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Mélanger la mode et la politique : est-ce une bonne idée ?

By May-Anne Oltmans

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Mode

Ceux et celles qui ont suivi les dernières fashion weeks auront remarqué que la frontière entre la mode et la politique est devenue extrêmement floue. Un thème particulièrement évident lors de la dernière fashion week de New York, innondée de déclarations politiques. Que ce soient les flamands roses Planned Parenthood utilisés dans les collections de plus de 40 créateurs, ou les T-shirts avec des slogans comme Nous sommes tous des êtres humains , les créateurs ont exprimé leur idéologie politique. Ce n'est certainement pas la première fois que les créateurs de mode se sont prononcés sur ces questions, mais ce qu’on remarque le plus, c'est le nombre croissant de créateurs qui choisissent de le faire. Cependant, le « mariage » entre la mode et la politique est-il une si bonne idée ?

L’engagement politique : «dernière tendance» de la mode ?

L'opinion de ce mix au sein de l'industrie, qui allie mode et politique, est divisée. Bien que certains créateurs utilisent leurs défilés et leur renommée pour faire passer un message politique, d'autres choisissent de rester discrets en gardant leurs opinions pour eux.

L'inauguration de la fashion week faite par le président Donald Trump, qui a eu lieu en janvier dernier, illustre parfaitement l'engagement politique accru dans l'industrie de la mode. Avant ce jour, les fashionistas se demandaient qui allait habiller la Première Dame, Melania Trump... Beaucoup étaient en désaccord avec l'idéologie politique du président des Etats-Unis et ont refusé d’habiller sa femme. Ce fût, certes, un moyen de s'opposer à lui. La créatrice française Sophie Theallet a écrit une lettre ouverte expliquant son opinion: « J’aime célébrer la diversité, la liberté individuelle et le respect de tous les modes de vie, c’est pourquoi je refuse d’habiller ou de m’associer à Melania Trump. Le discours raciste, sexiste et xénophobe déclenchée par la campagne présidentielle de son mari est incompatible avec les valeurs à travers lesquelles nous vivons. » Humberto Leon de Kenzo, Marc Jacobs et Zac Posen partageaient l’avis de Sophie Theallet.

Les références à la politique étaient également visibles dans les défilés de New York. Les créateurs de Public School Dao-Yi Chow et Maxwell Osborne ont envoyé leurs mannequins sur le podium portant des casquettes et des pulls rouges avec le slogan Make America New York , faisant référence à Donald Trump et au caractère ouvert et multiculturel de New York. Le créateur Christian Siriano a également utilisé son défilé pour envoyer un message politique, en mettant en vedette un T-shirt noir avec People are people imprimées sur le devant en lettres blanches. La marque LRS a fait une déclaration particulièrement frappante en faisant allusion à deux des plans controversés de Donald Trump : le fondateur Raul Solis a créé des blouses blanches où figurait le texte No ban! No wall! (Aucune interdiction! Pas de mur!).

Raf Simons a choisi une forme de protestation plus subtile lors de la présentation de la collection de sa marque éponyme, qui faisait référence au Punk, avec beaucoup de noir, de chaînes et d’inscriptions graphiques. « Dans les années 70, le Punk était une réaction à ce qui se passait dans la société », a déclaré Raf Simons à The Washington Times. « Il s'agissait d'une génération plus jeune, créant son propre code vestimentaire, mais surtout, c'était une réaction politique. » The Row a également choisi une approche plus subtile Less is more . Pour leur collection Automne-Hiver, les jumelles Ashley et Mary-Kate Olsen ont présenté une chemise XXL et blanche, avec des mots comme hope et freedom brodés.

Pourtant, ceux qui pensent que la politique n'a rien à voir avec la mode ont tort, comme Diesel l'a récemment prouvé. Pour la dernière Saint-Valentin, la marque italienne a lancé sa campagne « Make Love Not Walls ». « Chez Diesel, nous avons une position forte contre la haine et plus que jamais, nous voulons que le monde sache que l'amour et la solidarité sont impératifs pour créer une société dans laquelle nous voulons tous vivre et le futur que nous méritons », a déclaré Nicola Formichetti, directeur artistique, sur le site web de la société. Une vidéo, des affiches et des photographies ont été faites spécialement pour la campagne, et même les vitrines de Diesel ont été utilisées pour diffuser le message. À Amsterdam, les vitrines de Diesel portent le slogan de la campagne en lettres capitales blanches et un i tank gonflable aux couleurs vives, ainsi qu’ un mur en forme de cœur.

Karl Lagerfeld : « La mode c’est la mode, pas la politique »

La convergence de la mode et de la politique n'est pas aussi bizarre, comme on pourrait l’imaginer. Certains voient la mode comme une forme d'art. Au fil des siècles, les artistes ont toujours été inspirés par ce qui s'est passé autour d'eux. Des chants de protestation aux peintures d'inspiration politique : l'art était une forme d’expression et un moyen de communiquer avec la société.

Mais aujourd'hui, les créateurs ne sont pas seulement des artistes. Ce sont des hommes et femmes d'affaires. À la fin de la journée, il ne s'agit pas de l'idéologie politique d'un créateur particulier - il s'agit de son résultat. « La mode est la mode, pas la politique », a même déclaré récemment Karl Lagerfeld à The Wall Street Journal. « Le sens du style d'Angela Merkel peut être horrible, mais après tout, elle ne travaille pas dans la mode, hmm ». L'inverse s'applique également : les créateurs de mode restent designers ; ils ne sont pas des militants, et ils ne sont certainement pas des hommes politiques.

Cependant, ça ne veut pas dire que les créateurs de mode doivent se retirer complètement de l'arène politique. Si une déclaration politique affecte positivement les ventes et l'entreprise, alors c’est du bonus. Christopher Bailey, Vivienne Westwood et Christopher Kane étaient très présents au sein de l’opposition au Brexit, bien que leurs préoccupations étaient probablement plus financières que politiques. « Toutes ces couturières incroyables d'Italie, de toute l'Europe en réalité, qui ont travaillé pour nous pendant cinq ans ... Combien cela nous coûterait-il d'organiser des visas pour tous ? » a déclaré Christopher Kane, dont l'entreprise éponyme est basée à Londres, au The New York Times. À cet égard, l'offre croissante de la mode pudique  a probablement aussi plus à voir avec le marché qu'un geste pour promouvoir l'intégration. Les résultats de la recherche menée par le consultant Dinar Standard montrent que le marché de la mode musulmane ne valait pas moins de 230 milliards de dollars en 2014 et atteindra probablement les 327 milliards de dollars d'ici 2020.

La preuve que la politique et la mode peuvent s’allier, mais ne doit pas toujours être prise au sérieux, sur le défilé Chanel de automne/hiver 2015, dans lequel - vous l'avez compris – Karl Lagerfeld a choisi de simuler une marche féministe de protestation. « Ma mère était une véritable féministe », a déclaré le créateur. « J’ai voulu montrer le féminisme d'une manière légère et pas lourde ou aggressive. » Les médias se sont extasiés devant la collection et ont salué « le Kaiser Karl » pour le message positif transmis avec sa marche. Aujourd’hui, Karl Lagerfeld affirme que la mode et la politique ne doivent pas être confondues, ni mélangées. Sur ce défilé, Lagerfeld avait voulu transmettre l’expression authentique de ses idées féministes... Le refera-t-il ? Peut-être pas.

Photos : Dior, Facebook, Diesel store pour FashionUnited

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