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La nécessaire évolution des modèles dans la mode

By Guest Contributor

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Le contexte économique, sociétal et géopolitique actuel vient accentuer encore davantage les difficultés historiques du secteur de la mode. Mais quelles sont les solutions qui s’offrent aux enseignes du textile ?

L’AUTEUR
Cyril Besse - CEO d’Univers Retail.

L’impact de la crise sanitaire, l’explosion des coûts de transport ou encore la sensibilité de plus en plus prégnante des consommateurs à l’engagement sociétale des marques, obligent les enseignes à se réinventer et à faire pivoter leur modèle opérationnel. Ainsi, l’empreinte carbone des marques (ou la perception que le consommateur en a), les matières utilisées, la localisation de la production, le recyclage des invendus, sont autant de sujets qui viennent impacter, favorablement ou défavorablement, l’image de la marque, et jouer sur la volatilité de ses clients.

La relocalisation de la production

Certaines marques ont d’ores et déjà entamé une réflexion autour de la relocalisation d’une partie de leur production. Outre l’économie que cela représente sur les coûts de transport et la réduction de leur empreinte carbone, elles espèrent que le « made in France » leur permettra de valoriser leur image et de justifier une augmentation significative du prix de vente. Car les économies réalisées sur le transport ne couvriront jamais les surcoûts de la main-d'œuvre par rapport à une production massivement réalisée en Asie.

Ainsi, début 2022, Fashion Cube (qui regroupe les marques Jules, Pimkie, Grain de Malice, Bizzbee, Orsay, RougeGorge), a lancé la production de jeans « made in France » en implantant une usine dans la région Nord. Les jeans seront néanmoins vendus 20 pour cent plus cher que des jeans fabriqués en Asie.

La relocalisation de la production offre également d’autres avantages, pour la marque elle-même, mais également pour l’écosystème local. En effet, relocaliser sa production permet la création d’emplois et le redéploiement d’un savoir-faire historique autour de la confection de vêtements, savoir-faire qui avait migré vers d’autres géographies.

Pour la marque, c’est aussi l’opportunité de mieux maîtriser le cycle de production et de réduire les invendus, de produire de façon plus éco-responsable et de mieux gérer les cycles de collection et les risques de décalage par rapport aux tendances. Produire en Asie impose aux marques de construire leurs collections environ 12 mois avant leur mise en vente, relocaliser la production leur permettra de réduire de façon significative ce délai.

Mais attention, les marques devront être vigilantes quant à leur façon de communiquer sur ce pivotement de leur modèle pour éviter de se voir accuser de « greenwashing ».

Pour finir, malgré les avantages qu’elle porte, une question de fond reste en suspens concernant la relocalisation : le consommateur est-il prêt à payer 20 pour cent plus cher un produit fabriqué en France ? En attendant de connaître la réponse, les marques qui se lancent dans la relocalisation de leur production le font sur une petite partie de leur activité, afin de tester le modèle et la réaction des consommateurs.

La précommande et la fabrication à la demande

Le volume d’invendus est l’un des aspects le plus pénalisant pour le modèle économique des marques. Le modèle de précommande, initié par certains jeunes créateurs face à leur difficulté à se lancer et porté par les DNVB (Digital Native Vertical Brands), permet de répondre à cet enjeu majeur.

Le concept pour la marque est de ne déclencher le processus de fabrication qu’une fois un premier palier de ventes réalisées en nombre de pièces, fabrication généralement orientée vers une production locale. Ainsi, la marque ne finance que la fabrication des articles déjà vendus, limitant le volume d’invendus aux seuls retours et lui permettant, dans un contexte de tension forte sur la trésorerie, d’améliorer (en le réduisant) son besoin en fonds de roulement.

L’un des principaux inconvénients de la précommande reste néanmoins le délai de mise à disposition du produit après la vente, délai qui impacte défavorablement le volume de vente en pénalisant significativement l’achat d’impulsion.

La marque Forlife s’est ainsi construite sur ce modèle de précommande et dispose d’un showroom parisien où les clients peuvent venir essayer un prototype, toucher la matière, choisir une couleur. Cependant, une fois acheté, l’article ne leur sera livré que trois mois plus tard.

Dérivée du modèle de la précommande, la fabrication à la demande porte les mêmes avantages pour les marques mais sans impacter l’achat d’impulsion. Lors du lancement d’une nouvelle collection, les marques réduisent de façon significative le volume de pièces fabriquées, s’assurant pour autant d’une disponibilité immédiate de l’article. Ensuite, elles relancent au fur et à mesure de l’écoulement des stocks le processus de fabrication des modèles et des déclinaisons vendus, en s’alignant sur le cycle de vie de l’article.

