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Sexe et déficit : la chute du fondateur d’American Apparel

By FashionUnited

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Les controverses ne datent pas d’hier. Mais les résultats de l’entreprise étaient bons : cela justifiait sans doute que le conseil d’administration du groupe de prêt à porter American Apparel accepte sans sourciller les frasques de son co-fondateur et PDG Dov Charney. Frasques dont l’énumération

demanderait de longs développements.

Jugez plutôt : neuf plaintes concernant des faits de harcèlement sexuel au sein de l'entreprise émanant d'anciennes employées (l’une d’entre elles l’accusa de l’avoir transformé en "esclave sexuelle") et de mannequins, mais aussi des déclarations et de comportements provocants comme lors de

cet interview donnée en 2004 durant laquelle l’homme d’affaires demanda une fellation à l’une de ses employées devant la journaliste stupéfaite pour mieux illustrer sa réputation auto-proclamée de « dirty guy » que vous traduirez comme il vous convient. Sans parler des réunions d’entreprises durant lesquelles le PDG dévoilait la majeure partie de son anatomie à ses employés stupéfaits, ni des propos homophobes ou antisémites dont on l’accuse régulièrement. On parle également de discriminations à l’embauche puisque la marque exigeait parfois une photo montrant le candidat (ou la candidate) de la tête au pied avant d'envisager un éventuel entretien. Et pour couronner le tout, Reuters révèle aussi que Dov Charney a violé la politique de la marque et détourné des fonds de l'entreprise à des fins personnelles.

Bref, Dov Charney, ce brillant entrepreneur né à Westmount d'un père architecte et d'une mère artiste, agé aujourd’hui de 45 ans, tête pensante et gourou d’American Apparel , qu’il fonda à Montréal en 1989 avant de l’implanter à Los Angeles, est loin d’être un sain. Lui-même s’en vante et la marque de prêt à porter ne s’en plaignait pas (publiquement du moins) jusqu’ici. Non seulement elle ne s’en plaignait pas mais elle semblait même profiter et adhérer complètement à la vision et aux méthodes de son PDG qui sut faire connaitre la gloire et la croissance à son entreprise à grands coups de publicité graveleuses mettant en scène de très jeunes filles largement dénudées dans des poses provocantes. « Les gens aiment ça » expliquait-il simplement. Cependant, s’il fallait éclairer d’un jour plus positif le portrait de l’entrepreneur, il faut aussi signaler le fait qu’il communiquait beaucoup sur l’éthique de son entreprise en se targuant de produire encore une partie de ses vêtements aux Etats-Unis, en Californie notamment. Il était également notoire que la marque de T-shirts payait ses employés - souvent des immigrants - deux fois plus que le salaire minimum et leur faisait bénéficier d’une couverture sociale et de carte de téléphonie outre-mer gratuites. Il faut enfin constater que malgré les nombreuses plaintes à son sujet (dont certaines classées sans suite), l'homme d'affaires n'a jusqu'à présent jamais été condamné par la justice.

Le conseil d'administration d'American Apparel débarque son PDG

Cette équation sulfureuse, émaillée de procès et de controverses, convenait à merveille jusqu’à maintenant au conseil d’administration d’American Apparel. Mais cette année, la donne a changé. Dans moins d’un mois, Dov Charney quittera officiellement ses fonctions : c'est le conseil d'administration de la compagnie qui l'a annoncé dans la nuit du mercredi 18 au jeudi 19 juin après avoir voté en ce sens. « Pour motif sérieux » indique de façon laconique le communiqué. Quel est ce motif sérieux ? Une énième plainte provenant d’une ancienne employée qui l’accuse d’harcèlement sexuel ? Possible, mais la vraie raison se trouve plutôt du côté des résultats de l’entreprise : la société a perdu l'an dernier quelque 106,3 millions de dollars sur des ventes de 633,9 millions. Elle avait déjà été déficitaire de 37,3 millions en 2012 et de 39,3 millions en 2011. Son action, qui avait un temps dépassé les 15 dollars, n'en valait plus que 0,64 mercredi soir, ce qui correspondait à une capitalisation boursière famélique de 111 millions de dollars. De quoi briser le cœur du conseil d’administration qui a remplacé Dov Charney par un triumvirat provisoire. Le directeur financier John Luttrell, un vétéran de l'industrie textile passé par Old Navy et The Wet Seal, aura la direction opérationnelle, tandis que la présidence du conseil sera conjointement assumée par Allan Mayer et David Danziger.

L’ère Dov Charney est-elle terminée ? Rien de moins sûr. L’homme d’affaire aurait appris son éviction par surprise, dans les médias. Il va "se battre comme un fou pour récupérer son entreprise mais n’y arrivera pas", a déclaré une source au Los Angeles Times. A-t-il une chance ? « "Un conseil d'administration ne peut pas prendre de décisions en se fondant sur des rumeurs ou des histoires parues dans la presse, indique Allan Mayer. Ce sont de nouvelles informations mises à jour par l'enquête du conseil d'administration qui ont déclenché la procédure de licenciement ». La nouvelle équipe dirigeante a d’ores et déjà annoncé qu’elle conserverait le modèle éthique de la société.

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