Balenciaga haute couture : à quoi peut-on s'attendre ?
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Alors que la mode vient de dire adieu aux collections haute couture de Jean Paul Gaultier, une maison fait son entrée dans le milieu. 52 ans après le départ de son fondateur, la griffe Balenciaga renoue avec la haute couture et ses ateliers originaux. Son directeur artistique, Demna Gvasalia, assurera la responsabilité de la nouvelle ligne de couture. Pour l'occasion, Balenciaga dispose d'un nouvel atelier couture basé sur les plans de l'ancien atelier situé au 10 avenue Georges V, à Paris.
L'histoire nous enseigne que la couture dans les maisons de mode historiques - Chanel, Dior, Givenchy - est souvent une combinaison de l'héritage des décennies passées et de la vision contemporaine du créateur actuel. La maison Balenciaga jouit d’une riche histoire de silhouettes : du costume féminin sculptural aux robes de soirée majestueuses et volumineuses. Mais l'ancien créateur du label Vetements a également une signature franche et une crédibilité streetwear.
Le partenariat n'est pas nouveau : Gvasalia conçoit le prêt-à-porter pour Balenciaga depuis plusieurs années - plus précisément depuis octobre 2015. Mais la haute couture a un statut différent et, surtout, une clientèle différente. Elle nécessite de transcender les idées et les savoir-faire. Comment Gvasalia donnera-t-il de la substance à cette nouvelle ligne ? FashionUnited décrit les possibilités basées sur des œuvres originales de la maison.
L'héritage : la féminité sculptée de Balenciaga
Le couturier espagnol Cristóbal Balenciaga a ouvert sa maison de couture parisienne en 1937. La ville lumières regorge alors de couturiers à succès, mais Balenciaga se distingue de ses confrères par la qualité architecturale de son travail. Les robes de soirée de Balenciaga ne sont pas élégantes et délicates comme celles de Madeleine Vionnet, ni ludiques et narratives comme celles d'Elsa Schiaparelli. Les siennes sont plus abstraites, plus rigides, sculptées autour du corps féminin dans des tissus lourds tels que le taffetas de soie et le satin. De plus, ses créations contiennent souvent des références à son origine espagnole, comme de gros volants et de la dentelle noire.
Dans les années 50 et 60, Balenciaga a apporté des formes sans précédent sur la scène de la mode : des robes en forme de ballon, des baby-dolls volumineuses ou des créations droites façon sac. Balenciaga équilibre le poids des jupes lourdes en mettant l'accent sur les épaules et le dos à travers de grands manteaux et manches, des traînées et des nœuds, des cols relevés ou des découpes profondes et sexy. Ses créations surprennent le spectateur à maintes reprises avec des angles, des superpositions et des ouvertures inattendus.
Son costume emblématique a également des épaules singulières, ainsi qu'un tour sculptural et des doubles rangées de boutons caractéristiques.
Balenciaga ferme sa maison de couture en 1968 et décède quatre ans plus tard, à l'âge de 72 ans. Il devient une grande inspiration pour les nouvelles générations de couturiers, comme son protégé Hubert de Givenchy et Azzedine Alaïa. Mais le travail de Balenciaga ne relève pas officiellement du secteur de la couture : le créateur a systématiquement refusé de répondre aux exigences de la Chambre Syndicale de la Haute Couture, comme produire deux collections par an, 75 pièces chacune et un minimum de 20 collaborateurs. Il n'a donc jamais été admis dans le cercle fermé des couturiers.
Le « marché aux puces chic » de Demna Gvasalia
Gvasalia et Balenciaga ont quelque chose en commun à cet égard. Gvasalia, depuis le début, n'a lui non plus jamais suivi les règles du monde de la mode. Après ses études à la Royal Academy d'Anvers, il a travaillé pendant quelques années pour le rebelle de la mode Walter van Beirendonck puis pour Maison Margiela. Les deux marques jouent avec les conventions de ce qu'est ou pourrait être la mode.
En termes de philosophie, Gvasalia et Balenciaga peuvent avoir des similitudes, mais esthétiquement, ils semblent être à des kilomètres l'un de l'autre. En 2014, le Géorgien Gvasalia a fondé la marque Vêtements avec son frère Gurem. Il fait venir sur les podiums parisiens des vêtements issus de la rue, en particulier de celles d’Europe de l'Est. Vêtements surprend le public avec des combinaisons de robes de grand-mère, écharpes de football, blousons aviateur, sweats à capuche et vestes surdimensionnées (également une marque de fabrique déposée Margiela). Le résultat est à la fois sombre et sympathique. Selon les médias de mode internationaux, son travail est qualifié de « clubby underground » ou de « marché aux puces chic ».
En 2016, Vêtements fait fureur avec un seul article : un T-shirt jaune avec le logo de la société de vente par correspondance DHL.
Dans sa première collection pour Balenciaga, le créateur Demna Gvasalia présente une série de costumes que Balenciaga aurait pu confectionner : des formes caractéristique et surtout des coupes parfaites. Balenciaga rend visible le savoir-faire que Gvasalia a entre les doigts. Cela apparaîtra probablement encore plus dans les collections de couture de Balenciaga.
Mais Gvasalia apporte également un éclairage nouveau sur l'héritage Balenciaga. Dans ses collections de prêt-à-porter (pour femmes et hommes ), il met l'accent sur ses éléments modernes et innovants : de larges épaules et des volumes prononcés, désormais emblématiques pour Gvasalia. Et cela combiné à des bottines étroites contrastantes à bout pointu et talons fins. Ce jeu de formes pourrait être un point de départ intéressant pour une collection couture.
La manipulation des matières par Gvasalia est également frappante. Comme Balenciaga, Gvasalia laisse parler les tissus, bien que Gvasalia n'opte pas pour du taffetas de soie, mais plutôt pour le Spandex. La liberté créative de la couture pourrait mettre Gvasalia au défi d'expérimenter davantage avec ce type de matériaux.
Dans la collection automne 2017 de Balenciaga, également le 100e défilé de la marque, Gvasalia a offert la vision la plus concrète des collections couture du futur : une réinterprétation de la silhouette du soir de Balenciaga avec des superpositions en forme de ballon. C'est peut-être là que les princesses Balenciaga et les facteurs de Gvasalia se rencontreront à l'avenir : à l'intersection du gala et du grunge, entre formes sculptées et provocation de la rue.
Cet article a initialement été écrit pour FashionUnited.nl. Il a été traduit et édité en français par Julia Garel.
Image principale : Balenciaga, 1955 et photos : AFP / Catwalkpictures