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Anders Kristiansen, PDG d’Esprit: “Notre plan est ambitieux mais réaliste aussi”

By Weixin Zha

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Business|INTERVIEW

Esprit, le détaillant de mode qui est en difficulté, a dévoilé un ambitieux plan de relance économique la semaine dernière. Mais la marque réussira-t-elle à se faire une nouvelle place sur le marché, après ce que la société elle-même a défini comme «des années d'incohérence sur l’identité de la marque»?

Le directeur général, Anders Kristiansen, qui a rejoint Esprit en juin, semblait confiant lorsque FashionUnited lui a parlé au téléphone du plan de redressement, qui prévoit de repositionner Esprit en tant que marque engagée, célébrant la joie, la durabilité et la diversité. Il a également évoqué l’intention de la société de supprimer 40 pour cent de ses postes hors magasins et la possibilité de fermetures supplémentaires dans un avenir proche.

Mais le plan d’Esprit n’est pas tout à fait de réduire ses effectifs, car la marque envisage également d’ouvrir 220 magasins en Chine d’ici 2023. Un plan qui rappelle celui entrepris par Anders Kristiansen durant ses années en tant directeur général d’une autre enseigne en difficulté, le détaillant britannique New Look. L’expansion internationale était la base de sa mission lorsqu’il travaillait pour la marque de 2013 à 2017. Ainsi, il a procédé à pas moins de 110 ouvertures de magasins dans le même pays. Malheureusement, les ventes n’ont pas répondu aux attentes et New Look a décidé de se retirer de la Chine d’ici la fin de l’année. En dépit des échecs du passé, la décision de se concentrer sur le marché chinois a du sens, puisque ce pays dépassera les États-Unis au rang de plus grand marché de la mode au monde l’année prochaine, selon The State of Fashion 2019 , le rapport du cabinet de conseil McKinsey.

Esprit veut redevenir une marque emblématique en prenant position sur des questions politiques telles que la durabilité et l’autonomisation des femmes. Quel type de message avez-vous l'intention d'envoyer?

Il ne suffit pas de lancer des messages politiques. Nous voulons défendre des causes qui nous tiennent à cœur et l’autonomisation des femmes en fait partie. Et nous voulons également impliquer nos employés : en tant qu’entreprise, nous voulons donner à nos employés un ou deux jours de congés chaque année - appelez-le Esprit Earth Day - pour collecter du plastique ou pour aider les femmes dans les refuges, par exemple.

Les questions liées au genre et à l’environnement peuvent également être très controversées, ce qui peut se retourner contre une marque de mode qui essaie de redevenir rentable. N’est-ce pas trop risqué de suivre ce chemin?

Nous devons le faire. C’est dans notre identité de marque, cela fait partie de notre patrimoine. Lorsque le sida est apparu dans les années 1980, nos fondateurs et nos équipes ont distribué des préservatifs dans des collèges et des lycées en Californie, ce qui était très controversé à l'époque. Je pense donc qu’il faut avoir une position claire. Parfois, vous vous prenez une gifle en pleine face parce que vous êtes allé trop loin, mais je pense que vous devez vivre avec cela. Avoir une opinion est toujours risqué. Mais c’est être authentique, être soi-même. Si vous identifiez le nom d’une marque sur une publicité et que les gens ne savent pas quelle est l’identité de cette marque, alors cette marque est fade, vous n’êtes personne. Ce n’est pas ce que je veux pour nous.

Dans sa présentation aux investisseurs, Esprit a déclaré qu’il ne s’agissait ni d’une entreprise de fast fashion ni d’un discounter, il lui fallait donc se distinguer. Alors comment définir la marque Esprit ?

Je pense qu’Esprit a un besoin urgent de trouver cette réponse et c’est la raison pour laquelle nous travaillons si dur pour définir la marque dans ses détails. Nous avons interrogé plus de 10 000 clients pour mieux comprendre ce que notre marque signifiait pour eux. Et c’est ce que nous sommes: nous sommes une marque de mode. Nous étions la première marque lifestyle au monde.

Dans le cadre de son repositionnement en tant que marque lifestyle, Esprit a annoncé un nouveau concept de vente au détail. À quoi peuvent s'attendre les clients qui entrent dans les nouveaux magasins?

Aujourd'hui, la conception de notre magasin n'est pas à jour. Le mobilier est beaucoup trop présent, trop visible. Il y a différents types de bois présents, c’est un vrai désordre. À l’avenir, nous envisageons un nouveau look nordique, épuré et minimaliste. Les produits seront donc la principale caractéristique que vous verrez. Nous avons déjà engagé une entreprise de design pour nous aider à obtenir le look souhaité.

Quelles pièces les clients peuvent-ils espérer voir davantage dans les magasins dans un avenir proche?

Je voudrais que nous renforcions notre offre de t-shirts pour la saison printemps/été. Nous aurons probablement plus de denim qu’aujourd’hui. Les acheteurs peuvent également s'attendre à voir des chino. Nous avons toujours été forts en pull-over, mais nous voulons être meilleurs en offrant une qualité supérieure telle que la laine mérinos, peut-être un peu de cachemire. Chaque fois que nous avons inclus ces matériaux dans nos collections, ils se sont vendus en un rien de temps.

Êtes-vous satisfait des prix actuels?

Si la question est "Suis-je satisfait des prix que nous avons sur les étiquettes aujourd'hui?" ... Absolument. Suis-je satisfait des prix auxquels nous vendons, après réduction? Non, je ne suis pas content. Nous avons besoin de démarquer moins.

Esprit souhaite également séduire les détaillants plus rapidement et développer ses activités de gros. Comment voulez-vous accélérer le processus?

