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Bottega Veneta et Daniel Lee : pourquoi le divorce ?

By Herve Dewintre

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Le départ de Daniel Lee a surpris tout le monde. À juste titre : ce départ, d’après la presse anglosaxonne, est la conséquence de désaccords internes entre le créateur et les équipes de Bottega Veneta.

Trois ans, c’est bien court. Surtout quand le directeur artistique a prouvé la pertinence de sa vision par une envolée du chiffre d’affaires. Mais voilà : bien souvent l’originalité véritable repose sur une différence de tempérament et un changement d’habitudes qui, si elles étaient acceptables, et même admirées quoique craintes du temps de Yves Saint Laurent (le couturier était notoirement connu pour ses troubles cyclothymiques et ses épisodes dépressifs) ne sont plus de mises à l’heure des grands groupes aux enjeux industriels.

C’est ce qui en substance, et d’après les premiers témoignages recueillis par la presse anglo-saxonne, vient de se produire chez Bottega Veneta. Bien sûr, le communiqué poétise le roman d’un accord commun, et chaque partie en présence exalte le grand intérêt de l’expérience, mais enfin, personne n’est dupe. Cette séparation est un divorce inattendu, d’autant plus inexplicable que les chiffres étaient excellents. Depuis son arrivée en juin 2018 au sein de la maison de luxe italienne fondée à Vicence en 1966 et propriété de Kering depuis 2001, Daniel Lee cumule les succès, provoquant un raz de marée de désir auprès des fashionistas avec sa pochette molle The Pouch en 2019 puis avec ses mules curves en intrecciato maison montées sur semelle à picots et encore avec sa bottine puddle en caoutchouc biodégradable et antimorosité.

Après des années de vente en berne, la marque italienne retrouvait donc des couleurs. Alors que Gucci était en recul considérable (moins 21,5 pour cent par rapport à 2019) pour l’année 2020, que Saint Laurent déclinait de 13,8 pour cent avec 1,7 milliard de chiffres d’affaires en 2020, Bottega Veneta créait la surprise en renouant avec la croissance en affichant 1,2 milliard de chiffre d’affaires, en hausse de 4,8 pour cent. Alors même que le créateur avait décidé de retirer la marque des réseaux sociaux, ses collections étaient soutenues par une croissance globale impressionnante. Et aucun nuage ne semblait vouloir assombrir ses resultats aussi bons aux États-Unis qu’en Asie-Pacifique. Sur le chiffre d’affaires globale de Kering (13,1 milliards d'euros), 57 pour cent est apporté par Gucci, 13 pour cent par Saint Laurent et 9 pour cent par Bottega Veneta.

Des départs importants et continus

Plus surprenant encore, le départ de Daniel Lee semble d’ores et déjà effectif. Ce qui en d’autres termes s’apparente à un renvoi avec effet immédiat. Le créateur anglais pourtant venait de présenter sa nouvelle collection il y a trois semaines à Détroit, aux États-Unis. Hors calendrier de fashion week bien entendu, conformément aux souhaits de l’iconoclaste designer. Certes, les reseaux sociaux avaient bruissé en raison d’une soirée organisée dans une boite de nuit de Berlin où les amis du designer britannique s’étaient déhanchés sans masque mais on ne pouvait pas non plus parler de scandale médiatique. Que s'est-il donc passé ?

Plusieurs commentateurs agitent la rumeur d’un rapprochement prochain entre Phoebe Philo (qui va lancer sa maison avec le soutien de LVMH) et Daniel Lee qui fut le plus brillant assistant de la créatrice prodige lorsqu’il exerçait auprès d’elle chez Céline. Mais la presse anglo-saxonne ne croit pas à cette version. Le Women’s Wear Daily notamment indique que les méthodes de travail du créateur étaient difficiles. Des collaborateurs importants et historiques de la maison avaient claqué la porte. Citée par le journal, une source indique : « Personne ne nie son talent, mais sur le plan personnel, sur le fait de savoir gérer les relations c’est une autre affaire. Il travaillait souvent la nuit ce qui posait un problème pour les horaires de travail. Beaucoup de gens sont partis »

Une autre source affirme : « un expert chevronné, d’une grande fiabilité, du département des opérations et de la chaîne d’approvisionnement au siège de Vicence – un point de référence clé pour l’entreprise – a démissionné la semaine dernière. Une démission parmi de nombreuses autres. Cela a dû être la goutte d’eau ». Une théorie reprise par Teo Van den Broeke, Style Director du GQ : « Est-ce qu'il s'est passé quelque chose de fâcheux dans les ateliers du siège ? Il est probable que nous ne le saurons jamais. Mais un évènement important a forcément dû se produire pour qu’un changement aussi rapide se mette en place. »

La vision de Daniel Lee est originale. Son travail chez Bottega Veneta ne se diluait pas dans les zones neutres de la création dirigée aujourd’hui à coup de posts instagram interchangeables entre les marques. Il refusait l’homogénéisation de la culture favorisée par les réseaux sociaux. Malheureusement, les méthodes de travail du designer étaient, elles-aussi, iconoclastes. Les artisans de la maison n’étaient pas satisfaits de l’atmosphère qui régnait au sein de l’entreprise. Ce qui était possible au sein des maisons de couture du siècle dernier – l’autocratie notamment – ne l’est plus aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, dans une note publié mercredi, Barclays a indiqué que de son point de vue, le départ de Daniel Lee était un signal négatif en raison du fait que le créateur « a redonné un élan à la marque qui a renoué avec une croissance organique positive en 2019 après une phase de transformation de la maison ». Le plus bel hommage finalement.

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Crédit photo : Kering,Bottega Veneta

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