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Ce moment où l’industrie de la mode a dit non à la fourrure

By Sharon Camara

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Photo Credits: H&M, colección vegana “Co-Exist Story” avalada por Peta.

À l’ère de la mode éthique et responsable, la tendance est aux vêtements durables et soucieux de l’environnement. Aussi surprenant que cela puisse paraître, la fourrure a longtemps été un vêtement à la mode, symbole ultime de luxe, de richesse, très prisée par les célébrités du monde entier. Il aura fallu des années de sensibilisation et de lutte (souvent) violente pour que la prise de conscience se généralise. Cet éveil de l’industrie de la mode s’est fait en plusieurs étapes.

« De nos jours, ne pas utiliser de fourrure est un argument de vente »

« Dans les années 90, Peta États-Unis a commencé à mettre l'accent sur l'industrie de la fourrure, sur la cruauté de la fourrure via des campagnes avec les célébrités et nous savons que cela peut avoir une grande influence, surtout si la personne a une très grande audience. La campagne "Plutôt à poil qu'en fourrure" à laquelle plusieurs célébrités ont participé a permis aux marques de prendre conscience. Le développement des réseaux sociaux y a aussi contribué. C’est désormais beaucoup plus facile de partager des enquêtes sur la production de la fourrure. Dans l’opinion publique, la fourrure n’est plus associée à cet article de luxe que ça a été pendant très longtemps. Aujourd'hui, elle est liée à la cruauté, la mise à mort et la souffrance de ces animaux. De nos jours, ne plus utiliser la fourrure est un argument de vente, c'est quelque chose que les marques peuvent afficher fièrement », explique à FashionUnited, Anissa Putois, responsable communication de Peta France.

Elle estime que l’impact de la génération Z, plus consciente et préoccupée par l'origine des matières utilisées par les marques, a su influencer les labels dans leurs engagements en faveur d’une mode sans fourrure. « On le voit avec l'intérêt croissant pour le climat et aussi pour la cause des animaux. Ils sont préoccupés par le traitement réservé aux animaux. Pour les anciennes générations, c’était une tendance mais aujourd'hui, c’est carrément un mouvement de société ! C’est une génération qui a grandi avec les réseaux sociaux donc qui a très tôt vu ces images de cruauté envers les animaux, elle arrive donc à rapidement faire le rapprochement lorsqu'elle voit un vêtement en fourrure », analyse-t-elle.

Que dit la loi française ?

Du côté du gouvernement, il aura fallu attendre novembre 2021 pour que la France fasse un grand pas en votant une loi sur l’interdiction de l’élevage des visons. Initialement prévu pour durer jusqu’en 2025, le délai de reconversion des éleveurs de ferme à fourrure a été supprimé de la loi définitive, rendant la décision immédiate.

« Il aura fallu des années de pression et des campagnes de plusieurs groupes pour que l'élevage de visons soit interdit. Il faut dire qu’il n'en restait plus beaucoup en France. Ces dernières années, il y en avait cinq et au moment où la loi a été votée, il n'en restait qu'un. Les autres avaient tous fermé leurs portes parce que les éleveurs étaient partis à la retraite, ils n'avaient pas été remplacés parce qu'ils voyaient bien venir la fin de la légalité d'élever des animaux sauvages pour la fourrure. L’avantage est que cette loi s’applique à tous les éleveurs qui souhaiteraient par exemple élever des renards ou des ratons laveurs en France pour la fourrure, ils savent que ce n'est pas légal. C'est quand même une très grande avancée. Par contre, la loi ne va pas assez loin et n’inclut pas les animaux domestiques comme les lapins dont certaines espèces continuent à être élevées pour la fourrure. Cela se fait en toute légalité alors qu'on peut se demander quelle est la différence. Si on s'oppose à certaines espèces au motif que c'est cruel et que c'est contraire à l'éthique, pourquoi c'est acceptable lorsqu’il s’agit des lapins? »

