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Birimian lance un programme d’accélération en collaboration avec l’IFM

By Sharon Camara

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Business|INTERVIEW
Facebook Loza Maleombho

Birimian est une société d’investissement destinée aux marques de luxe et premium d’héritage africain. Depuis juin 2021, la structure a lancé, en collaboration avec l’Institut Français de la Mode, un programme d’accélération baptisé « IFM-Birimian Accelerator x Africa ». Après un appel à candidature, les dix finalistes intègreront la première promotion, dès le 10 octobre 2021.

Les designers sélectionnés, ont un héritage africain et évoluent dans les secteurs de la mode, des accessoires et de la joaillerie. Ils ont été présentés lors de l’exposition Première Classe, organisée par WSN du 1er au 4 octobre, à Paris, en marge de la Fashion Week.

Le programme, financé par Birimian, ambitionne d’accompagner chaque année une dizaine de jeunes créateurs sélectionnés par un comité composé d’experts de la scène créative internationale. Les marques participant au programme bénéficieront également d’investissement et de services de conseils et d’accompagnement de la part de Birimian.

Pour cette première édition, les créateurs sélectionnés sont:

  • Christie Brown, Ghana
  • Kente Gentlemen, Côte d’Ivoire
  • Loza Maléombho, Côte d’Ivoire
  • Mille collines, Rwanda
  • Mmuso Maxwell, Afrique du Sud
  • Post Imperial, Nigeria
  • Rich Mnisi, Afrique du Sud
  • Shekudo, Nigeria
  • This Is Us, Nigeria
  • Umòja, France - Burkina Faso

À l'origine de Birimian, il y a Laureen Kouassi-Olsson, une franco-ivoirienne qui évolue dans le monde des affaires. Après des études à Em Lyon, Laureen débute sa carrière professionnelle en banque d’affaires chez Lehman Brothers à Londres, elle passera également par le groupe Agence Française de Développement et Amethis, un fonds d’investissement français spécialiste de l’Afrique dont elle a dirigé le premier bureau régional à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pendant six ans. Forte de ces expériences professionnelles, Laureen développe Birimian, une structure destinée à soutenir et accompagner des marques africaines émergentes.

Pour en savoir plus sur Birimian et ses ambitions, FashionUnited a interrogé sa fondatrice, Laureen Kouassi-Olsson.

Laureen Kouassi-Olsson, fondatrice de Birimian/ PR

Comment est née Birimian ?

Mon parcours professionnel m’a permis d’avoir une riche expérience en matière d’investissement dans des sociétés privées, d’accélération et de développement d’entreprises africaines à l'international. En parallèle, j’ai toujours eu cette passion pour la mode. Je me suis dit que le moment était venu pour moi d’allier cette passion et cette expertise, d’autant plus que cela correspondait à une période où l’Afrique émergeait au niveau de la chaîne créative internationale, entre 2018 et 2019. À cette époque, Dior faisait sa collection croisière avec des créateurs africains, il y avait de plus en plus d’imprimés africains visibles dans les collections de grandes maisons de luxe. D’une façon générale, il y avait cet intérêt pour les designers africains mais il suffisait de se pencher un peu plus sur leurs situations, pour se rendre compte qu’il y avait un fossé entre l’intérêt qu’ils pouvaient susciter et leurs réelles capacités à s'internationaliser.

J’ai donc compris que cela pouvait être une belle opportunité de créer une institution financière qui serait dédiée au renforcement de capacité des designers africains et à la création de marque de luxe premium, d’héritage africain avec une forte capacité d’expansion à l’internationale. C’est comme ça qu’est né Birimian, qui est aussi le nom d’un gisement en Afrique de l’Ouest. Une rivière où l’on trouve de l’or et des diamants bruts et qui traverse la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Burkina Faso et la Guinée, la sous-région dont je suis originaire. Tout comme dans les industries créatives et extractives, l’Afrique brille de talents et de diamants bruts. Puisque nous n’avons pas les compétences pour développer cette création, ces talents se retrouvent figés sur le marché local et ils ont des difficultés à se développer à l’international. Je me dis que nous devons créer des champions locaux tout comme dans les industries extractives. Pour cela, il faut des institutions qui permettront de transformer les marques africaines qui sont des diamants bruts aujourd’hui, en joyau de dimension et de rayonnement à l’international. J’ai eu l’idée du projet vers 2016 et il a pu voir le jour en avril 2021.

Qui sont les personnes derrière Birimian ?