À l’instar de la précommande, ce modèle est généralement déployé pour des collections capsules avec un nombre de modèles réduit. C’est le choix qu’a fait la marque Parisienne Et Alors, qui lance tous les deux mois une collection capsule de 25 modèles.

La seconde main

Dans un contexte de tension sur le pouvoir d’achat des ménages et de renforcement de la volonté de consommer plus responsable, le marché de la seconde main affiche une croissance de plus de 50 pour cent. Ainsi, de plus en plus de marques se lancent dans ce modèle d’après-vente, aussi bien les pure players comme Zalando que des marques disposant d’un réseau physique comme Kiabi.

Outre le relai de croissance qu’il représente et les nouveaux gisements de marge qu’il procure, ce modèle offre également l’opportunité, pour les enseignes du textile, d’élargir leurs cibles marketing à de nouvelles populations, d’accentuer l’engagement client et de consolider leur communauté de marque.

Ce modèle s’inscrit pleinement dans l’économie circulaire, vecteur d’attractivité pour le consommateur, et favorise l’accessibilité de la marque à tous les budgets.

Néanmoins, un point d’attention demeure : l’impact de la seconde main sur les circuits logistiques et le modèle opérationnel. Un impact qu’il faut intégrer dès le début de la réflexion pour une marque qui souhaite se lancer sur ce modèle.

Dans une approche décentralisée, ces impacts restent limités aux magasins, ces derniers se voyant déléguer la récupération des articles, le contrôle qualité, la fixation du prix de vente et la rétribution du client ayant ramené les articles dont il souhaite se débarrasser. Les magasins devront également revoir leur plan merchandising en implantant dans un corner dédié les articles de seconde main sur la surface de vente.

Dans une approche centralisée, les articles de seconde main récupérés sont acheminés sur un site logistique centralisé qui prendra en charge le contrôle qualité et, le cas échéant, le dispatche des articles de seconde main vers les magasins. Certaines enseignes font néanmoins le choix de ne pas remettre en vente les articles de seconde main via leur réseau physique mais uniquement par l’intermédiaire de leur site e-commerce. Dans ce cas, il s’agit d’injecter les articles d'occasion dans le processus de construction et d’enrichissement des fiches produits afin de les valoriser (description produit, taille, coloris, photos, …) sur le front e-commerce, ce qui représente un coût additionnel non négligeable.

Cette approche centralisée oblige ainsi l’enseigne à intégrer la gestion de la seconde main dans son schéma de distribution (acheminement des articles vers le site logistique centralisé, redescente éventuelle des articles vers les magasins, livraisons clients pour les ventes e-Commerce) et dans son plan d’implantation entrepôt (réception des articles de seconde main, contrôle qualité, zones de stockages dédiées, etc.)

La rétribution des clients qui ramènent leurs articles pour les injecter dans un modèle de seconde main, s’effectue majoritairement sous forme de bons d’achat. En effet, cela permet à l’enseigne de consolider l’attachement à la marque en favorisant le ré-achat.

Pour finir, les enseignes qui se lancent dans la seconde doivent avoir conscience que, même si ce modèle offre de nouvelles opportunités, il va nécessairement cannibaliser une partie des ventes. Cet état de fait oblige l’enseigne à intégrer cet élément dans ses plans de collection et ses engagements sur les quantités, afin de limiter les risques de surstocks.

Hybridation du commerce

Dans un marché où les enseignes du textile cherchent à redynamiser leur activité, il existe donc des solutions, mais leur efficacité diffère en fonction de l’écosystème de chaque marque, de son implantation, de ses contraintes opérationnelles et des segments de produits.

Les marques qui s’inscriront de nouveau sur une trajectoire de croissance pérenne et rentable, seront probablement celles qui réussiront à jouer sur la complémentarité de ces modèles (relocalisation, précommande, fabrication à la demande, seconde main), tout en trouvant le meilleur point d’équilibre pour en tirer pleinement parti.

Ainsi, l’hybridation du modèle opérationnel devrait permettre aux marques de rebondir, même s’il y aura nécessairement une prime aux « primo accédant » et aux marques qui auront su intégrer leur contexte propre dans la réflexion, sans vouloir simplement copier ce qui semble fonctionner chez d’autres.

À PROPOS
Univers Retail est un cabinet indépendant de conseil en management et en stratégie opérationnelle spécialisé dans le secteur de la Distribution BtoB et BtoC. Dans ce cadre, ses consultants interviennent sur des sujets autour du CRM, du e-Commerce, du PIM/DAM, du Digital-in-Store, du marketing digital mais également de l’OmniSupply. Pour en savoir plus : Univers Retail.

Crédit : Photo by Michael Burrows from Pexels

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