Nous ne nous soucions pas de la rapidité avec laquelle nous pouvons livrer car nous n’avons pas mis l’accent sur le commerce de gros. Lorsque nous sommes vraiment prêts à agir, je pense que nous pouvons livrer en gros en deux à trois jours grâce à notre programme de non-rupture de stock (NOS). Je veux vraiment m'assurer que nous développons ce programme et pouvons livrer des produits très rapidement. Nous ne faisons pas de capsules du tout et je voudrais que l’on propose des capsules avec 20 à 50 pièces. La vente en gros est un domaine sur lequel nous voulons vraiment agir car elle représente aujourd'hui un tiers de nos activités.

L’équipe de direction d’Esprit a considérablement diminué. Êtes-vous satisfait de la taille actuelle?

Auparavant, j’étais directement en charge d’une équipe de 13 personnes et maintenant, ils ne sont plus que six. Nous venons d'embaucher une nouvelle responsable des produits. Elle est talentueuse, elle est exactement la personne que je cherchais. Nous recherchons également un PDG régional pour l’Europe et les Amériques. Et nous avons de bons candidats internes et externes. Ce qui était important ici, c'était de démontrer que cela commence au sein de la direction de l’entreprise. Ce n’est pas seulement les employés subalternes qui sont licenciés. Nous avons besoin d'une organisation allégée, non seulement du point de vue des coûts, mais également pour pouvoir réagir et prendre des décisions beaucoup plus rapidement que nous le faisons aujourd'hui.

40 pour cent des emplois hors magasins seront supprimés. Combien d’emplois comptez-vous supprimer et quels sont les sites les plus touchés?

Cela pourrait se traduire par 800 employés hors magasins dans le monde, mais ces réductions sont bien entendu sujettes à des négociations avec les partenaires sociaux tels que les comités d'entreprise.

Esprit a également annoncé la fermeture de magasins dans le cadre du nouveau plan de restructuration. Combien des 510 points de vente actuels dans le monde seront fermés?

Je veux que les magasins soient rentables. Il est difficile de donner un chiffre car nous négocions avec tous les propriétaires que nous avons en ce moment. Notre objectif numéro un est de garder le plus grand nombre possible de magasins ouverts grâce à des réductions de loyer afin de devenir rentable. Si les négociations échouent, nous les fermerons.

Esprit souhaite également ouvrir 78 magasins en Asie au cours des cinq prochaines années, à l’exception de la Chine. Quels pays envisagez-vous?

Singapour, en Malaisie, puisque nous réussissons déjà bien sur ces marchés. Nous pensons à Taiwan et la Thaïlande, qui pourraient également constituer de bons marchés.

Vous souhaitez également ajouter 220 nouveaux magasins en Chine. Cela semble beaucoup en peu de temps.

Cela dépend de votre façon de voir les choses. Certains de nos grands concurrents en Chine ouvrent le même nombre de magasins en quelques mois seulement. Le défi consiste à rendre ces magasins aussi rentables que possible. Il existe des milliers de bons centres commerciaux en Chine. Il faut donc négocier les bons contrats de location.

Pourquoi la Chine est-elle un marché aussi intéressant pour vous?

La Chine est si vaste. Nous avons une si petite part de marché, qui est beaucoup plus facile à déployer là-bas. L'investissement en capital nécessaire pour ouvrir un magasin est très faible par rapport à l'Europe. Les contrats de location ne durent que 2 à 3 ans. Les détaillants ne doivent donc pas s’engager sur un site pendant longtemps. De plus, c’est un marché que nos actionnaires, notre conseil d’administration et notre direction comprennent très bien.

Votre ancienne société, le détaillant britannique New Look, a décidé de se retirer de la Chine en octobre. Pourquoi pensez-vous qu'Esprit réussira là où d’autres ont échoué?

Quand j'ai quitté New Look, la marque était très rentable en Chine. Esprit était exceptionnellement puissante en Chine, comme c'était le cas en Europe. Je pense donc que nous pouvons retrouver cette forte position de marque sur le marché en proposant un produit de meilleure qualité. Actuellement, les articles les plus chers de notre gamme, ceux avec des tissus de haute qualité et coûteux, sont en réalité les plus vendus en Chine. Lorsque nous fabriquons du polyester bon marché, des produits de fast fashion, cela ne se vend pas.

Esprit est confronté à des coûts de restructuration élevés liés aux suppressions d’emplois et aux fermetures de magasins et souhaite ouvrir près de 300 magasins au cours des cinq prochaines années. Serez-vous capable de suivre votre plan sans financement extérieur?

Les derniers rapports ont révélé que nous avions environ 4,5 milliards de dollars de liquidités à la banque et aucune dette. Nous aurons des apports exceptionnels de 1,5 à 1,7 milliard de dollars de Hong Kong. L'argent servira à couvrir ces coûts et une partie sera investie en Chine et dans le reste de l'Asie. Cet argent est suffisant pour notre plan quinquennal.

Compte tenu des coûts de restructuration que vous avez mentionnés et des investissements nécessaires pour les magasins, l’objectif consistant à atteindre une marge EBIT de 5 à 7 pour cent en cinq ans n’est-il pas trop ambitieux?

C’est ambitieux car la société n’a pas été rentable depuis de nombreuses années et qu’il y a beaucoup de choses à faire. Mais d’un autre côté, nous ne disons pas que tout est fantastique ou que nous serons rentables l’année prochaine. Alors oui, c’est ambitieux, mais c’est aussi réaliste.

Cette histoire a été écrite avec l'aide de Marjorie Van Elven.

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