Derrière Birimian, il y a une équipe de six femmes, visionnaires et complémentaires. C’est un choix d’avoir une équipe entièrement féminine, en tout cas pour les débuts. Il y aura des hommes dans un futur proche, mais j’ai d’abord voulu créer Birimian comme une aventure humaine d'empowerment. C’est une équipe constituée de femmes expertes dans le luxe, je pense à Céline Gainsburg-Rey, spécialisée dans l'accompagnement des marques de luxe qui est la directrice stratégie & marketing. Il y a aussi Olufunke Faweya, spécialisée dans la stratégie et la direction des opérations marketing, qui est la directrice des opérations marques. Nous sommes six, nous travaillons à distance, entre Paris, Abidjan et Lagos. L’aventure Birimian est totalement digitale et c’est un point très important. Nous nous sommes lancées sur le digital et nous communiquons par le digital. À partir du moment où notre créneau de diffusion c’est le monde, nous devons être flexibles et digitaux.

Lorsque vous lancez Birimian en avril 2021, quels sont vos objectifs ?

Nous lançons Birimian avec l’objectif de nous positionner comme un « game challenger » dans le secteur de la création et de la mode pour trois raisons. Premièrement, pour conscientiser les états d’esprit et la scène internationale sur le fait qu’effectivement la scène créative africaine a ses exceptions, c'est-à-dire des talents exceptionnels qu’il faut mettre en avant et soutenir. La deuxième chose est que nous sommes sur un secteur de création avec des designers et des marques donc cela reste fragile d’où le troisième point qui est la nécessité de lancer des institutions de mécanismes, d’investissement, de soutien qui seraient centrées sur l’éclosion des marques africaines, ce qui mène au programme d’accélérateur avec l’IFM.

Et comment est né ce partenariat avec l’IFM ?

L'institut français de la Mode, c’est la référence quand il s’agit de développement, de renforcement et d’accélération de marques émergentes françaises et européennes. Par exemple, l’IFM a joué un rôle crucial dans le développement et le soutien de marques telles que Marine Serre et Jacquemus, qui aujourd'hui, bénéficient d’une très belle visibilité et d’une très belle trajectoire de croissance dans cet écosystème français et européen. J’ai donc voulu associer cette expertise à notre ambition africaine pour créer ce premier programme d’accélération unique dédié aux marques africaines.

Lorsque j’ai voulu lancer Birimian, donc avant avril, j’ai identifié tous les acteurs stratégiques de cet écosystème parce que pour moi, Birimian ne pouvait être un succès que si nous arrivions à mettre en place un écosystème fertile et prometteur pour les marques africaines. En observant toutes ces institutions, j’ai identifié l’Institut Français de la Mode et je suis allée les rencontrer pour leur présenter le projet Birimian, qui a d’ailleurs été incubé par eux. Dans le cadre de cette incubation, il est apparu naturel et évident qu’il fallait aller plus loin et donc joindre nos forces pour une accélération. C’est à l’issue de cette incubation que nous avons co-créé l’opération d’accélération ensemble.

En quoi consiste ce programme d’accélération ?

Le programme s’étend sur dix mois. Nous avons établi un processus de sélection qui a débuté en juin et a duré deux mois. Les marques arriveront à Paris, le dimanche 10 octobre pour une période de dix jours. Elles auront tout d’abord droit à un diagnostic 360°, elles vont rencontrer un collège d’experts et les membres de notre comité créatif qui nous a permis de les identifier. Le diagnostic 360° permet de faire le point sur les forces, les faiblesses et les besoins de la marque. Ce sera donc un vrai focus sur la marque, son écosystème mais aussi sur le produit, le cycle du produit depuis sa conception, donc le sourcing de la matière, le dessin, le merchandising, le marketing, la stratégie digitale, la structuration des collections, le financement des plans de collection, bref, tous les aspects importants du développement d’une marque avec un focus produit. Ce diagnostic donnera lieu à un plan d’action, que nous allons mettre en place avec l’IFM pour chacune de ces marques et qui viendra en complément au soutien financier que nous mettons à disposition. En parallèle, pendant les dix jours qu’ils vont passer à Paris, ils auront aussi des masterclass, des cours fondamentaux sur la culture de mode, le fonctionnement des Fashion week par exemple, les principales clés de l’écosystème, la relation avec les acheteurs, le renforcement du marketing digital, l’expérience digitale, etc… Des points stratégiques écrits pour la marque qui sont dispensés par des acteurs clés de cet écosystème et qui appartiennent aussi aux grandes maisons de l’industrie. Nous aurons certains designers africains qui ont su se développer à l’international.

