À propos de la féminisation du vestiaire masculin…

La Fashion Week Hommes Paris juin 2022 a vu l’explosion de collections non genrées. Pour l’été 2023, de nombreuses marques de mode proposent désormais des jupes, robes, bijoux, talons, paillettes pour hommes.

Peut-on, au sortir de la Fashion Week Hommes Paris juin 2022, affirmer que « l’homme est une femme comme un autre » ? La question se pose tant il est indéniable que jupes, robes talons hauts, bijoux… bref les armes de séduction classique de la gente féminine sont aujourd’hui l’apanage d’une mode sans frontières. S’il n’y avait que le street style de la Fashion Week parisienne pour en témoigner, nous pourrions résumer ce fait à un épiphénomène sociétal (les luttes LGBT par exemple). S’il n’y avait que sur les podiums les plus avant-gardes ou destinés à un marché de niche, nous pourrions minimiser. Mais il n’en n’est rien. Et il n’y a qu’à regarder les silhouettes qui ont défilé comme la marque de luxe Louis Vuitton, largement commentées dans notre édition, pour comprendre que le vestiaire homme est en train d’évoluer de manière radicale.

Féminisation du vestiaire masculin : les prémices d’une lame de fond ?

Sur les podiums des défilés, d’autres marques se sont fait remarquer avec des propositions qui annoncent la tendance. C’est le cas de Dries Van Noten qui joue d’une première astuce : recouvrir un pantalon rayures tennis d’une jupe taille haute rose clair, le tout surmonté d’une chemise blanche et cravate. Un vrai mix and match de genres. Quant au Coréen Songzio ou l'Espagnol Oteyza, ils font se confondre jupe et short dans une amplitude textile qui laisse tout imaginer…

Mais le plus intéressant est sans doute ce qui s’est joué dans les salons et showrooms professionnels lors de la Fashion Week parisienne juin 2022. Des lieux pas vraiment destinés à la presse ou aux influenceurs mais plutôt censés faire coïncider tendances de mode et réalité du marché. Ainsi David Tlale, créateur sud-africain exposant au Tranoï Hommes, revendique-t-il le port d’une robe, inspirée de la djellaba, des boubous africains… bref de tenues qui renvoient le modèle vestimentaire occidental aux limites de sa culture. « Habiller les hommes en robe n’a rien de nouveau pour nous », confie-t-il au sortir de sa présentation, citant le kilt ou les tenues de danse Diphala.

Des vestiaires féminins pour hommes jusque dans les showrooms destinés aux acheteurs internationaux

De djellaba, il est en aussi question chez Carbone, une marque argentine présentée dans le showroom No Season, qui voit dans ce look « un vêtement confortable à utiliser à la plage ou à la maison, comme un pyjama haut de gamme ». « Cela a pour effet de remettre en question les présupposés culturels et de compliquer le récit de Carbone en tant que marque sud-américaine », nous confie-t-il. Le sujet est également d’actualité dans le showroom Dover Street Market qui accompagne la marque Airei, particulièrement remarquable pour le choix des matières, mais également inspirée de l’Inde où les hommes portent des saris.

Walter Van Beirendonck a depuis longtemps brisé les standards traditionnels. Pour sa collection printemps été 2023, il poursuit avec des chaussures à talons dignes de l’époque baroque, des bijoux et des couleurs fifilles comme le lilas. Le créateur Gabriel Figueiredo, pour la marque De Pino, exposant au Tranoï, va jusqu’à proposer des robes de mariée pour hommes au nom que « finalement, avant que la société ne nous façonne, peut-on dire si on est une fille ou un garçon ? ». De nouvelles orientations sans frontières et… sans limites ? ! Seule la loi du marché répondra à cette question.