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À quoi ressemble le premier film produit par Saint Laurent ?

By Florence Julienne

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Culture
Strange way of life, Pedro Almodovar Crédits: Saint Laurent Productions

Strange way of life, du réalisateur madrilène Pedro Almodovar, est le premier court métrage produit par la société de production Saint Laurent (Kering). Sorti en salle le 16 août 2023, il fait la part belle aux costumes siglés et à une esthétique léchée.

Strange way of life raconte l’histoire de deux cow-boys, interprétés par Ethan Wake et Pedro Pascal, que les choses de la vie opposent (le premier, shérif, est à la recherche du fils, meurtrier, du second) mais que la passion unie depuis 25 ans.

Ce western de queers seniors est le premier film produit par Saint Laurent Productions. Cette société a été créée le 22 février 2023. Sa forme juridique est SAS, société par actions simplifiée. Son domaine d’activité est : production de films pour le cinéma. Elle n’emploie pas de salariés, selon l’annuaire des entreprises. Son siège social est domicilié au 39 rue de Bellechasse (Paris 7e).

Sur l’affiche et sur le premier panneau du générique, Saint Laurent Productions donne le ton : « Saint Laurent by Anthony Vaccarello présente » un film d’Almodovar. La marque intervient en tant que producteur associé et responsable des costumes. Ce rôle de producteur lui permet de détenir des droits sur le film. C’est donc un pas de plus par rapport au sponsoring (placement produits) qui est un financement pour figurer à l’écran, mais qui ne confère aucun droit.

C’est le cas, par exemple, du deuxième court-métrage d’Almodovar, La voix humaine, avec Tilda Swinton, qui succède au western. Dans la scène d’introduction, on reconnaît clairement les robes de bal de Balenciaga (une crinoline rouge futuriste de la collection printemps-été 2020), puis un blouson griffé Dries Van Noten, un énorme flacon du numéro 5 de Chanel, enfin, on entend un « où est mon sac Chanel ? ».

Quelle liberté artistique quand une marque produit un film ?

En réalité, la même que lorsqu’un industriel, ou autre structure privée, rachète un groupe de presse. Saint Laurent Productions compte récidiver avec d’autres réalisateurs de renom : David Cronenberg et Paolo Sorrentino. La question que pose ce nouveau type de producteur est évidemment la liberté artistique par rapport à l’image qu’une marque souhaite donner d’elle-même et qui peut s’avérer contraignante. En effet, dans le communiqué fourni par la maison, il est précisé : « tous les films de la société présentent des costumes d'Anthony Vaccarello pour Saint Laurent ». Dans ce contexte, difficile d’imaginer une histoire de misère sociale. Le risque, à grande échelle, c’est l’aseptisation des images cinématographiques.

Car Strange way of Life est un film léché : le blouson vert pomme de Pedro Pascal, le gros plan sur le tiroir avec des sous-vêtements blancs, le costume à fines rayures tennis du shérif, etc. « Jamais vu de cow-boy boys aussi bien fringués » lâche un spectateur dans un commentaire sur AlloCiné. Si l’histoire rappelle Brokeback Mountain, l’esthétique évoquerait plutôt le cinéma de Tom Ford, un directeur artistique qui a tourné la page de la mode, après avoir vendu sa marque pour se consacrer, à nouveau, au septième art.

Après l’explosion des fashion films à la période Covid, l’omniprésence des griffes sur les red carpet (Festival de Cannes, Cérémonie des Oscars, des Césars, etc.) et la valse des acteurs/actrices égéries, il n’est pas vraiment étonnant que les marques de luxe se lancent des défis cinématographiques. Saint Laurent est juste à l’avant-garde de cette évolution du genre.

Anthony Vaccarello
Saint Laurent