Enfin, il y aura une immersion dans l’espace fashion parisien avec des visites d’ateliers, dont celui des maisons Louis Vuitton et Chanel, centrées sur les savoir-faire. Cette expérience parisienne doit permettre d’apporter à ces marques des opportunités de connexion, de distribution, de visibilité et d’exposition dans cet écosystème mais en gardant leur authenticité et ça c’est un point important pour nous. Il ne s’agit pas d’adapter et de prendre des standards qui ne seraient pas pertinents, pour nous l’authenticité est très importante.

Facebook Kente Gentleman

À l’issue de ces dix jours, ils repartent dans leurs pays respectifs et nous mettons en place un suivi à travers des sessions digitales, une à deux fois par semaine. L’idée est qu’ils aient un soutien, un appui régulier pendant les dix prochains mois. Le suivi se fait entre nous, l’IFM, les experts et la marque et nous débloquons progressivement les investissements. Nous avons aussi un partenariat avec WSN, qui est le premier organisateur de salon connectant les marques émergentes avec des acheteurs. En janvier et en juin, il y aura des événements, des expositions qui permettront aux marques de venir présenter leurs collections à des acheteurs en marge de la Fashion week, début juin.

Comment avez-vous recruté ces dix marques ?

Nous avons lancé un appel à candidature fin juin en ligne. Le processus de sélection a duré deux mois, durant lesquels nous avons identifié les marques pertinentes qui pourraient bénéficier de ce programme d’un point de vue de la créativité, du positionnement, de la capacité d’expansion à l’international. Nous avons eu au total 63 candidatures et nous en avons retenu 30. Nous avons interviewé chacune de ces 30 marques et designers pour en sélectionner 20. Ensuite, le responsable des programmes entrepreneuriaux de l’IFM et moi, nous avons sélectionné 16 marques, qui ont été présentées à un comité créatif qui en a choisi 10. Nous sommes donc passés de 63 à 10. Dans ce comité créatif nous avons 13 experts de l’industrie, qui sont pour nous, représentatifs des principaux corps de métiers qui entourent les marques émergentes : fédération , designers, influenceurs, journalistes et experts de la constitution de collections. Ces membres seront impliqués puisqu’ils agiront en plus des experts qui accompagneront les marques comme mentors et coachs. Chacune des marques aura un mentor parmi ce comité créatif qui les suivra pendant ces dix mois.

« le luxe à l’africaine peut se développer si nous mettons en place les bons outils qui permettent de valoriser notre artisanat pour le transformer en savoir-faire et développer la culture d’excellence. »

Le projet se poursuivra à long terme ?

Oui bien sûr, il y aura des cohortes. Cette année nous avons une cohorte de dix. L’année prochaine, nous espérons une cohorte d’un peu plus de dix et ainsi de suite. L’idée c’est vraiment qu’ils puissent travailler en groupe parce que cela facilite l'interaction, cela peut ouvrir la voix à des collaborations. Nous estimons avoir actuellement les dix meilleures marques qui sont représentatives de la jeune scène créative africaine. Il est important que nous puissions mettre en avant chacune de leurs histoires et l’univers de chacune de ces marques. La capacité de fonctionner en cowork va déboucher sur les synergies créatrices de valeurs à long terme.

Pour finir, pensez-vous que le luxe peut se développer en Afrique ?

C’est une question importante ! Pour moi, tout dépend de la définition que l’on donne au luxe. J’aime beaucoup parler d'authenticité, parce qu’à partir du moment où l’on veut utiliser des codes qui ne sont pas les nôtres, pour définir notre version du luxe, nous ferons erreur parce que ce n'est pas les mêmes moyens, ce n’est pas du tout la même conceptualisation. Finalement, le luxe c’est la mise en avant de talent à travers des savoir-faire et quand vous regardez l’industrie créative et la mode africaine, nous sommes plus sur de l’artisanat et du savoir-faire. Ce qui est appelé « luxe » en Europe, est baptisé « artisanat » en Afrique, donc oui, le luxe peut se développer en Afrique si nous acceptons que pour nous, il s’agit de mettre en avant notre artisanat et de transformer cela en savoir-faire d’excellence. C’est là que Birimian intervient, sur le renforcement de la capacité et de l'institutionnalisation. L'enjeu est là, le luxe à l’africaine peut se développer si nous mettons en place les bons outils qui permettent de valoriser notre artisanat pour le transformer en savoir-faire et développer la culture d’excellence.

Birimian
IFM
La mode en Afrique