Entre imaginaire et upcycling : le retour en force de la mode masculine à Paris
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Paris - Après deux ans marqués par la crise sanitaire, la semaine de la mode masculine a repris du service à Paris du 21 au 26 juin. Avec 84 maisons et designers présents au calendrier officiel, la Fashion Week a été rythmée par 39 défilés et 27 présentations dans la capitale et alentours. En tout, seules huit maisons ont choisi de conserver le format digital.
La saison printemps-été 2023 aura été celle du retour en force pour la mode masculine, presque une déclaration d’indépendance. Ce sont les jeunes designer qui ont lancé la marche mardi, à l’image de Bluemarble, label fondé en 2019 par le créateur Anthony Alvarez, ou Egonlab par Florentin Glémarec et Kévin Nompeix. En janvier dernier, le duo confiait d’ailleurs à l’AFP leur désir d’intégrer le calendrier officiel : « C’est une consécration. Toutes les marques aujourd’hui ont envie de défiler, avoir été acceptés dans le calendrier officiel c’est hyper important pour nous ». Ce mardi 21 juin, le jeune label injectait une dose de psychédélisme à son tailoring revisité en faisant défiler aux côtés de son casting mixte deux mascottes délurées à l’effigie d’une aubergine et d’un champignon.
Place à l’évasion
De quoi donner le ton d’une semaine placée sous le signe de la joie de vivre. Parmi les incontournables du vestiaire masculin, Paul Smith et Véronique Nichanian pour Hermès ont profité de l’été pour faire l’éloge d’une silhouette décontractée. Les couleurs sont solaires, se mélangent, et les coupes décontractées font naître une silhouette nonchalante qui devrait sans s’y méprendre traverser les saisons.
En effet, le printemps-été 2023 pourrait bien être la saison de la renaissance pour le prêt-à-porter masculin - qui, selon les statistiques Kantar, ne représentait en 2019 que 30 pour cent du marché de l’habillement global. Pour fêter le grand retour au format du défilé, certaines maisons on décidé de planter le décor en créant des scénographies d’envergure. À l’image de Kim Jones chez Dior et son hommage à la maison natale de Christian Dior à Granville, ou encore de l’immense terrain de jeu installé par Louis Vuitton dans la Cour Carrée du Louvre. Assurée par le studio de création suite à la disparition de son directeur artistique emblématique Virgil Abloh, la collection faisait la part belle à l’imagination, à la créativité et à l’insouciance enfantine, et prenait des allures de parade guidée par la fanfare californienne The Marching 100.
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Affirmer la mode masculine sur le marché
Dans un contexte économique où les ventes de prêt-à-porter peinent à retrouver le dynamisme pré-pandémie, le retour à une semaine de la mode masculine à plein régime a cependant soulevé une question essentielle : les collections pour homme doivent-elle être séparées catégoriquement des collections pour femme ? Alors que beaucoup de créateurs ont adopté le concept de fluidité de genre, chamboulant parfois leurs calendrier pour présenter des collections mixtes, certains croient en la légitimité de collections 100 pour cent masculines et à l’importance d’un calendrier indépendant des saisons féminines.
C’est le cas de Matthew Williams, directeur artistique de la maison Givenchy, qui a choisi le printemps-été 2023 pour présenter le tout premier défilé uniquement masculin de la maison de luxe française. « C’est un dialogue avec l’époque et la culture, qui modèlent la façon dont les hommes s’habillent aujourd’hui et demain : la façon dont les nouvelles générations adoptent et font évoluer les archétypes et les codes vestimentaires du passé à travers leur propre vision progressiste », pouvait-on lire dans les notes de défilé.
Emblème de la mode masculine, Hedi Slimane marquait le grand retour de Céline au calendrier officiel après deux ans d’absence des podiums. Directeur artistique de la marque du groupe LVMH, le créateur a clôturé la Fashion Week avec une collection exclusivement masculine lors d’un défilé annoncé comme l’événement majeur de la semaine. La veille, un autre événement : le défilé de la créatrice française Marine Serre. La lauréate du Prix LVMH 2017 a pris le contrepied en faisant défiler tous types de corps et d’âges.
L’upcycling : la mode de l’avenir
Dans un stade de Vanves, Marine Serre a encore une fois affirmé son engagement pour une mode durable en présentant une collection presque entièrement constituée de vêtements upcyclés (une initiative partagée notamment par la maison Louis Vuitton). Draps, serviettes et foulards chinés deviennent des robes, chemises et pantalons. C’était aussi la première fois que la créatrice présentait une collection dans le cadre de la semaine de l’homme. Un geste non sans importance, et qui laisse présager une réelle renaissance de la manifestation au profit d’une visibilité plus large et ainsi d’une croissance du marché. Pour élargir les horizons du podium, la créatrice avait d’ailleurs invité plus de mille de ses abonnés Instagram à assister à l’événement.
Rappelons que les ventes du secteur de l’habillement masculin avaient chuté de 20,9 pour cent en 2020 avant de retrouver une croissance positive de 9,1 pour cent en 2021 selon l’IFM Panel (Panel Distributeurs de l’Institut Français de la Mode). Au premier trimestre 2022, la croissance restait encourageantes : 29,8 pour cent par rapport à la même période l’année précédente.