser que Bernard Arnault preparait ce nouveau coup de poker depuis longtemps: l'homme d'affaire avait pris soin de ne renouveler le contrat de Marc Jacob que pour une seule année lors de leur dernière négociation.

On pourrait certes affirmer que Bernard Arnault n’avait pas d'autres choix mais il n’empêche que le départ de Marc Jacobs est un mauvais signe envoyé au monde de la mode par un capitaine d’industrie qui domine désormais ce cercle puissant mais feutré.


Le règne de la finance

Depuis l’arrivée de Marc Jacobs, Louis Vuitton, qui assure 40 pour cent de la rentabilité de LVMH, a doublé son chiffre d'affaires tous les cinq ans. Qui peut croire que le designer quitterait de lui-même son poste alors qu’il déclarait il y a encore très peu de temps qu’il n’en bougerait pour rien au monde (ou sauf pour remplacer Lagerfeld chez Chanel, autant dire un cas de figure impossible). Si le grand groupe trouvera toujours une manière élégante de signaler le départ du designer, personne n’y croira vraiment. Et c’est là où le bât blesse. Si les raisons qui poussent LVMH a se séparer de son créateur vedette, trois ans après la chute de Galliano, sont viables d’un point de vue industrielle, elles sont terribles à long terme car elles signent pour une génération entière, la fin du règne du couturier au profit du financier.

Quand Lagerfeld dit sans rire, qu’il ne voit pas l’intérêt pour Chanel de fêter leur troisième décennie de collaboration, il ne fait pas preuve de modestie mais de lucidité. Les maisons de mode qui étaient à l’origine des PME basée sur la personnalité de leur créateur sont devenues des industries à part entière où le véritable maitre est le PDG. Un PDG qui n’a pas gagné ses lettres de noblesse dans la mode mais dans l’industrie de l’agroalimentaire ou du bâtiment la plupart du temps. Dans cette nouvelle équation, le couturier est un pion jetable qui aura le bon gout de se faire définitivement oublié dès qu’il aura franchi la porte de sortie des fournisseurs. Un seul cas détonne : celui d’Albert Elbaz chez Lanvin. Sa fête d’anniversaire qui eut lieu l’année passée fut le dernier exemple d’une maison de mode qui célèbre humainement son couturier. Humainement, c’était ça la surprise. La nouvelle équation dans le milieu de la mode n’est plus de se dire quel designer va remplacer qui. Non, le vrai message de ce départ est le suivant : le couturier star, c’est fini. Un signal positif pour les actionnaires, mais peut-être moins inspirant pour les étudiants de mode qui se rêvent déjà couturiers.
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