Mode et climat : les experts réunis au GIEC de la mode sonnent l’alerte

Géopolitique, biomimétisme, gestion de l'eau et des matières premières, sensibilisation des consommateurs, FashionUnited revient sur les principales interventions des personnes invitées à s’exprimer lors du premier GIEC de la mode, organisé par l’association Paris Good Fashion : François Gemenne (GIEC), Alain Renaudin (Biomim’expo), Esther Crauser-Delbourg (Water Wise) et Clarisse Reille (Défi de la Mode, IFTH).

François Gemenne, coauteur du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), est intervenu devant une foule dense, rappelant que la course sans fin à la consommation, les multiples retours d’articles du commerce en ligne et les vêtements portés une seule fois sont les principales causes du bilan carbone de la mode.

« Il faut transformer l’urgence en projet collectif, on ne peut pas espérer que ça s’améliore. Rester dépendant de l’énergie fossile, c’est rester à la merci des USA et de la Russie. Il faut réfléchir aux bénéfices concrets de la transition énergétique », explique le chercheur.

« D’où vient cette idée que l’espèce humaine serait forcément nuisible, ajoute Alain Renaudin, fondateur de Biomim’expo, spécialisé dans lbiomimétismeme. On ne se rend pas compte à quel point nous avons toutes les solutions. Quand les écologues (experts des écosystèmes, ndlr) interviendront dans la mode, ils seront à même de développer des matières biosourcées, comme celles issues du mycellium. »

La gestion de l’eau et le manque de transparence de l’industrie du cuir

Esther Crauser-Delbourg, économiste de l’eau, co-fondatrice et présidente de Water Wise (ONG qui promeut l'efficacité et la conservation de l'eau) est ensuite montée au créneau au sujet de la gestion de l’eau, sujet sur lequel FashionUnited avait déjà sonné l’alerte à la veille du One Water Summit, en décembre 2024.

« L’eau est passée à côté de la trappe, car on ne mesure pas son prix, en l’occurrence quatre euros le mètre cube, indique l’experte. Si on continue à mal l’utiliser, on va finir par se priver de la ressource la plus critique pour notre économie. »

Et de pointer du doigt l’industrie du cuir, particulièrement hydrovore à cause des champs de luzernes, cultivés et irrigués en plein désert des USA (Arizona, Nevada) pour nourrir des ruminants (vaches laitières et bovins à viande), dont la peau sera transformée en cuir. Selon la spécialiste, l’enjeu est de revoir les méthodes d’élevage du bœuf et celles des tanneries pour repenser l’approvisionnement en eau.

Optimisation des matières qui représentent la majorité des émissions de la filière mode

Comme expliqué par FashionUnited, à l’occasion du reportage sur ce premier GIEC de la mode, l’approvisionnement en matières, cuir, synthétique et coton, représente la majorité des émissions.

Isabelle Lefort, cofondatrice et directrice exécutive de Paris Good Fashion, pointe du doigt le dit « polyester recyclé » qui amène certaines enseignes à produire de nouvelles bouteilles en plastique pour en fabriquer. Elle invite les législateurs à imposer au secteur du mass market, particulièrement concerné, de fournir des données fiables.

Concernant la relocalisation des matières à faible impact carbone, Clarisse Reille (Défi de la Mode, IFTH) estime qu'il faut les traiter de manière plus efficace : cotoniser les fibres de lin (autrement dit obtenir des fibres plus longues) pour mieux les adapter au vêtement, faire en sorte que les fils de chanvre ne cassent pas les aiguilles des machines à coudre ou encore promouvoir les process responsables de la teinture.

Enfin, la sensibilisation des consommateurs aux enjeux de la mode durable est un sujet. C’est pourquoi Paris Good Fashion organisera une consultation citoyenne en septembre avec make.org. Le challenge étant, évidemment, de savoir parler avec des consommateurs qui achètent du polyester pour des raisons financières, mais aussi de créativité, comme c’est le cas pour Shein et Temu.