Pour faire pression sur les autorités, et espérer plus d’engagement, Peta multiplie les actions. L’ONG initie des pétitions et s’adresse directement aux élus pour faire avancer son combat. « Le souci c'est que les animaux sauvages utilisés pour la fourrure dépendent du ministère de l'environnement alors que les animaux domestiques dépendent du ministère de l'agriculture. Ce sont deux entités distinctes qui doivent s'accorder et prendre cette décision. Cela a déjà été fait du côté de l'environnement mais il faut que ça soit fait aussi du côté de l'agriculture. J’estime que nous sommes quand même en retard quand on sait qu’il y a des pays comme Israël qui ont interdit la production de fourrure mais aussi l'importation, les nouveaux articles en fourrure ne peuvent plus y être vendus. C'est le cas aussi de la Californie. Le Royaume Uni réfléchit aussi à mettre en place cette interdiction ».

Aux côtés d'Israël, il y a aussi d’autres pays comme la Croatie en 2006, la Serbie en 2009, la République de Macédoine en 2017, le Luxembourg et la Norvège en 2018 et la Slovaquie en 2019. Tous, ont pris cet engagement de bannir la fourrure animale.

Liste (non exhaustive) des marques qui ont renoncé à la fourrure animale

Selon Peta, 100 millions d’animaux meurent à travers le monde chaque année pour être transformés en articles de mode. Plus de 85 pour cent de la fourrure vendue aujourd’hui provient d’installations, où les animaux sont élevés dans des conditions difficiles avec violence et maltraitance. Même si les chiffres restent étonnamment élevés, les marques, influencées par les préférences éthiques des consommateurs et par le changement de mentalité dans la société, acceptent de plus en plus cette nouvelle norme de mode sans fourrure.

« Je ne dirais pas que la mode est un ennemi de Peta. »

Anissa Putois, responsable communication de Peta France.

S’il y a une créatrice qui fait figure de précurseuse pour son engagement en faveur des animaux, c’est bien Stella McCartney, fervente avocate de la mode éthique et sans cruauté. Depuis plus de 20 ans, la britannique prône une mode sans cuir ni fourrure animale.

En 2018, Jean-Paul Gaultier annonce l’arrêt de l’utilisation de fourrure ou de peau animale dans ses collections. En septembre 2021, c’est au tour du groupe Kering de mettre fin à la fourrure animale dans toutes les collections de ses marques Saint Laurent et Brion. Une décision qui était déjà appliquée pour les griffes Gucci, Balenciaga, Bottega Veneta et Alexander McQueen. Canada Goose a annoncé renoncer à l'usage de la fourrure d'ici la fin de 2021 et cesser d’en fabriquer au plus tard à la fin de 2022. En février 2022, la griffe italienne Dolce & Gabbana annonce renoncer à l'utilisation de la fourrure animale dans toutes ses collections dès cette année. Afin de « préserver le travail et le professionnalisme des maîtres fourreurs », Dolce & Gabbana « continuera à collaborer avec eux » pour créer des « vêtements et accessoires en fourrure écologique, en utilisant matériaux recyclés et recyclables ».

Image: courtesy of Stella McCartney

Malgré ses actions coup de poing contre des marques de mode, notamment aux États-Unis, il y a quelques années, Peta estime que les changements observés ces dernières années dans l'industrie, peuvent être bénéfiques pour la cause : « Je ne dirais pas que la mode est un ennemi de Peta. Dans le monde de la mode, il y a énormément d'innovations, les professionnels comprennent que les temps changent, que les consommateurs veillent à l'éthique et à l'écologie de la mode et qu'il faut développer des matières pour répondre à cette demande », affirme-t-elle.

Photo Credits: Modelo de bolso Frayme Mylo de Stella McCartney hecho de micelios.

Parmi ces innovations, il y a l’utilisation de matières synthétiques pour remplacer la fourrure. Chez Stella McCartney, on a pu observer l’utilisation du mycélium, directement extrait de champignons pour remplacer le cuir. Le cuir synthétique de Fenty a également été applaudi par Peta, qui lui a décerné le prix « Compassion in Fashion », en 2020.

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