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La Mode Européenne : de Paris aux boutiques solidaires au Congo et au Cap-Vert

By Sharon Camara

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Mode|Interview
À droite, Baptiste Lingoungou devant la boutique La Mode Européenne au Congo. Crédit : Courtesy of La Mode Européenne

Proposer aux clients congolais et cap-verdiens des vêtements de marque et de qualité à prix abordables, tout en créant des emplois rémunérés décemment (deux fois le smic local), c’est la mission que s’est fixée Baptiste Lingoungou en lançant l’association La Mode Européenne.

Français d’origine congolaise, c’est à l’âge de 23 ans que Baptiste Lingoungou découvre le pays de ses parents. « Lors de ce premier voyage, mes proches m’ont demandé d’apporter des cadeaux, des valises de vêtements pour mes cousins, cousines, oncles et tantes ». Il continuera pendant plusieurs années d’envoyer des valises de vêtements lors de ses différents voyages au Congo-Brazzaville. « Après réflexion, je me suis rendu compte que ces cadeaux ne les aidaient pas forcément à améliorer leur quotidien. C’est un moment éphémère ». À cette époque, le parisien évolue dans la mode et crée des pop-ups store pour des jeunes créateurs français. Il décide alors de se servir de ses connaissances dans le domaine pour apporter une solution pérenne à ces personnes. « J'ai pris la décision de collecter des vêtements ici et de les vendre à prix dérisoires au Congo. Le but premier est de créer des emplois ».

D’abord baptisé « Projet Congo », l’idée évolue au fil du temps : « J'ai fait une table ronde avec des membres de ma famille. Je leur ai suggéré plusieurs mots et il s’avère que le côté “Européen” faisait l’unanimité. Ils estimaient que c’est un gage de qualité et c’est une suite logique dans l’histoire de l’association. Tout part de l’Europe, je collecte les vêtements en France et je les ramène en Afrique. C’est aussi pour rappeler la mécanique du projet ».

Ouvertures de boutiques solidaires

Pour l’ouverture de la première boutique, en août 2019, le choix du Congo s’est fait tout naturellement puisqu’il s’agit de son pays d’origine : « Lorsque je vais en Afrique, en tout cas au Congo-Brazzaville, je réside en famille, dans un quartier populaire de Pointe-Noire, Tié-Tié. Dans cette zone, les gens ont des revenus compris entre 50 et 150 euros par mois. C’est là que j’ai voulu implanter ma première boutique et j’ai décidé d’implanter le concept dans des quartiers populaires puisque ce sont les seuls endroits que je connais bien en Afrique et avec lesquels je suis très à l’aise ».

Pour la seconde boutique solidaire, le choix s’est porté sur le Cap-Vert. « L'idée est née d’une collaboration avec une amie, Louise Jambon. Elle a suivi l’ouverture de la première boutique et m’a contacté pour qu’on en ouvre une au Cap-Vert, où elle est installée ». Pour ce nouveau projet, Baptiste est confronté à une problématique : « Il s’agit d’îles touristiques où tout est fait pour les touristes. Les populations se sentent abandonnées puisqu’il n’y a rien pour elles. Les boutiques sont trop chères pour les locaux ».

Baptiste Lingoungou et son associée Louise Jambon devant la boutique La Mode Européenne au Cap-vert. Crédit : Courtesy of La Mode Européenne

Comme le Congo et le Cap-Vert, Baptiste aimerait ouvrir d’autres boutiques dans d’autres villes africaines, mais il mise avant tout sur des collaborations basées sur la confiance : « le choix des lieux se fait au “feeling”. Il faut d’abord que je connaisse une personne de confiance avec qui je peux mener ce projet-là. Ensuite, il faut aller sur place et voir comment le projet peut prendre vie. Au Cap-Vert par exemple, j’ai rencontré un Guinéen qui vient souvent à la boutique et qui désire rentrer dans son pays. Il aimerait bien pouvoir ouvrir une boutique La Mode Européenne en Guinée. Il y voit un potentiel et cela lui permettrait d’avoir un projet solide pour y retourner. Je pense aussi au Cameroun d'où est originaire l’un de mes amis d’enfance, avec qui j’ai envie de monter ce projet. Parmi les autres pays qu’on vise, il y a le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Je pense que ce concept peut être dupliqué partout ». Mais avant d’envisager d’autres ouvertures, le fondateur de la boutique solidaire préfère se concentrer sur le développement de ses deux premières boutiques. « L'idée n’est pas d’ouvrir le maximum de boutiques en un temps record, lorsque j’ouvre dans différents pays, je dois être sûr de pouvoir maîtriser la quantité que j’envoie et de m’assurer de garantir la qualité de ces articles ».

Collaboration avec des marques prestigieuses

Bash, Etam Groupe, Panafrica ou encore Meeko, la liste des marques avec lesquelles collabore La mode Européenne est longue et prestigieuse : « Pour avoir le soutien de ces marques, je procède de deux manières. J’envoie mon dossier à certaines d'entre elles, soit au département RSE ou alors au département des achats qui gère les stocks. J’ai de bons retours en général. Je passe aussi par des amis qui travaillent au sein d’entreprises de mode et qui poussent mon projet auprès de leurs supérieurs ou du département en question ».

Baptiste Lingoungou et Vulfran de Richoufftz, cofondateur de Panafrica. Crédit : Courtesy of La Mode Africaine.

Après avoir valider sa demande, ces marques font dons de leurs invendus et des produits non conformes au cahier des charges mais qui restent en très bon état. « Je ne peux travailler qu’avec des dons puisque les vêtements sont vendus à des prix dérisoires sur place et donc l’idée c’est de pouvoir aussi être rentable dans cette économie circulaire, pouvoir payer les charges entièrement : transport, loyer et surtout rémunérer les différents collaborateurs au Cap-Vert et au Congo, plus que le smic local, pratiquement le double. Par exemple, un employé dans un quartier populaire qui vend et qui serait payé 100 euros le mois est payé 200 euros chez nous ».

Fier de l'évolution de son projet, Baptiste ambitionne de s’y investir à plein temps d’ici quelques années : « Le projet a été fait pour aider, donc l’idée première, c'était de mettre en place une économie circulaire qui s’autofinance. Je ne me suis pas encore consacré à ce projet à temps plein, mais d’ici deux ans, je prévois d’être salarié dans cette association ».

« Apporter des pièces de qualité et non de la quantité »

S'il est souvent reproché aux Occidentaux de submerger l’Afrique de déchets textiles - Plus de la moitié des vêtements récoltés dans les points relais en France sont envoyés vers l’Afrique, soit des tonnes de vêtements, selon une enquête diffusée sur France 5 - Baptiste veut avoir une approche différente.

« Avec ce projet, je veux m’assurer que l’Afrique ne soit pas une décharge à ciel ouvert. Mon objectif est d’apporter des pièces de qualité et non de la quantité. Donc tous les vêtements sont triés, un à un. Nous avons aussi fait une étude pour identifier le style et les préférences de la population. Ce qu’il faut savoir c’est qu’un vêtement considéré comme vintage en France n’est pas perçu de la même manière en Afrique. Une veste délavée Levi’s par exemple, qui peut plaire en Europe, sera considérée comme usée par les consommateurs africains ».

En plus de ses actions sur le continent africain, La Mode Européenne est aussi active en France. L’association a récemment rejoint la Fédération de la mode circulaire dont la mission est de représenter et d'accompagner les professionnels de la mode circulaire et les entreprises de l’industrie du recyclage textile.

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